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Le divin Bonaparte

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Le divin Bonaparte

Les Invalides sont le tombeau de Napoléon. Ce qui aurait dû être une nécropole royale est devenu un mausolée impérial. Mieux qu’un mausolée, un temple. Le musée de l’Armée consacre à la divinité qui y est vénérée une exposition passionnante. La manière dont les fervents de Bonaparte se sont assez rapidement emparés de son corps, de sa personne, de sa mémoire est impressionnante : comme s’il s’agissait de transformer sa mort en cruel mais nécessaire passage vers un ultime triomphe, une consécration totale d’où la figure de l’empereur émergerait, transfigurée et éternelle.
L’allusion christique est volontaire : il suffit de voir le tableau en mosaïque d’émaux de De Rossi, Napoléon sortant de son tombeau : auréolé de lumière, couronné de lauriers, tenant un rameau d’olivier, Bonaparte finit de repousser d’un doigt tout-puissant la dalle de son tombeau d’où il émerge avec une assurance pleine de dignité, le regard droit fixé sur le spectateur qu’on imagine tomber en adoration devant le Sauveur, surgi des morts pour libérer son empire, ou peut-être simplement la France.
Quand Bonaparte n’est pas travesti en Christ, il devient Moïse, dans une Allégorie de 1833 de Mauzaisse. Au milieu des dépouilles de sa gloire (son chapeau, une aigle, un drapeau français…), le regard dans le vide, le guerrier nonpareil, le chef génial, le législateur hors-pair inscrit ses commandements – autrement dit le code Napoléon –, inspiré par lui-même (Dieu ayant sans doute déclaré forfait, par humilité), sous l’œil d’un temps si émerveillé qu’il en a suspendu son cours, désormais voué à vénérer une œuvre immortelle. Il tient une couronne de lauriers assez haut au-dessus de Bonaparte, n’osant sans doute pas être trop familier.
Partout ce ne sont que monuments grandioses, foules immenses, catafalque hors normes, symboles entassés et apothéoses gigantesques, l’étonnant Tableau allégorique du retour des Cendres de Napoléon, de Trichot, entassant tout ce qu’il est possible d’imaginer pour bien montrer la prééminence sardanapalesque du personnage. C’est une image d’Épinal luxueuse, une manière de proto-Douanier Rousseau, un tableau naïf, précis, surchargé, grandiloquent comme un discours de préfet IIIe République ; toute la scène étant éclairée par un soleil blanc comme une hostie où se révèle le profil du héros, ceint de douze étoiles (la scénographie, particulièrement réussie, veut inciter au recueillement).
Ce retour des Cendres, orchestré par Louis-Philippe et Adolphe Thiers, est moins un cortège funèbre qu’un triomphe à l’antique. À défaut que le conquérant soit debout dans un char, on promène le corps de l’empereur déchu dans un char démesuré, royal dans ses couleurs mais impérial dans ses dimensions outrées, semblable au Jaggernaut indien. Le culte ne vit pas que de magnifiques souvenirs, il lui faut aussi des objets de piété. Vivant Denon, que Bonaparte avait nommé directeur en 1803 du Muséum central des arts (le Louvre, devenu d’ailleurs Musée Napoléon en 1803), intégra à son reliquaire néo-gothique, qui contenait déjà (entre autres) des fragments d’os du Cid et de Chimène et la moitié d’une dent de Voltaire, un morceau ensanglanté de la chemise que Bonaparte portait au moment de sa mort et une feuille du saule sous lequel il repose à Sainte‑Hélène. Le spectacle est curieux. D’autres se jetèrent sur le masque mortuaire d’Antommarchi, reproduit maintes fois en bronze ou en plâtre (100 francs le bronze, 20 francs le plâtre, emballage et port en sus). L’exposition abonde ainsi en objets rares, en représentations peu connues, le tout mis en scène avec une ferveur qu’on n’imaginait pas – et qui fait son effet –, érudit et imagé autel éphémère dédié au grand homme. Avant que la révolution culturelle en cours ne renverse l’idole ?

Illustration : De Rossi, d’après Horace Vernet, Napoléon sortant de son tombeau, 1869. Micromosaïque d’émaux. Paris – Musée de l’Armée, Dist. RMN-Grand Palais – Emilie Cambie.

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