Tribunes
Que faire ?
Adieu, mon pays qu’on appelle encore la France. Adieu.
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Francis Dorffer en est à sa sixième prise d’otages entre 2009 et 2019. Comment le système judiciaire a-t-il pu le considérer comme un auxiliaire ?
Attention, ce qui suit est plein de haine très méchante, pas humaniste du tout, radioactive, toxique, certainement aussi sexiste, homophobe, spéciste et contribuant au réchauffement climatique. Eloignez les enfants.
Mardi soir, un détenu a pris deux surveillants en otage à la prison de Condé-sur-Sarthe. Le détenu avait comme arme deux pics artisanaux. Le RAID et les ERIS sont intervenus, on a parlementé, et les otages ont été relâchés au bout de quelques heures. Tout le monde va très bien. Le détenu est reparti vivre sa petite vie de détenu, et les gardiens leur petite vie de gardien. Tout ce petit monde s’est d’ailleurs sûrement donné rendez-vous à la prochaine prise d’otage. « Allez, salut Francis, à la prochaine. Elle était vraiment bien celle-là. T’es un pro, toi, ça se voit. Lorsque tu as mis ton pic sur mon cou en menaçant de m’égorger, ça faisait vachement vrai, j’y ai cru, hein ? Ahaha ! Mort de lol. On s’est bien marré, c’est cool d’avoir un détenu comme toi. »
Ah oui, parce le Francis, il en était à sa sixième prise d’otages en détention. Donc il est rodé. Il connait la musique. A l’heure qu’il est, il doit sûrement penser à sa septième représentation. C’est que le public est difficile. Il faut faire en sorte de l’étonner à chaque fois. Pas fastoche. Mais Francis connait son affaire, on peut compter sur lui. Comment, vous ne connaissez pas Francis Dorffer ? Ah, c’est quelqu’un Francis. Il est né à Hayange, en Moselle, en 1984, dans la communauté des gens du voyage. A 16 ans il commence sa carrière de détenu professionnel avec une condamnation à six ans d’emprisonnement pour « vol avec violence » et « viol » (il était déjà en foyer pour jeunes délinquants, bien entendu).
On sentait déjà le type qui avait du potentiel, hein ? Mais c’est dans la nuit du 14 au 15 septembre 2003 qu’il va donner sa pleine mesure. Ce soir-là, il se querelle avec son co-détenu à propos du programme télévisé. Alors, hop ! ni une ni deux, il le frappe, il l’attache à son lit, il le bâillonne, et puis il l’égorge avec une fourchette. Ah mais ! Il lui a montré qui c’est Francis, à ce gonze. Francis quand on lui en fait trop, il correctionne plus : il dynamite, il disperse, il ventile ! Pour cette superbe prestation, Francis a reçu une belle récompense, digne de son talent : 30 ans de réclusion et une peine de sûreté de vingt ans.
Depuis, Francis a collectionné les succès. Il s’est produit dans une vingtaine d’établissements pénitentiaires, avec six prises d’otage à la clef entre 2009 et hier soir, et bien sûr de nombreuses violences. Et puis, pour faire bonne mesure, il s’est aussi converti à l’islam en détention. Il était, théoriquement, libérable en 2060. Vous savez quoi ? les matons le surnomment le « champion de la prise d’otage carcérale ». Ça c’est de la reconnaissance, hein ? Et c’est pour ça que, depuis un an, Francis était logé à Condé-sur-Sarthe. La prison « la plus sécurisée de France ». Si, si. Enfin, sécurisée, pas pour les gardiens, évidemment. Le truc, c’est juste que les mecs ne puissent pas s’évader, histoire de ne pas embarrasser le ministre. Pour le reste, le maitre mot c’est l’hu-ma-nis-me !
Tenez, par exemple, en mars dernier, un autre détenu de Condé-sur-Sarthe, un islamiste radicalisé ultra-violent, nommé Michael Chiolo, avait poignardé deux surveillants. C’est sa compagne, une bonne musulmane comme lui, qui lui avait apporté les couteaux dissimulés sous sa burqua, lors de leur séjour en « unité de vie familiale ». Alors les surveillants ont un peu râlé. Et la ministre, madame Belloubet, leur a royalement accordé des gilets pare-lame, et quelques bombes lacrymogène. Mais les gilets sont trop petits. « On est face à des gilets qui ressemblent plutôt à des brassières qu’à autre chose », dit un surveillant. Donc la livraison des gilets a été interrompue. On attend les modèles à la bonne taille. Et puis les bombes lacrymogènes, il y en a une trentaine, pour à peu près 200 surveillants. « Mais », disent les surveillants, « il est indiqué dans la note de service qu’il ne faut pas la diriger dans le visage »… Bin oui. Les aérosols au poivre ça pique les yeux, ça fait tousser. Ce serait vraiment pas gentil de les diriger vers le visage d’un détenu. Et d’ailleurs ça marche aussi très bien si on s’en sert sur les pieds. Et là, c’est pas méchant.
Mais revenons à Francis. A Condé-sur-Sarthe, Francis, le champion de la prise d’otage, était « auxiliaire ». Un auxiliaire, c’est un détenu qui s’occupe du service des repas et du ménage de la coursive. C’est une fonction qui permet au détenu de circuler assez librement dans une partie de l’établissement. Et c’est une activité rémunérée, bien sûr. C’est une fonction « de confiance ». Une sorte de récompense. Et on comprend que l’administration pénitentiaire ait placé toute sa confiance en Francis Dorffer. Elle savait pouvoir compter sur lui pour assurer le spectacle. Et elle n’a pas été déçue. Ça manquait juste peut-être un peu de sang. La prochaine fois, sans doute ?
Pour se justifier a posteriori, l’administration indique que cette fonction d’auxiliaire aurait dû permettre à Francis Dorffer de se « stabiliser ». C’était bien vu. D’ailleurs, le fait qu’il ait fabriqué deux pics lui-même, avec ses petites mains, prouve de sa part un vrai effort en vue de sa réinsertion. Le travail manuel, c’est l’école de l’honnête homme. Comment dites-vous ? L’administration pénitentiaire est criminelle d’agir ainsi avec son personnel ? Mais non, pas du tout. Elle est hu-ma-nis-te. Enfin, ce n’est pas si différent. Un responsable pénitentiaire a expliqué :
La prison de Condé regroupe les détenus les plus dangereux, on ne va pas les enterrer sous terre, il faut bien leur donner une chance.
Tout est dit. Si vous êtes d’accord avec cette phrase, c’est que dans le fond les agressions sur les gardiens de prison ne vous dérangent pas. Qui dit « chance » dit risque. Donner une chance, c’est prendre un risque. Et qui prend le risque, exactement, dans ces cas-là ? Pas celui qui « donne la chance », pas le magistrat ou le directeur de la prison, oh non. Le risque est pour les surveillants. Et pour le grand public, lorsque « donner une chance » consiste à relâcher un criminel avant la fin de sa peine. Donner « une chance » à un Francis Dorffer, c’est très exactement mettre en péril des vies innocentes. Présenter les choses ainsi vous met mal à l’aise ? C’est sans doute parce que vous avez du mal à assumer les conséquences qui en découlent. Alors laissez-moi les tirer pour vous, moi qui suis horriblement méchant et qui en ai pris mon parti.
Oui, certains criminels devraient être « enterrés sous terre ». Enfermés entre quatre murs jusqu’à la fin de leurs jours. Parce que c’est ce que MÉRITE le ou les crimes qu’ils ont commis. Oui, certains ne MÉRITENT pas « une deuxième chance ». Parce que leurs victimes, elles, n’auront plus jamais de « deuxième chance » pour quoi que ce soit. Et si en plus ces criminels se montrent violents en détention, ils ne devraient plus sortir de leur cellule qu’entravés aux bras et aux jambes. Leur nourriture devrait leur être fournie par un passe-plat, sans que les surveillants aient à entrer dans la cellule. L’activité devrait être minimum. Une heure ou deux par jour. Seul. Dans une cage. Aucun objet dans la cellule, sauf ceux fournis par l’administration. Bien entendu aucun contact au parloir.
S’ils se montrent plus coopératifs, on augmente progressivement les temps de promenade et les éléments de confort. Eventuellement ils pourront avoir le privilège de faire un travail manuel et répétitif. Mais toujours, ils ne sortent de cellule qu’entravés. Jusqu’à la fin de leurs jours si nécessaire. Comment dites-vous ? C’est terrible ? Oui, c’est terrible. Terrible, mais approprié. Parce que certains hommes SONT terribles. Et que tout est inutile avec eux, à part les retrancher du monde pour protéger les innocents contre eux. C’est le refus obstiné d’admettre cette réalité que l’on nomme aujourd’hui « l’humanisme ». Le refus d’admettre la réalité du mal au cœur de l’homme. Ce refus qui est une partie du mal au cœur de l’homme.