Comme l’islam, ainsi que le remarque Philippe Maxence « ignore la frontière toute moderne qui renverrait Dieu et les actes de religion dans la sphère du seul for interne », le voilà devenu emblématique du fait religieux, cette chose aussi gênante qu’une vache dans un salon, aux yeux des officiels français. Comme L’Homme nouveau est un journal catholique, il n’essaye pas d’expliquer la vache est un bichon et a décidé d’explorer les rapports entre christianisme et islam avec des spécialistes du Coran, de l’islam, de l’arabe. Des gens qui peuvent, eux, comprendre l’islam sans prendre le christianisme comme mesure. Le résultat est passionnant. Marie-Thérèse et Dominique Urvoy, philologue et sociologue, et islamologues tous deux, ont construit une enquête qui pointe sur ce qui paraît être identique (la question de la révélation, l’usage de la raison, le rapport au texte sacré) pour en révéler les différences fondamentales. La deuxième partie de ce hors-série se concentre sur les Questions disputées, autrement dit les polémiques : Roberto de Mattei se lance dans une courageuse et érudite défense des croisades opposées au djihad, Hubert Borde souligne à quel point le christianisme a su se transformer au contact des sociétés démocratiques (est-ce vraiment une vertu ?) En tout cas il montre que cela freine les musulmans, donc questionne leur capacité à vivre en démocratie en tant que communauté). L’entretien central, avec M.-T. Urvoy est la pièce maitresse de l’ouvrage : c’est là qu’on comprend quelle ouverture donne l’étude des textes, pourvu qu’on ne considère pas le coran comme un texte si sacré qu’on ne puisse l’étudier comme on étudie la bible, c’est là qu’on saisit que le dialogue interreligieux est plutôt de l’ordre du « marchandage d’intérêts spirituels (apostolat) ou matériels (privilèges) », avec un démontage rapide et soigné, façon uppercut, de Massignon et de ses émules, c’est là enfin qu’on peut évaluer la noble ambition du pape François de parier sur la réformation de l’islam : tant que le Coran sera considéré comme « la dictée de la parole même de Dieu », aucune véritable réforme ne sera possible : car tous les discours ne visent qu’à rendre l’islam attrayant sans lui ôter son caractère politique totalitaire.
« L’Islam face au christianisme – des spécialistes répondent. » L’Homme nouveau, hors-série n°34, février 2019. 68 pages, 8 €