Civilisation
Juste un souvenir
Avec Myriam Boyer. Mise en scène de Gérard Vantaggioli. Avec la participation de Philippe Vincent
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La célébration du centenaire de Feydeau (1862-1921) offre le plaisir de se pencher sur l’incroyable destin de cet empereur du rire qui amusait tant les boulevards mais dont la vie, cependant, fut loin d’être enjouée.
Georges Feydeau est issu d’une lignée noble dont les descendants, d’abord exilés en Belgique puis revenus en France sous l’Empire, ne reprirent, par sagesse, ni le titre, ni la particule. Dès 11 ans, plus attiré par le théâtre que par les études, Georges sortit de son répertoire enfantin l’histoire d’un seigneur du Moyen-Âge qui, revenu de guerre sans prévenir, surprit sa femme dans les bras de son page. Plutôt que de laver son honneur, le brave cocu prit les deux amants par les épaules en leur déclarant « et maintenant nous allons être heureux tous les trois ». S’en allant montrer la pièce au célèbre Henri Meilhac, celui-ci, après l’avoir embrassé, lui dit : « Mon fils, ta pièce est stupide mais elle est scénique. Tu seras un homme de théâtre ». Fort de cette assurance, le dramaturge en herbe s’attela à la tâche dès le lendemain. En 1876 il fonda le Cercle des castagnettes qui organisait des représentations pour faire connaître les talents. À 19 ans, le succès qu’il remporte l’incite à délaisser définitivement ses études pour se consacrer à sa vocation. Son aisance, sa drôlerie, son sens de l’absurde et de la fantaisie ne cesseront de s’épanouir dans ses œuvres. Son avenir semble prometteur, une seule ombre plane, le tourment de l’image maternelle rejointe par le mystère de ses origines qui laisseront des traces. Ainsi sa vie entière, et à travers ses pièces, il règlera ses comptes avec les femmes, qu’il aima pourtant. D’ailleurs c’est une autre passion, la peinture, qui l’amena malgré sa méfiance au mariage, en 1889 – pour aboutir finalement au divorce en 1916. En 1892, la consécration arrive avec Monsieur chasse ! Cette treizième pièce marquera le début d’une série de succès ininterrompus : Un Fil à la patte, La Dame de chez Maxim, La Puce à l’oreille… Toutes ses œuvres, sous couvert de fiction, réflétaient sa vie privée, inépuisable mine d’inspiration. Quant à la mécanique Feydeau que l’on compare à un mouvement d’horlogerie, l’auteur du Dindon la doit à Alfred Hennequin, ingénieur des chemins de fer dont il puisa le goût des mécaniques précises et bien huilées qu’il appliqua à la construction de ses vaudevilles. Le prince du rire et de l’embrouille ne cessa de nous convier à le rejoindre dans le spectacle de son existence jusqu’à sa mort en 1921. Robert de Flers, président de la Société des auteurs et ami de Feydeau, dans son éloge funèbre, montre combien le répertoire de Feydeau est le fidèle reflet de sa vision du monde : « De cette contemplation, vous aviez tiré des leçons profondes. Elle vous avait appris à cacher la laideur de l’existence sous son comique, sa mélancolie sous sa folie et, plutôt que de laisser vos personnages s’attrister dans le monde, vous préfériez les conduire au carnaval. Mais sous les masques, pourtant, vous laissiez devinez les visages ».