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Comment le père a tué la fille

En demeurant plusieurs années à la tête du Front national après son échec de 2007, puis en plaçant une personne fragile au volant de son parti, Jean-Marie Le Pen a retardé durant de longues années la recomposition de la droite souverainiste. Pour combien de temps ?

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Comment le père a tué la fille

22 avril 2007 : porté par ses promesses verbales, Nicolas Sarkozy caracole en tête au premier tour de l’élection présidentielle. Il lamine l’électorat de Philippe de Villiers, qui pouvait espérer un bon score dans la foulée du référendum européen de 2005. Il ratisse aussi celui du Front national.

Cette année-là, Jean-Marie Le Pen obtient son plus mauvais résultat à une présidentielle depuis 1988. Dans la foulée, le FN n’obtiendra que 1,2 million de voix aux législatives de juin. Après cinq décennies de vie politique, le chef de 78 ans semble promis à la sortie.

Les années passent, l’homme reste : 2008, 2009, 2010… Le Front national stagne : ni réforme dans la stratégie, ni changement de têtes. De son côté, Philippe de Villiers a échoué dans sa tentative de monter un mouvement alternatif dans le champ électoral. La sensibilité souverainiste et identitaire, pourtant massive dans l’électorat, est orpheline de représentation politique.

Et un, et deux… et trois ?

Janvier 2011. Jean-Marie Le Pen s’est décidé à passer la main, non sans garder le contrôle d’une importante structure de financement du Front national. Lors d’un congrès, sa fille Marine est élue à la présidence du parti nationaliste.

Trop tard. L’élection présidentielle arrive. La stratégie n’est pas arrêtée, Marine Le Pen ne dispose pas d’hommes de confiance autour d’elle. « Il y a cinq ans, je venais d’accéder à la tête du parti, j’étais la candidate du FN, entourée de l’équipe de Jean-Marie Le Pen, dira-t-elle à Valeurs actuelles le 2 mars 2017. Je n’avais pas la main ».

Néanmoins, elle nomme à la hâte un jeune énarque de 29 ans à la direction de campagne. Le discours politique change brutalement. L’électorat est déboussolé.

En dépit du quinquennat raté de Nicolas Sarkozy, le résultat du FN au premier tour n’est pas flatteur : 17,9 %. Soit moins que François Bayrou en 2007, et 1,5 points de plus seulement que Jean-Marie Le Pen en 2002…

Et après ? La guerre interne a commencé à sourdre dans un Front national pourtant loin d’être majoritaire. Elle se soldera par l’éviction de Jean-Marie Le Pen de la présidence d’honneur en 2015 puis un procès judiciaire. Cette bataille semble avoir mis à nu les nerfs de sa fille.

À l’été 2014, lors du premier mariage de Marion Maréchal réunissant la famille, le magazine Closer la surprendra en train de fondre soudainement en sanglots. En 2016, épuisée avant même le début de la campagne présidentielle, elle disparaîtra des écrans radar durant quatre mois.

Fragile Marine Le Pen ? « Elle est pathogène », assène tranquillement un ancien député au Parlement européen qui l’a côtoyée des années durant. « Quelqu’un de la famille devait prendre la suite de Jean-Marie Le Pen, elle l’a prise », affirme un observateur de la vie politique. Loin des fantasmes et des espoirs partisans, son destin politique s’arrête peut-être à cette seule vérité.

Les nerfs lâchent au moment crucial

L’évidence aura soudainement éclaté le 3 mai 2017, à quatre jours du second tour de la présidentielle, lors du débat désastreux opposant Marine Le Pen à un adversaire aussi jeune qu’inexpérimenté. Un naufrage, selon certains. Un sabotage au seuil de la dernière marche, pour d’autres. « On s’est trompé sur elle, affirme notre observateur. Elle joue la dure, mais c’est une personne très fragile. On peut lui reconnaître de la franchise, un certain courage, mais ce n’est pas la question ».

Les faits sont oubliés, mais ils sont révélateurs. Il y a dix ans, elle fait la rencontre de Florian Philippot, un apprenti politicien qui laisse parfois affleurer son énorme ambition. Une relation fusionnelle se met très vite en place. Devant les caméras de France 2, elle n’hésitera pas à décrire cette rencontre comme un « coup de foudre intellectuel »… Voici Marine Le Pen prise dans une « philippot-dépendance », constatent des membres du parti qui découvrent sa vulnérabilité émotionnelle.

En 2015, c’est ce que certains décrivent comme sa « soif de reconnaissance » qui saute soudainement aux yeux de nombre de journalistes. Invitée par le prestigieux magazine Time pour un gala annuel réunissant une partie du gotha de la mondialisation américaine, elle accourt à New-York, change de coiffure, s’accoutre d’une robe à paillettes et cherche à se fondre au milieu de ceux qu’elle pourfend en France. Un événement qui aurait pu considérablement ternir son image au sein de son électorat populaire mais qui a peu été exploitée par ses adversaires.

Voici 2020. Comme il y a treize ans, le Rassemblement national bloque sur son chef. Comme il y a treize ans, aucune alternative d’ampleur n’a émergé et fait bouger les lignes. Malgré un avenir prometteur dans le champ électoral, en raison d’une situation sociétale devenue critique, la recomposition n’a toujours pas débuté au sein de la droite souverainiste.

 

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