Où l’on analyse le côté lémurien d’Amélie de Montchalin.
Les Malgaches, dit-on, croient maléfique l’aye-aye, ce petit lémurien arboricole de leurs forêts. Il est vrai que croiser un regard exorbité et vide posé au-dessus d’une bouche entrouverte en un sourire perpétuel peut finir par inquiéter… Les Français ressentent aujourd’hui le même sentiment quand apparaît sur leurs écrans le visage d’Amélie de Montchalin. Certes, le versaillisme bon teint de la députée de la 6e circonscription de l’Essonne, catholique de trente-six ans et mère de trois enfants, semble être celui, bien rassurant, de la sortie de messe de onze heures, entre remerciements au curé et achats de pâtisseries. Las, si versaillisme il y a, c’est bien plutôt celui de Thiers, car derrière cet air affolé de lapin pris dans les phares chacun a aujourd’hui compris que l’objectif assumé de cette machine de guerre progressiste est de tirer sur le peuple.
C’est que de Hoche à HEC en passant par Ginette, la jeune Amélie Bommier a conçu très jeune une haute idée d’elle-même : dans le discours qu’elle tint aux bons pères jésuites chez qui elle étudia, l’idée de sa précoce prédestination aux plus grandes choses suinte de partout. De son père, passé d’Elf Aquitaine à Coca-Cola, elle tient un goût pour la mondialisation heureuse que la famille de sa mère, « agriculteurs nomades », ne tempèrera pas. Devenue directrice de la prospective et du suivi des politiques publiques chez Axa de 2014 à 2017, cet agent de lobbying côtoie ainsi PDG et instances européennes. Il ne lui manquait plus comme formation à l’école de la suffisance qu’un passage en politique : le lien était dès lors évident avec Valérie Pécresse, qu’elle rejoint dans un ministère, puis Alain Juppé.
Mais la jeune Bommier est prête à toutes les aventures, même mystiques. « Je suis aujourd’hui députée – déclarera-t-elle – parce que j’ai répondu à un appel en janvier – pas de l’Ange Gabriel, mais d’un certain Emmanuel. » Relativisons les choses : son mari, Guillaume de Montchalin, consultant du Boston Consulting Group, organise dès juin 2016 des échanges entre le candidat Macron, son cabinet et diverses personnalités… « Appelée », donc, investie puis élue, voici Amélie coordinatrice du groupe En Marche à la commission des Finances, où elle ne ménage pas sa peine pour supprimer l’impôt sur la fortune – mobilière seulement, bien sûr – ou pour tester diverses manières de « rediriger » l’épargne des Français.
Un composé chimiquement pur de la macronie
Les députés LREM, qui n’en peuvent rapidement plus de l’autoritarisme de « Madame Je-sais-tout », voient d’un bon œil cette européiste convaincue partir remplacer en mars 2019 l’ineffable Nathalie Loiseau au poste de secrétaire d’État aux Affaires européennes. Après avoir veillé à ce que l’on ne freine point la dérive fédéraliste de l’UE, la voici en juillet 2020 ministre de la Transformation et de la Fonction publique. Là encore, Amélie est en phase : portant la suppression de l’ENA, opposée au statut des fonctionnaires, elle ne cesse de vouloir imposer aux administrations des méthodes de management issues du privé et le discours pseudo-branché qui va avec, toutes choses pour lesquelles des cabinets de consultants – dont le Boston Consulting gGroup – lui donneront leurs si précieux conseils.
« Tout l’art jésuite de poser des questions pour répondre à une première question est une excellente formation » déclarait Amélie. Ses interventions récentes pour tenter de sortir une macronie, dont elle est une sorte de composé chimiquement pur, du scandale McKinsey montre qu’elle n’a pas oublié ses bases. Young leader de la French AmericanFfoundation (2018), Young global leader du Forum économique mondial (2021), la petite Amélie a sans doute promis bien des choses. Fasse le ciel qu’elle intègre au plus vite un cabinet de consultants-lobbyistes anglo-saxon : son travail sera au moins officiel.