Civilisation
Juste un souvenir
Avec Myriam Boyer. Mise en scène de Gérard Vantaggioli. Avec la participation de Philippe Vincent
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La Demande en Mariage / L’Ours. Deux pièces en un acte d’Anton Tchekhov. Mise en scène Jean-Louis Benoît. Avec Emeline Bayart, Manuel Le Lièvre et Jean-Paul Farré
Anton Tchekhov se lança à vingt ans dans l’écriture théâtrale avec sa pièce Platonov. Non seulement elle n’eut aucun succès à la lecture mais elle fut même refusée à la représentation.
Loin de se décourager, il tenta une nouvelle expérience qu’il qualifia de plaisanterie. Il s’agissait en fait de deux comédies de mœurs traitées sous forme de farce et plus encore de bouffonnerie. Cependant par les sujets traités et la folie qui s’empare des protagonistes on assiste à un enchaînement de situations rocambolesques que n’aurait pas renié Feydeau. Avec la différence notable que là où notre boulevardier national manipule ses personnages comme des marionnettes, Tchekhov, lui, nous expose des êtres humains, trop humains, pris dans des situations qui se révèlent ubuesques et compliquées d’incompréhensions réciproques inextricables. Les conditions sociales des petits propriétaires de cette époque encore tsariste surgissent en filigrane et sont les signaux précurseurs de la future grande tragédie de ce pays. L’âme russe y est disséquée sans aucune méchanceté mais avec une terrible lucidité. On rit à gorge déployée devant ce timide qui n’arrive point à déclarer sa flamme et préfère ergoter sur ses prétentions de propriétaire à l’encontre de celle qui, elle-même, préfère l’affronter sur le même sujet. Quant à la pièce, L’Ours, elle est du même cru mais se déroule dans une démarche inverse et tout aussi rocambolesque.
Jean-Louis Benoît, au cours de sa longue carrière de metteur en scène, a prouvé avec talent qu’il savait parfaitement entrer dans un texte et en tirer la substantifique moelle. Quant à l’interprétation elle relève de l’excellence avec Manuel Le Lièvre, tout en dérision et humour, l’excellente Emeline Bayart, déjà connue pour sa carrière, qui pousse son personnage aux limites du ridicule pour laisser place à une humanité criante de vérité ; quant à Jean-Paul Farré, immense acteur, bouffon shakespearien, il est inénarrable dans le sens des ruptures et dans la démesure. Encore une fois le théâtre de poche Montparnasse de Philippe Tesson nous enchante.