Tribunes
Que faire ?
Adieu, mon pays qu’on appelle encore la France. Adieu.
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Les prédateurs font l’actualité. Pas de jour qui passe sans un nouveau scandale. Le plus étonnant est de voir que, parmi les personnes qui se scandalisent le plus, il en est qui revendiquent encore plus hautement la liberté sexuelle, et singulièrement pour les femmes et les jeunes filles : liberté de faire ce qu’elles veulent, de se comporter comme elles l’entendent, de se livrer à n’importe quelle pratique. Avec droit à l’avortement et, s’il le faut, maintenant jusqu’à neuf mois, jusqu’à l’infanticide qu’il serait question de prochainement légaliser.
Que les hommes se permettent le n’importe quoi vis-à-vis des femmes et des filles qui acceptent et exigent pour elles-mêmes le droit au n’importe quoi, n’y a-t-il pas là comme un jeu de conséquences auquel il paraît assez vain de prétendre se soustraire ? Toutes les dames et demoiselles de chez nous – et de toutes les conditions – sentent parfaitement ces nuances. La dignité du comportement suppose des mœurs qui n’existent que par l’assentiment commun à certaines règles d’honnêteté dans les rapports humains dont notre civilisation française et chrétienne était la garante.
Il n’est question que de respect, que de respecter l’autre. Voilà une phrase entendue mille fois. Chacun réclame le respect en sa faveur. Encore faut-il être respectable. Ceux qui enjoignent aux autres à grands cris de les respecter dans leurs choix personnels les plus douteux et les plus malfaisants, au simple motif que c’est leur choix, tuent toute notion de respect et donc de respectabilité. Qualifier cette dernière de bourgeoise ne change rien à l’affaire. La vérité est qu’ils s’en moquent éperdument ; ce qui compte pour eux, c’est eux-mêmes et leur anarchie érigée en dogme. Ils veulent établir la loi de leur non-loi. Et que leur soient reconnues par principe la suprématie et l’intangibilité de leur droit. D’où l’émiettement juridique et social, qui caractérise de plus en plus la société d’aujourd’hui.
Rejeter la civilisation, en bafouer publiquement les principes, en transgresser en toutes occasions les règles les plus fondamentales, n’est certes pas une bonne manière d’assurer la rectitude et l’élégance de la conduite en société. Et ceux qui se font gloire de professer de telles doctrines et d’adopter de telles attitudes ne sauraient ensuite en réprouver les effets inéluctables.
C’est une des grandes contradictions de notre vie moderne. Ces notions d’élémentaire logique sont en train de disparaître, parce qu’elles embarrassent de plus en plus ceux qui dirigent la vie politique. Faut-il le dire aussi ? Il en a été de même, et depuis trop longtemps, dans l’ordre ecclésiastique où un progressisme et un modernisme de mauvais aloi se sont érigés en magistère supérieur à toute la doctrine antérieure. Même si aucun milieu n’est indemne de déviations et de dépravations – ce qui fait que personne ne peut juger personne du haut de sa suffisance –, il n’en reste pas moins qu’il est facile aujourd’hui de mesurer les graves répercussions d’un tel laxisme. La complaisance pour le hors-norme est devenue la norme, sous prétexte d’adaptation aux évolutions qui ont été sciemment induites a priori et qui sont jugées a posteriori comme inévitables. Ces procédés faciles d’une prétendue modernité entraînent des effets si désastreux qu’un retour au simple bon sens ne pourra que s’avérer nécessaire, du moins dans les sociétés, y compris ecclésiales, qui veulent survivre.
Il est devenu de mode d’incriminer l’Amérique et les campus américains, mais le mal est bien de chez nous. L’université française était malade dès avant 1968. S’en souviennent ceux qui la fréquentaient dans les années 60. Le marxo-freudisme y régnait en maître avec les philosophes de la déconstruction. Faut-il rappeler que les chefs révolutionnaires de l’après-guerre ont été formés en Sorbonne et que le maoïsme était le dernier cri de la pensée avancée, celle que l’UNEF et tous les courants révolutionnaires imposaient dans les amphithéâtres avec la complicité de l’administration ?
Sartre et Simone de Beauvoir menaient la danse. Roland Barthes, spécialiste revendiqué de Sade et grand sémiologue de la contestation, avec ses épigones, faisait florès. Des générations ont été formées dans cette ambiance intellectuelle. Celle de Macron aussi : un Paul Ricœur donnait dans les mêmes billevesées dialectiques et morales !
C’est en vertu des mêmes présupposés que la France va devoir aujourd’hui subir la barbarie de l’écriture inclusive. « L’islamo-gauchisme » qui alimente tant de polémiques ces derniers temps, n’est que l’un des fruits venimeux de la même secte vicieuse, qui a su s’emparer des leviers de pouvoir dans une France abandonnée par ses élites qui ne croient plus en elle. C’est ce qu’explique fort bien Eric Zemmour ; pareillement Michel Onfray et tous ceux qui protestent énergiquement contre cette mainmise sur notre pays et sur son avenir.
Il ne faut pas croire qu’il ne s’agit là que d’épiphénomènes. L’affaire d’Olivier Duhamel est éclairante. Voilà un homme, un grand bourgeois, qui conseillait les acteurs de la politique, qui veillait sur la formation des futures élites, qui obtenait la présidence du Siècle, le cercle huppé des hommes de pouvoir et d’argent, et qui se croyait au-dessus de toutes les règles de la plus simple moralité. Cela en dit long sur l’état réel de la société française. Pourriture intellectuelle, pourriture morale. Tel est le verdict. Jusqu’au sommet.
Le quotidien Présent a consacré son dernier numéro Hors série – qui se trouve dans les kiosques – à La gauche pédo-criminelle, les porcs et les ogres du camp du bien. Indépendamment des dénonciations tous azimuts qui englobent toutes sortes de personnes de tous genres et de toutes catégories et au-delà du fait qu’il se rencontre dans tous les milieux des pervers et qui osent même se réclamer pour certains d’un goût esthétique, voire d’une expression littéraire, tel un Matzneff, il n’empêche que c’est la gauche, bien gauchardement gauchiste, qui s’est distinguée dans la prétendue lutte – gagnée d’avance, étant donné l’entreprise systématique de destruction des mœurs –, en faveur de la libération sexuelle.
Tout est dit dans le dossier de Présent, notamment sur la philosophie de la chose, s’il est permis de s’exprimer ainsi ! Elle relevait d’une morale dire libérée qui se recommandait de Sartre, de Marcuse et d’Althusser, entre autres. Elle a prospéré dans les années 70 et triomphé dans les années 80. L’avantage de cette morale néo-marxiste et néo-freudienne, qualifiée justement de libertaire, c’est qu’elle n’obligeait à rien ceux qui s’en recommandaient, sauf à la promouvoir, et qu’elle leur permettait de juger tous les autres d’après les critères les plus exigeants d’une hyper-morale politique qui distinguait entre le bien, nécessairement de gauche, et le mal, non moins nécessairement de droite. Il était convenu que l’oppression n’était jamais de gauche, seule la droite étant essentiellement oppressive. Quelle droite, d’ailleurs ? La question mérite d’être posée.
Et, de fait, c’est la grande et petite presse de gauche qui mena ce qu’elle appelait son grand combat, et, plus spécifiquement encore, pour la promotion de la pédophilie, autre nom de la pédérastie. Libération, Le Monde, L’Obs, les journaux soi-disant satiriques, tous estampillés de gauche, s’illustrèrent dans cette lutte d’émancipation des règles de la morale bourgeoise.
Tribunes et pétitions s’y succédaient, des années 70 aux années 2000, y compris de pédocriminels comme Dugué, condamné comme tel, pour revendiquer cet affranchissement jusqu’à l’apologie de la pédophilie, jusqu’à nier l’âge d’une majorité sexuelle, discussion qui fut reprise il y a quatre ans devant le Parlement ! Et encore aujourd’hui ! Tous les noms de la gauche morale et bien-pensante se retrouvaient dans ces listes, de Jean-Paul Sartre à Louis Aragon, de Jack Lang à Bernard Kouchner, d’André Glucksman à Roland Barthes, de Gilles Deleuze à Guy Hocquenghem, de Philippe Sollers à Michel Foucault, sans oublier le professeur de morale politique qui délivre ses leçons à l’Europe entière et qui est le vaillant soutien de Macron, Daniel Cohn-Bendit. Tout cela sous la houlette de Serge July et de Laurent Joffrin, bourgeois, fils de bourgeois, déguisés en soldats du peuple. Cette presse n’a pas été financée pour rien par des Berger, des Niel, des Pigasse, des Drahi et autres. Ils ont soutenu et financé la campagne de François Hollande avec le bizarre financier Jean-Jacques Augier, ami et trésorier du candidat, à charge pour Hollande de faire passer en priorité la loi dite du mariage pour tous. Et, pour Macron, maintenant, de faire passer la suite, toute la suite ; et pour l’Union européenne de l’imposer à tous ses membres.
Tel est le cœur de la République. Il n’a pas changé. Même s’il est agité de remous divers en raison des innombrables scandales. C’est toujours sa loi interne qui l’unifie et la coalise, celle qui justifie l’accession au pouvoir, le pacte qui relie tous ceux qui en vivent et qu’il faut bien qualifier de prédateurs de la République.
Quelle affliction de lire le livre de Camille Kouchner, La familia grande (Seuil) ! Tout est décrit de ce milieu qui se croit libre et fait pour commander aux autres, mais quelle responsabilité dans les dégâts qui ne sont pas seulement familiaux, mais aussi bien nationaux.
Quelle affliction, pire encore, de lire le livre d’un Jean-Pierre Jouyet, L’Envers du décor (Albin Michel). Voilà un homme qui se dit chrétien, catholique pratiquant, qui a occupé les postes les plus importants comme haut fonctionnaire et qui a joué sa partie et sa carrière, sans s’en rendre compte sans doute, avec cette gauche-là et dont le meilleur ami qui l’a vraisemblablement abusé, reste François Hollande, lui-même fils de famille catholique, sorti des bons collèges comme tant d’autres, devenu, dans le cadre républicain, un homme de pouvoir sans scrupule, un prédateur de la République. Jouyet a contribué à faire Macron, il le reconnaît, même s’il s’en repent aujourd’hui. Car il ne voit que trop que la France fout le camp.
Mais quand donc ces gens-là comprendront-ils qu’il faut rompre le pacte d’une telle République qui n’est plus, pour parler comme le pape Jean-Paul II, qu’une structure de péché ? Le plaisir du pouvoir pour ça ?