L’Afrique n’est pas épargnée par le coronavirus. Elle réagit avec rapidité, aidée par la Chine. A-t-elle les moyens d’éviter une crise économique ?
Le continent doit se « réveiller » et « se préparer au pire » a prévenu l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Si l’Afrique reste encore peu touchée par le coronavirus Covid-19, c’est désormais une réalité à laquelle, elle ne peut plus échapper. Plus de trente pays sont désormais la victime de ce virus qui touche sans distinction toutes les couches de la société africaine.
Une situation incertaine dès le début de l’apparition du virus
En peu de jours, les cas de Covid-19 se sont multipliés en Afrique. Avec 700 contaminations recensées à travers tout le continent, le directeur général de l’OMS, Tedros Adhanom Ghebreyesus, le premier Africain à occuper ce poste depuis sa création, a déclaré ces derniers jours que « le meilleur conseil à donner à l’Afrique était de se préparer au pire et dès aujourd’hui ». Une situation qui pourrait empirer d’après les virologues européens qui s’étonnent également du peu de cas notés par les pays concernés, remettant en doute leur capacité à gérer la crise sanitaire qui se profile. Plusieurs pays ont déjà pris des mesures drastiques pour tenter d’endiguer la propagation du virus qui menace des villes surpeuplées et parfois insalubres. La ville de Lagos, au Nigeria, qui compte des millions d’habitants, est d’ailleurs très surveillée. C’est 10 à 20 % de la population africaine qui pourrait éventuellement décéder dans les semaines à venir selon certains experts de santé. Un véritable enjeu pour l’OMS, qui s’inquiète toutefois de la fragilité des infrastructures hospitalières. Y compris dans les pays pourtant réputés dans le domaine. « Même en Afrique du Sud, où les systèmes de santé public et privé sont parmi les plus développés du continent, ce sera un défi. Car il y a trop peu de lits dans les hôpitaux d’Afrique », a expliqué au journal Le Monde Matshidiso Moeti, directrice régionale de l’OMS pour l’Afrique et spécialiste reconnue.
Des cas venus essentiellement d’Europe
C’est la ruée dans les supermarchés. Mais si en Europe on s’est précipité de manière inconsidérée pour acheter du papier hygiénique et des pâtes, les Africains, eux, ont préféré faire des stocks de savons et de gels désinfectants pour les mains. C’est le Burkina Faso, le pays des hommes intègres, qui est aujourd’hui le plus touché d’Afrique. Importé depuis Mulhouse par un pasteur et son épouse, le Covid-19 n’a pas tardé à frapper les Voltaïques y compris au sein du gouvernement. La deuxième vice-présidente du parlement a succombé aux assauts du coronavirus et quatre ministres ont été testés positifs. « Initialement, on a cru que l’Afrique allait être contaminée à travers le retour de Chinois au moment du nouvel an. Mais on s’aperçoit que les cas diagnostiqués viennent d’Occident », a expliqué sur France 24 Éric Delaporte, médecin au service des maladies infectieuses et tropicales du centre hospitalier de Montpellier. Les premiers cas de transmission du coronavirus au Sénégal ou en Algérie trouvent leur source en France.
Fermetures des frontières et interdictions aux Européens de pénétrer sur le territoire des pays frappés par le virus, des écoles et universités fermées, couvre-feu imposé et interdiction de fréquenter les maquis (restaurants locaux) et autre bars, autant de décisions prises par les différents gouvernements africains qui n’échappent pas non plus à la psychose générale. Ni aux prophètes de la dernière heure qui voient dans le Covid-19, « une punition divine » contre les toubabs (blancs). « Le coronavirus est l’œuvre de Dieu qui punit les pays qui nous ont imposé des sanctions. Ils sont enfermés chez eux. Leur économie souffre comme ils ont fait souffrir la nôtre. Ils doivent sentir les effets du coronavirus pour comprendre notre douleur », a déclaré Oppah Muchinguri, la ministre de la Défense du Zimbabwe, dont les propos ont soulevé une vague d’indignation sur les réseaux sociaux. « Il est nécessaire de serrer les rangs », a tapé du poing sur la table, agacé, le président sud-africain, Cyril Ramaphosa, qui a prononcé un discours alarmiste sur la situation à laquelle son pays doit faire face.
L’Afrique a-t-elle une marge d’avance par rapport à l’Europe ?
Les pays africains ont tiré les leçons de l’épidémie d’Ebola qui avait fait une dizaine de milliers de morts entre 2013 et 2016. L’Union africaine et le Centre africain de prévention et de contrôle des maladies (CDC) sont convenus de mettre en place un véritable plan de guerre contre le virus. « Le premier pilier de notre stratégie est la prévention, le second pilier est d’éviter les morts et le troisième d’éviter les dégâts sociaux », a déclaré John Nkengasong, actuellement directeur de la CDC Afrique, qui assure que l’Afrique est prête à affronter le virus en dépit du pessimisme ambiant. Et si jusqu’ici la santé et l’éducation n’ont pas été la priorité des dirigeants locaux, les centres de dépistages du Covid-19 ont été récemment multipliés par 20 à travers tout le continent grâce à cette pandémie. La Chine, qui est un principal partenaire de l’Afrique, a décidé d’envoyer des millions de kits de protection et du matériel de laboratoire afin de lui éviter une asphyxie médicale et de tenter d’atténuer les conséquence économiques d’une récession à laquelle l’Afrique ne pourra pas malheureusement échapper après la fin du Covid-19.
Illustration : Pas de « distanciation sociale » dans le bidonville flottant de Lagos, la métropole aux 21 millions d’habitants…