Le mandat du nouveau chef du gouvernement de Hong Kong, John Lee Ka-chiu, commence mal. Unique candidat à son élection, celui qui s’est targué d’être catholique grâce à ses études dans l’école secondaire du Sacré-Cœur de Kowloon a laissé le sinistre chef de la police, Xia Baolong, arrêter l’évêque émérite de Hong Kong, le cardinal Zen, 90 ans, personnage qui est déjà une légende vivante pour les partisans de la liberté en Chine.
Une pluie fine tombe sur Hong Kong ce 11 mai au soir. Vers 19 heures, les policiers viennent arrêter Monseigneur Joseph Zen dans la maison des Salésiens. Une courte vidéo le montre suivant placidement les hommes masqués. Le cardinal est interrogé plusieurs heures avant d’être relâché sous caution. Le mal est fait. Ses proches sont extrêmement choqués, « leur » évêque est sacré. Le pouvoir a passé les bornes. « Le contrat est rompu », entend-on. D’autres personnes sont arrêtées au même moment, sous le même chef d’accusation, de « collusion avec l’étranger ». L’un s’apprêtait à prendre son avion pour un nouveau poste de professeur à Francfort. L’autre est une avocate rompue à déjouer les pièges tendus par les communistes. Toutes sont membres du Fonds 612 d’aide humanitaire, une association qui prête assistance aux personnes détenues. Ils sont des milliers, ces Hongkongais de tous âges, médecins, avocats, professeurs, étudiants, jeunes et vieux, à être condamnés comme criminels depuis 2019 par cette Loi de Sécurité Nationale parachutée depuis Pékin pour étouffer les manifestations de liberté.
Bien que tous libérés sous caution, les prisonniers du 11 mai ont désormais valeur de symbole : le pouvoir local a voulu être plus royaliste que le roi. Il a embarrassé en haut-lieu, cela s’est répandu comme une traînée de poudre. Immédiatement les médias américains ont réagi. Le Vatican, lié par son accord secret de 2018 avec la Chine, a prudemment exprimé son inquiétude et annonce suivre l’affaire de l’arrestation du Cardinal Zen de près. Le cardinal avait tenté d’obtenir en vain une audience du pape en septembre en se rendant à Rome. Il avait dernièrement fortement critiqué le chef de la diplomatie vaticane, le cardinal Parolin, architecte de l’accord et de son renouvellement en 2020.
Mais l’Église dispose d’autres voix pour faire entendre la sienne : ce 14 mai, le cardinal Charles Bo, président de la Fédération des Conférences des évêques d’Asie, est monté au créneau de façon spectaculaire. Il a publié un communiqué virulent à l’approche du 24 mai, journée mondiale de prière pour l’Eglise en Chine, demandant de prier spécialement pour Monseigneur Zen ce jour-là, et renouvelant son invitation à étendre la prière à la semaine suivante.
Menaces qui pèsent sur la liberté religieuse à Hong Kong
Il y exprime sa « profonde inquiétude sur la situation des droits de l’homme et les menaces qui pèsent sur la liberté religieuse à Hong Kong » et appelle les catholiques et au-delà les chrétiens du monde entier à prier pour Hong Kong. Il enjoint la communauté internationale de continuer à surveiller la situation, de près, et de faire des déclarations sur la liberté et la justice. Il taxe Hong Kong d’ « État policier » où les libertés d’expression, d’assemblée et d’association, ainsi que la liberté de la presse et des universités ont toutes disparu. « Comment peut-on considérer comme un crime d’aider des personnes accusées à bénéficier d’une défense légale et d’une représentation ?», s’interroge t-il.
Moins de deux mois avant la venue programmée de Xi à Hong Kong pour les célébrations du 1er juillet – commémorant la fondation de la République populaire de Chine en 1949 –, ces arrestations font désordre au moment où Pékin a d’autres chats à fouetter avec les confinements en masse. De tout ceci, le cardinal Zen n’a cure : le surlendemain de son arrestation, il reprenait la route pour aller rendre visite aux prisonniers en l’honneur de Notre-Dame de Fatima.
Illustration : le cardinal Zen.