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Un Homme est passé

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Un Homme est passé

Le mélange des genres est toujours un exercice intéressant au cinéma. En sus du film commenté dans cette chronique et sans prétendre à l’exhaustivité, mentionnons, par exemple, quelques excellentes réussites de westerns plongeant protagonistes et spectateurs dans une réelle ambiance de film noir : La Vallée de la peur (Pursued, 1947) de Raoul Walsh (avec Robert Mitchum) qui mêle habilement, psychologisme et film noir, sur fond de rivalités fratricides remontant à l’enfance. L’on citera encore L’Énigme du lac Noir (The Secret of Convict Lake, 1951) de Michael Gordon (avec Glenn Ford, Gene Tierney et Ethel Barrymore) où des bagnards évadés, échouant dans un village déserté momentanément par les maris et dans lequel les femmes assurent une présence défensive, traînent avec eux des intentions peu avouables. Dans Un Homme est passé (Bad Day at Black Rock, 1954), authentique polar en plein désert de l’Ouest américain, le western affleure à chaque plan. Magnifiquement interprété par Spencer Tracy, Robert Ryan, Lee Marvin, Walter Brennan ou Ernest Borgnine, le film bénéficie d’une réalisation solide de John Sturges et d’une photographie hors-pair de William C. Mellor, sans oublier la bande originale attribuée à André Prévin. Tracy qui venait de tourner, un an auparavant, La Lance brisée (Broken Lance) d’Edward Dmytryk pouvait se flatter d’une déjà belle carrière avec des chefs d’œuvres tels Le Grand Passage (Northwest Passage, 1940) de King Vidor, Capitaines courageux (Captains Courageous, 1937) et Docteur Jekyll et M. Hyde (1941) de Victor Fleming ou bien Le Père de la mariée (Father of the Bride, 1950) de Vincente Minnelli. Robert Ryan n’avait pas à rougir non plus avec La Femme aux maléfices (Born to be Bad, 1950) ou Feux croisés (Crossfire, 1947) d’Edward Dmytryk. Walter Brennan qui pouvait se targuer, quant à lui, de trois Oscars obtenus entre 1937 et 1941, avait déjà tourné sous la direction des plus grands (Richard Thorpe, Fritz Lang, Howard Hawks, King Vidor, Franck Capra, John Ford…). Lee Marvin, si reconnaissable, venait de crever l’écran dans Règlement de comptes (The BigHeat, 1953) de Fritz Lang et sera non moins magistral en 1962 dans L’Homme qui tua Liberty Valance (The Man Who Shot Liberty Valance) de John Ford et, en 1964, dans À bout portant (The Killers) de Don Siegel. Dernière figure, elle aussi haute en couleur, Ernest Borgnine s’était imposé avec conviction en méchant sadique en 1953 dans Tant qu’il y aura des hommes (From here to Eternity) de Fred Zinnemann. Au moment où il réalisa le film, John Sturges n’avait pas encore tourné Règlements de comptes à OK Corral (Gunfight at the O.K. Corral, 1957), Les Sept Mercenaires (The Magnificent Seven, 1960) ou La Grande Évasion (The Great Escape, 1963). Il venait, en revanche, d’achever Coup de fouet en retour (Backlash, 1953), plus qu’honnête western de série B avec Richard Widmark mais bien loin de valoir son Fort Bravo réalisé la même année, pour le compte de la MGM. Bref, c’est dire si Sturges en avait encore sous la semelle ! Bad Day at Black Rock témoigne d’une maîtrise quasi parfaite de la mise en scène comme du montage. S’il fut aidé à la direction artistique, entre autres, par Cedric Gibbons (pilier de la MGM), notons une écriture nerveuse et précise autant qu’un cadrage esthétiquement impeccable, autant de qualités qui lui valurent l’Oscar du meilleur film. Les thématiques de l’arriération et du racisme (antijaponais, en l’espèce) sont évidemment présentes, sans jamais être obsédantes et pesantes, Sturges cherchant avant tout à distraire intelligemment son public. L’on ne pourra s’empêcher, par surcroît, de rapprocher Un Homme est passé d’avec Une Balle signée X (No Name on the Bullet, 1969) petit bijou westernien de Jack Arnold, les deux personnages incarnés respectivement par Spencer Tracy et Audie Murphy présentent d’incontestables similitudes : l’habit noir, la force tranquille, l’invincible vocation vengeresse, sans parler de la taille même des protagonistes. La soudaine arrivée des deux dans une petite bourgade faussement tranquille, dont les habitants partagent un trop lourd secret, fera naître ce même climat de paranoïa et de règlements de comptes…

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