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Le meilleur des mondes est pour demain, en vert

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Le meilleur des mondes est pour demain, en vert

Nous n’aurons pas attendu longtemps les tentations terroristes de l’écologisme militant. Depuis leur percée lors des dernières municipales, les Verts semblent croire leur règne arrivé, et ne prennent pas de gants pour faire sentir leur férule. Il n’est que de considérer les initiatives provocantes prises par certains de leurs maires récemment élus pour en juger. À la fin de l’année dernière, Pierre Hurmic, nouveau maire EELV de Bordeaux, interdisait le traditionnel sapin de Noël municipal pour des raisons à la fois économiques (trop coûteux selon lui) et écologiques (il convient de respecter la nature, et donc de ne pas abattre et instrumentaliser de pauvres arbres innocents pour une fête archaïque). Sa décision suscita un véritable tollé, et maints élus et représentants d’associations, exigèrent une consultation de la population locale par référendum. Réponse d’Hurmic : « L’opinion des fachos, je m’assois dessus ! » Belle leçon de démocratie de la part d’un homme qui s’en réclame tant, comme tous nos politiciens ! Belle leçon, également, de tolérance et de respect des autres. Selon Hurmic, ses adversaires ne sont que des « fachos », donc infiniment méprisables, et dont l’avis ne saurait être pris en considération, dans l’intérêt même de la démocratie, et au nom des sacro-saintes « valeurs de la République ». Que cette décision de ne pas installer le traditionnel sapin de Noël, place Pey-Berlan, ait provoqué l’indignation de Bordelais de tous bords (et pas seulement de la droite nationale, loin de là) n’a aucune importance pour le premier magistrat de la cité girondine : tous ses opposants sont les tenants d’une France rétrograde, enkystée dans ses traditions surannées, et relèvent, par là même, de la mouvance réactionnaire, donc fasciste et vichyste. Merci, Monsieur le Maire, pour cette grande leçon de respect et de tolérance, qui augure assez de ce que pourra être un pouvoir écologiste, si jamais il advient un jour.
À Lyon, le maire EELV, Grégory Doucet, a récemment imposé, pour une durée de trois semaines, un menu unique sans viande dans les cantines scolaires, au nom de la lutte contre la pandémie actuelle. On se demande en quoi une telle initiative freinera la propagation du coronavirus au sein de la population lyonnaise. Mais on a tort de se le demander. En fait, la question n’est pas là. Ce n’est pas la propagation de la Covid 19 qui motive la décision prise par le nouveau mai(t)re de Lyon. Ce dernier, comme beaucoup de ses camarades écolos, est un partisan convaincu du végétarisme, du végétalisme, voire du veganisme et de l’antispécisme. Pendant des années, et durant sa campagne électorale de 2020, il n’a cessé de prôner la diminution générale de la consommation de viande, la diminution de la proportion de viande dans les menus des cantines publiques, l’instauration obligatoire d’un menu optionnel végétarien, chaque jour, dans les cantines scolaires, et l’agriculture bio envisagée sous le seul angle de la production d’aliments végétaux.

L’écologisme est la seule des idéologies politiques à avoir survécu

La présente mesure vise à préparer l’instauration d’un régime végétarien obligatoire. Nous exagérons ? Que non, hélas ! Et combien nous souhaiterions avoir tort ! Mais tel n’est pas le cas. L’écologisme est, de nos jours, en Occident, la seule idéologie encore vivace et influente au sein de la population, et capable de séduire des électeurs. Les autres (socialisme, sous toutes ses formes, radicalisme, libéralisme conservateur, nationalisme, démocratie chrétienne) sont toutes mortes, ne comptent plus d’adeptes sérieux, n’inspirent plus les partis politiques d’aujourd’hui et indiffèrent les citoyens.
Cette capacité de résistance de l’écologisme n’a rien d’étonnant. Pour la comprendre, il suffit de considérer le monde actuel et son histoire depuis quatre décennies. L’échec du socialisme marxiste, sous ses diverses formes, s’est révélé aussi patent qu’effroyable et sanglant. Le socialisme non communiste, « humaniste », social-démocrate, keynésien ou autre, est tout à fait révolu dans l’ordre économique mondial d’aujourd’hui, et n’est plus au pouvoir nulle part, ayant disparu avec la croissance effrénée des économies occidentales durant les années 1960 et 1970, quand les pays riches, sans concurrents, se partageaient le gâteau mondial sur le dos d’un tiers-monde sous-développé. La droite conservatrice modérée s’est convertie au libéralisme hédoniste et amoral, et a accepté le sacrifice de ses valeurs de civilisation à la loi du marché et à la société de consommation la plus débridée ; les catholiques sont devenus « droits-de-l’hommistes » et gauchisants. Les nationalistes ont été impitoyablement marginalisés et jetés aux oubliettes, quand ils ne se sont pas convertis tant bien que mal au système.

Les désastres environnementaux et sanitaires engendrés par notre système néolibéral incontrôlé explique le succès actuel de l’écologisme

Il y a peu, encore, on affirmait couramment que le nouvel ordre mondial planétaire, sans frontières ni régulation, néolibéral, régi par la seule loi de la Bourse, avait balayé toutes les idéologies d’autrefois, et s’était imposé comme la philosophie morale et politique immanente de l’humanité, depuis la fin des années 1980. Or, le problème écologique mondial, et la présente pandémie le remettent radicalement en cause.
Et comment en irait-il autrement, puisqu’ils en sont les conséquences ? C’est, en effet, à notre modèle économique et social néo-libéral, étayé sur la loi du marché et les seules valeurs financières, à notre capitalisme sans frein, impliquant une industrialisation et une urbanisation démentielles, ainsi que des déplacements incessants d’individus et de populations, que nous devons les grands problèmes auxquels nous sommes actuellement confrontés : la pollution planétaire, le réchauffement climatique et la pandémie coronovirale. Délibérément ignorées pendant plus de cinquante ans par les détenteurs du pouvoir économique et financier, pour des raisons mercantiles évidentes, par les pouvoirs publics, soucieux de ne pas compromettre l’essor économique de leurs pays et l’efflorescence de la société de consommation qui en résultait – et d’ailleurs bien incapables de pouvoir réguler ou contraindre le système –, et par le gros de la population mondiale, alors insensible à des problèmes environnementaux qui ne l’affectaient que peu – et subjugué par le modèle individualiste et hédoniste de société en lequel il vivait –, ces questions sont devenues primordiales aujourd’hui, et appellent des réponses urgentes. D’où le succès politique des écologistes. Nous savons tous, aujourd’hui que, pour éviter la transformation de notre planète en un cloaque invivable et en un chaudron infernal, pour éviter également des pandémies mondiales comparables à celle de la Covid 19, il faudra adopter des mesures drastiques particulièrement pénibles et privatives de liberté, et qui modifieront très profondément, dans un sens contraignant et restrictif, le mode vie auquel nous sommes habitués depuis une soixantaine d’années en Occident. Encore ces mesures auront-elles pour effet, non d’éviter, mais de limiter les dégâts, d’ores et déjà nombreux et certains irréversibles. Mais, parce que leur nécessité est une évidence, parce que leur adoption ne peut plus attendre, elles seront « plutôt bien acceptées », comme disent nos journalistes de télévision des mesures destinées à lutter contre la propagation du coronavirus (port du masque, confinement, gestes barrières, distanciation). Nous savons tous que nous devons nous préparer à des lendemains qui déchantent. Et il est particulièrement rageant de penser qu’ils eussent pu être évités si, pendant cinq ou six décennies, nous ne nous étions pas complus dans un système libéral mondial que personne ne pouvait ni ne voulait réguler, et si nous n’avions pas délibérément sacrifié les questions environnementales et sanitaires au culte de la croissance et du profit, aux délices et aux poisons de la société de consommation.

Des ballons d’essai destinés à préparer l’avènement d’un totalitarisme écologiste

Mais, en dehors des nécessaires mesures environnementales auxquelles nous devrons bien nous résigner, il est une calamité à redouter : celle de l’idéologie de l’écologisme et du terrorisme moral et politique auquel il donne déjà lieu. Et ceci nous ramène aux mesures récemment prises par certains maires écologistes, que nous critiquions plus haut. Lorsque le maire de Bordeaux prive ses administrés de sapin de Noël, par souci d’économie (dit-il) et au nom d’un respect de la nature, il entend nous imposer une morale écologiste de type religieux soustraite à tout débat public et à l’agrément des citoyens. Lorsque le maire de Lyon impose un repas végétarien dans les cantines scolaires, il lance un ballon d’essai visant à tester les réactions de l’opinion à de futures mesures visant à imposer partout le régime végétarien. À l’évidence, les écologistes, les animalistes et les antispécistes mettent à profit la situation actuelle pour avancer leurs pions et tenter d’imposer une société ordonnée autour d’une religion de la nature, et végétarienne par obligation. Les véganistes et les antispécistes redoublent d’ailleurs d’audace, et les attaques contre les boucheries, les charcuteries et les poissonneries se sont multipliées depuis quelques années. À quand les repas de Noël et les fêtes de famille à base de galettes de soja arrosées d’une bonne bouteille de Cristalline ? Si les initiatives des maires de Bordeaux et de Lyon ont provoqué les critiques de MM. Denormandie et Darmanin (d’ailleurs sans effet), elles ont reçu la chaleureuse approbation de Barbara Pompili, ministre de l’Écologie (et ancienne élue EELV), cependant que le Premier ministre et le président de la République ont « calmé le jeu », faisant ainsi taire les critiques au plus haut niveau, ce qui rend service aux deux édiles mis en cause. La bien-pensance et le politiquement correct, relayés par le matraquage médiatique et le terrorisme de la pensée unique, feront le reste.
Il est décidément à craindre que la recherche de solutions aux graves problèmes environnementaux et sanitaires devienne le vecteur d’un écologisme intégriste qui transformera le dur avenir qui nous attend en une forme inédite de totalitarisme. La bonne conscience universaliste s’appuiera sur une deep ecology faisant de la nature l’objet d’un véritable culte, et un antispécisme aboutissant à ériger l’animal en égal de l’homme.

Illustration : Grégory Doucet, en élégante tenue de urban gentleman farmer, plante un verger en plein Lyon. Ça pourrait paraître grotesque si ce n’était inquiétant : la révolution verte multiplie les grands projets et les petits gestes, imposant son calendrier et ses méthodes.

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