Entretien avec Frédéric de Natal, directeur de la publication de Dynastie. Propos recueillis par Philippe Mesnard.
Pourquoi relancer Dynastie, 35 ans après son arrêt ?
Le premier rédacteur en chef de Dynastie, dans les années 80, était Stéphane Bern, et nous avons voulu nous inscrire dans son ambition, « instruire en faisant rêver », comme l’écrit Philippe Delorme, directeur de la rédaction du magazine actuel, et qui y était déjà journaliste il y a 35 ans. C’est vraiment la force de Stéphane Bern : il prouve tous les jours qu’on peut parler d’histoire et de patrimoine aux Français, et que le grand public mérite mieux que le seul divertissement. Je crois que les Français ne veulent pas sortir de l’histoire. À notre échelle, nous cherchons donc à continuer une histoire éditoriale et une entreprise de restauration culturelle commencées dans le passé.
Qu’y a-t-il dans la continuité dynastique qui vous paraît digne d’intérêt, au point de mettre presque sur un même pied les Bragance et les Belmondo ?
Promouvoir le principe dynastique, c’est d’abord promouvoir l’idée que ce sont les familles qui font les nations. C’est en effet dans les familles qu’on apprend à recevoir pour donner, qu’on apprend à être une partie d’un tout, et qu’on apprend surtout à vouloir aimer quelque chose en commun, dans un style propre à chaque famille et à chaque nation. Au premier rang de ces familles, les dynasties royales jouent bien sûr un rôle prépondérant, emblématique et même matriciel, mais toutes les familles participent de la continuation d’un pays : les dynasties d’industriels comme les dynasties d’artisans, les dynasties d’artistes comme les dynasties plus silencieuses dont la plupart des Français sont issus. Au fond, toutes ces lignées partagent plus qu’on ne peut le croire de prime abord, et elles partagent du moins suffisamment pour que tous puissent se reconnaître en elles, et peut-être même s’élever par elles.
Pourquoi parler des dynasties peu connues, africaines ou asiatiques ?
C’est l’occasion de démontrer le caractère universel du principe dynastique, que toutes les sociétés ont cherché à valoriser dans leur style propre. Et puis, j’espère que toutes ces dynasties lointaines redonneront un peu de couleur au quotidien parfois morose et standardisé de nos lecteurs français.
Quelle conscience les actuels héritiers ont-ils de leurs dynasties ?
Qui n’est pas héritier ? Nous le sommes tous. Et malheureusement, l’Occident ne vient même pas réclamer son héritage, car il ne le connaît pas, ne veut pas le transmettre, et doit au fond savoir qu’il ne le mérite peut-être pas. Heureusement, de nombreux héritiers – notamment de dynasties royales, pour ne pas éluder votre question – ont su garder la flamme. Ainsi, j’ai été extrêmement impressionné par le témoignage de la Grande-Duchesse de Luxembourg lors de l’entretien qu’elle nous a accordé : cette famille donne vraiment sa vie pour servir les Luxembourgeois.
Quel est le but du dossier sur les Capétiens ?
C’est un dossier « programmatique » : dans le temps et dans l’histoire, quelle famille a mieux incarné le principe « dynastique » que nous voulons promouvoir ? C’est la plus ancienne dynastie royale en succession masculine du monde. Au-delà même de ce « miracle capétien », l’alliance qui s’est joué entre un pays et une famille particulière a quelque chose d’extrêmement mystérieux. C’est ce mystère que nous avons voulu explorer dans notre dossier sur le sacre chez les Capétiens, à travers nos analyses, nos entretiens et nos reportages.
Vous pratiquez un joyeux mélange des genres, entre folklore royaliste, magazine people et pédagogie politique.
Nous avons cherché à parler à tout le monde. C’est d’ailleurs l’un des buts premiers de l’étude et de l’enseignement de l’histoire que de rassembler : c’est parce que nous avons une mémoire commune que nous avons une identité commune. Et c’est naturel que ce soit dans ce qu’elle a de présent et d’incarné que l’histoire nous interpelle : c’est pourquoi nous assumons de chercher dans le monde contemporain les traces de notre histoire partagée. Par exemple, le portrait de Geneviève de Fontenay au beau milieu de notre dossier sur le sacre a pu surprendre certains de nos lecteurs, jusqu’à ce qu’ils apprennent que le créateur des Miss France, Maurice de Waleffe, s’est inspiré de l’imaginaire du sacre royal pour concevoir le fameux concours de beauté – ce qui n’est certainement pas indifférent à son succès.
Pour toutes les dynasties étrangères, le lien entre trône et autel (quels que soient le ou les dieux qui y étaient adorés) fut-il aussi étroit qu’en France ?
L’historien Patrice Gueniffey explique dans le dossier sur le sacre que le pouvoir est intimement et anthropologiquement lié au sacré dans toutes les civilisations. La force du christianisme, et plus particulièrement du sacre en France, est d’avoir obligé celui qui détenait le pouvoir. Je crois que ce n’est pas tant l’étroitesse du lien que son originalité qu’il faut souligner. En France, le pouvoir temporel et le pouvoir spirituel ont été pensées comme des réalités qu’il fallait distinguer pour unir. Mais pour en savoir plus, il faut s’abonner !
Dynastie est une revue trimestrielle :www.revuedynastie.fr