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Présumé coupable

À travers la manière dont le diocèse de Munich et Benoît XVI sont accusés, on retrouve les éléments de langage du rapport Sauvé et la même volonté de réformer l’Église.

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Présumé coupable

20   janvier, Munich. Cinq avocats publient un rapport à charge sur la gestion des abus sexuels par le diocèse de Munich et Freising de 1945 à 2019 et accusent le pape émérite Benoît XVI, ainsi que les cardinaux Wetter et Marx. 

Commandé par l’archevêque en titre, le cardinal Marx, ancien président de la Commission des épiscopats de la communauté européenne et ancien président de la conférence épiscopale allemande, qui avait remis sa démission au pape François au mois de juin (démission refusée), ce rapport s’intitule « Abus sexuels sur mineurs et adultes protégés, commis par des clercs ainsi que par des employés à plein temps dans l’archidiocèse de Munich et Freising de 1945 à 2019 ». En sous-titre : « Responsabilités, causes systémiques, conséquences et recommandations ». Les auteurs se nomment « experts ». Le commanditaire, le cardinal Marx, est absent de leur conférence de presse. 

Trois épais livres rouges de 1198 pages au total sans compter les annexes, dressent sur plusieurs centaines de pages les dysfonctionnements de l’administration d’un diocèse dont les effectifs ont été multipliés par 16 des années 1970 à 2010 et dont les services se déploient sur 40 sites différents, avant d’en venir au sujet lui-même : les abus sexuels, et les réponses à leur sens condamnables qui ont été apportées dans 42 cas par les évêques. Les chiffres retenus : 497 victimes, 50% de sexe masculin, 59% âgés de 8 à 14 ans. Dans les 235 ecclésiastiques et employés accusés figurent 173 prêtres.  Environ 70 pages visent le pape émérite lorsqu’il était archevêque de 1977 à 1982, établissant quatre cas d’accusation : Numéros 22, 37, 40 et 42, à partir de documents de l’évêché et d’interrogations de témoins. 

Dans le premier cas, les experts « disculpent globalement » l’accusé tout en se montrant surpris des réponses de Benoît XVI – il a répondu en août, les 82 pages sont en annexe du rapport. Le pape émérite y souligne « un degré remarquable de partialité » dans l’évaluation préliminaire et constate qu’ils « … se placent sur le plan de l’évaluation subjective, voire de la manipulation de l’opinion et de la pure spéculation ». 

Des droits des homosexuels dans l’Église allemande ?

Dans les trois autres cas, la condamnation tombe comme un couperet. Dans un style très violent allant du soupçon à la condamnation : « … les experts n’ont pas constaté de disposition de Benoît XVI à réfléchir de manière autocritique à ses propres actions et à assumer (au moins en partie) la responsabilité des insuffisances de ses réactions, tant à l’égard des accusés que des victimes ». Dans leurs conclusions, les avocats mettent en avant les « causes systémiques » communes aux Églises d’autres pays. Suggèrent un lien au moins indirect entre le célibat des prêtres et les abus sexuels. Dénoncent une « peur paranoïaque » des responsables de l’Église devant toute publicité et leur goût du secret. Plaident pour un « renforcement du rôle des femmes dans les fonctions dirigeantes de l’Église » – titre du dernier paragraphe critiquant « un système d’alliance masculine » – et recommandent « de ne pas faire tourner la roue en arrière ». Benoît XVI ayant eu connaissance du document final en même temps que la presse, et sous forme d’un PDF en ligne, a indiqué par son secrétaire vouloir prendre le temps de le lire avant de répondre. Mais les médias ne lui ont pas donné le choix. 

Vendredi 21 janvier, Francfort. Le Frankfurter Allgemeine Zeitung titre « Les mensonges de Benoît ». Le rapport sur les abus sexuels s’inscrit dans un contexte allemand peu connu du grand public en France, sur fond de rivalités internes dans l’Église catholique et avec les églises protestantes. Engagée sur un « chemin synodal » (sic) depuis 2019, une grande partie de l’Église allemande veut s’affranchir du célibat des prêtres et promouvoir l’ordination de femmes mariées ainsi que la bénédiction des unions homosexuelles. Entre-temps, l’emballement médiatique s’est déclenché, jetant en pâture le nom du pape émérite associé aux abus sexuels. Dès le 24 janvier, 122 salariés de l’Église allemande – tous les cultes reçoivent une partie de leurs ressources de l’État au travers des impôts – lancent un mouvement de reconnaissance des droits des homosexuels dans l’Église.

 Le même jour, Benoît XVI corrigeait un point de sa déclaration sur une réunion de 1980, en priant d’excuser son erreur avec l’humilité qui le caractérise. Le Vatican ne pouvait que lui apporter son soutien trois jours après, rappelant tout le travail accompli par Joseph Ratzinger, bien avant de devenir « le premier pape à rencontrer les victimes d’abus ». Et à prophétiser en 2010 : « … aujourd’hui nous le voyons d’une manière vraiment terrifiante (que) la plus grande persécution de l’Église ne vient pas d’ennemis extérieurs, mais naît du péché à l’intérieur de l’Église… ».

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