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À la recherche du droit perdu

Le présent ouvrage a été élaboré à la suite d’un colloque organisé par le Centre de Recherche en Éthique de Droit de l’Ouest (CREDO) ; il rassemble les interventions de participants issus du monde universitaire et de la justice.

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À la recherche du droit perdu

L’ensemble est d’un grand intérêt pour sa cohérence, sa hauteur de vue et les questions traitées. Le lecteur est en effet convié à une réflexion sur le devenir d’une discipline omniprésente dans notre société : le droit, et le droit associé à la notion de Justice.

Le droit est une discipline très ancienne, puisqu’elle fait de nous les héritiers du droit romain, dont la philosophie est traduite par la formule du Digeste, « suum quique tribuere », rendre à chacun ce qui lui revient. Cet héritage est enrichi par une philosophie réaliste inspirée notamment par Aristote et saint Thomas d’Aquin, et fructifié par la tradition séculaire du droit français et européen. Selon cette tradition, le droit est essentiellement un langage et un chemin ouvrant la voie à la Justice, en utilisant les lumières de la raison ; c’est ce qu’on appelle le droit naturel, qui procède de l’observation de la nature de l’homme, créature ordonnée vers le souverain bien.

Or les différents intervenants constatent que cette vision prudente, réaliste, humaine pour tout dire, est de plus en plus contrebattue par une conception concurrente, marquée par le nominalisme (Guillaume d’Ockham, Gerson, Hobbes), et le relativisme, le subjectivisme, qui « détrône » le droit naturel en lui substituant des prétendues avancées dans tous les domaines, en particulier le droit des familles, la protection de l’enfance et la filiation, et en instaurant une sorte de « dictature du désir », au nom des droits de l’homme, du droit à la différence, etc.

Il s’agit véritablement d’un dévoiement du droit, qui exaltant un émiettement des libertés et un individualisme forcené, conduit à des aberrations telles que l’avortement considéré comme un droit imprescriptible, la PMA sans père et bientôt sans mère grâce à la GPA, l’euthanasie annoncée pour le prochain quinquennat présidentiel, sans oublier les délires transhumanistes.

Nos auteurs, fort heureusement, ne se limitent pas à cette analyse peu réjouissante : contre la « frenesis » suscitée par un droit positif intrusif et déstructurant inspirée par une pseudo-philosophie prométhéenne, ils proposent de restaurer la « phronesis », qui n’est autre que la prudence du juriste respectueux des lois de la nature et familier des chemins de la Justice, héritage divin ; cela suppose de restituer aux mots leur sens véritable, ancré dans le réel en retrouvant cet ars boni et aequi (art du bon et du juste), composante essentielle du bien commun.

Mais ce vœu si respectable est-il réalisable sans une véritable révolution morale et politique ? Telle est la question que l’on peut se poser en fin de lecture de cet excellent ouvrage.

 

 Le droit et le juste. Le droit est-il devenu injuste ? Réflexions en vue d’une refondation du droit. Sous la direction de Aude Mirkovic et Olivia Sarton. Presses universitaires Rhin et Danube, 2021, 150 p., 18 €

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