Civilisation
Vauban pour toujours
1692, le duc de Savoie franchit le col de Vars, emporte Embrun, puis Gap. Louis XIV demande à Vauban de fortifier le Queyras.
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Un dirigeant peut-il construire une nation, ou est-il pris au piège des mythes nationaux et des alliances qu’ils suscitent ? Telle est l’une des questions auxquelles l’ouvrage de Charlotte Nicollet tente de répondre, car, au travers de l’histoire de Ferdinand Ier de Bulgarie (1861-1948), c’est bien à celle d’une nation que s’attache l’auteur. D’une Bulgarie prise en étau entre la Sublime Porte et la Russie – Ferdinand accède au trône après le coup d’État de 1879 dirigé par la Russie –, mais qui subit surtout le contrecoup des guerres balkaniques.
L’affranchissement réel du joug ottoman – le traité de Berlin de 1878 avait fait de la Bulgarie une principauté vassale – date de 1908, quand Ferdinand devient « roi des Bulgares », mais la lutte continuait. La première guerre balkanique (1912-1913) et la victoire sur les Turcs de la Ligue balkanique (Serbie, Grèce, Montenegro et Bulgarie) apportent à la Bulgarie de nouveaux territoires. Las, la deuxième guerre balkanique (1913) l’oppose à ses anciens alliés serbes et grecs qui, avec le soutien de la Roumanie, la forcent à leur en rétrocéder une grande part. La place de la Serbie, championne des intérêts russes dans les Balkans, conduira alors le souverain bulgare à choisir le camp des empires centraux dans la Première Guerre mondiale. Si la royauté bulgare ne disparaît pas avec l’effondrement de ces derniers, Ferdinand doit cependant abdiquer le 3 octobre 1918 en faveur de son fils. Boris III mourra roi de Bulgarie en 1943, mais son fils, Siméon II, sera déposé par les communistes qui établissent la république.
On comprend combien peut être noire la mémoire d’un prince d’origine étrangère (un Saxe-Cobourg) qui mena le pays à deux défaites majeures en 1913 et 1918. Mais se refusant à n’y voir que la prétendue duplicité d’un souverain certes parfois très hésitant dans ses choix, Charlotte Nicollet nous invite à tenter de comprendre la complexité des engrenages qui l’y mènent, car « les décision du roi ne peuvent être jugées […] qu’en fonction de la latitude et du champ des possibilités dont le principal intéressé a disposé ».
De fait, après l’explosion de la Ligue balkanique, tout semble joué : son pays dépecé, n’ayant plus le soutien de la Russie, ne pouvant obtenir celui de ses alliés, France ou Angleterre, le choix de Ferdinand en 1914 s’impose pour satisfaire la volonté de revanche d’une large partie de l’opinion publique… tout en choquant le camp orthodoxe et russophile qui constituait une part de l’opposition. L’ambiguïté porte, ici aussi, sur les éléments constitutifs de la nation : « avoir fait de grandes choses ensemble, vouloir en faire encore », comme l’écrivait Renan, suppose en effet souvent de se construire « contre », et l’effondrement de la menace que la Sublime porte faisait peser sur tous allait finalement réveiller les vieux démons des Balkans.