Tribunes
Que faire ?
Adieu, mon pays qu’on appelle encore la France. Adieu.
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Dans un rapport parlementaire rendu public le 27 mars, les députés Christophe Lejeune (LREM) et Bastien Lachaud (FI) s’attaquent aux traditions militaires sous prétexte de lutter contre les discriminations.
Les députés dénoncent le caractère religieux de certaines fêtes ancrées dans les traditions : « Nous croyons utile de veiller à un strict respect de la neutralité. La laïcité et la neutralité prémunissent de tout mélange des genres préjudiciable à la cohésion du groupe ». Leur objectif n’est pas seulement les traditions, ni la religion.
Pour eux « Les moyens généraux sont en effet trop souvent utilisés pour envoyer des invitations à des cérémonies catholiques. Il n’est pas rare que le courriel d’invitation à la messe en l’honneur du saint patron soit envoyé depuis la boite mail de l’unité ou depuis celle du commandant. » On se croirait revenu aux temps de l’affaire des fiches avec la chasse aux officiers allant à la messe. Dans cette logique, les députés devraient interdire les insignes avec des croix : latine (7e Brigade blindée, 1er RI, 1er RHP, …), lorraine (2e Brigade blindée, 9e DIMa, RICM, 13e DBLE, commandos marine, …). Les décorations, comme du temps des héritiers de la Révolution, devront uniquement être des croix à cinq branches sur le modèle de la Légion d’honneur. Ils ne devront pas oublier les autres symboles confessionnels comme le croissant, la croix d’Agadès ou l’étoile chérifienne. Car l’armée française respecte les croyances des soldats qui combattent dans ses rangs. La sacralisation de ses symboles n’est pas seulement l’expression de croyances, elle est légitimée par le sang des soldats. Le culte du sang et des morts est le ciment des armées. Il est sur les autels catholiques comme il est à l’Arc de triomphe dans sa forme d’autel (4 pieds et 1 plateau), les noms gravés sur ses faces et la flamme du Soldat inconnu régulièrement ranimée. « Sans le cérémonial, tout meurt » a dit Jean Cocteau, y compris l’autorité elle-même.
Sans le cérémonial, tout meurt.
Les traditions militaires ne font que refléter celles du pays. Les éliminer serait comme détruire des forteresses immatérielles, effondrant un dispositif aussi invisible qu’indispensable de l’outil de défense. Comme le fait remarquer le Gal Pinard-Legry, président de l’Association de soutien à l’armée française : « C’est ignorer l’importance que revêt l’esprit de corps au combat et qui est fondé pour une large part sur le culte des valeurs et des traditions. » Il faut être bien étranger aux questions militaires pour ne pas mesurer ce que représente la Saint-Michel pour les parachutistes ou Noël pour les légionnaires.
L’armée est régulièrement la cible d’offensives destinées à saper la cohésion des troupes, quelques exemples parmi les plus récents : novembre 2018, opération de débaptisation de la promotion Général Loustaunau-Lacau des élèves-officiers de l’Ecole spéciale militaire ; septembre, reconnaissance par le Président de la République « que Maurice Audin a été torturé puis exécuté ou torturé à mort par des militaires » ; mars, campagne contre les agissements sexistes au lycée militaire de St-Cyr-l’Ecole.
Encore une fois, ce sont les traditions de l’ESM qui sont dans le collimateur de ces deux députés : « On peut citer aussi la journée de cohésion, organisée au Mont Saint-Michel par les saint-cyriens, et qui donne lieu à un baptême du sabre ou du casoar. Dans une telle journée, dont l’acmé est manifestement cette cérémonie, on peut s’interroger sur la possibilité de s’éclipser pour manifester sa différence. Autre incongruité : la participation des saint-cyriens à une cérémonie d’accueil de l’anneau supposé de Jeanne d’Arc au Puy-du-Fou ! ». Les écoles sont les cibles privilégiées de ces attaques car les traditions militaires y sont enseignées et transmises aux plus jeunes, ceux qui formeront l’armée de demain. Leurs traditionnels bahutages excitent périodiquement les garants de valeurs républicaines. Ainsi lancée au sein de l’Assemblée nationale, cette offensive vient soutenir toutes les précédentes. Et ce n’est pas un hasard si elle s’en prend ainsi à certaines des plus anciennes mémoires françaises, en effet, ces traditions militaires sont entretenues par des “familles tradi”, transmises et entretenues à travers les générations, les plus anciens ayant quitté le service depuis longtemps restant en contact avec ceux qui sont sous les armes, ainsi qu’avec ceux qui s’y destinent. Ces lignées mémorielles, qui n’ont rien de confidentiel mais n’ont pas vocation à être médiatisées, assurent la transmission de valeurs professionnelles françaises transcendant les individus comme les institutions. En affaiblissant ces structures, c’est toute l’armée qui perdrait en efficacité, ces députés peuvent l’ignorer, pas ceux qui les commanditent.
Ainsi ces campagnes ne sont que l’expression de la vieille haine contre le monde militaire et l’ordre qu’il représente, en 2013 celle du compagnon de Cécile Duflot très fier de boycotter l’invitation au défilé du 14 Juillet pendant que la ministre distribue son quota de Légions d’honneur ; celle des porteurs de valises des terroristes du FLN pendant la guerre d’Algérie ; celle des militants communistes partant, au cours des hostilités, conseiller l’encadrement des camps viet-minhs au taux de mortalité supérieur à celui des camps nazis ; celle du PCF en 1939 avec les sabotages et désertions alors que le pays est en guerre.
Les traditions militaires ont été élaborées par ceux qui acceptent l’éventualité de la mort pour défendre le pays. Un risque qui n’est pas inhérent à toutes les professions. Bien éloigné des préoccupations matérielles ordinaires, il impose certaines règles moyennant la liberté d’adopter une conception surnaturelle de l’existence.
Les traditions militaires ne sont pas constituées d’éléments interchangeables au gré de majorités politiques volatiles. Elles ne sont pas adoptées par un quelconque vote, elles ne peuvent pas être mises à jour comme un simple logiciel, pas plus qu’elles ne seraient disponibles “sur étagère”. A l’instar des monuments, les traditions s’inscrivent dans la mémoire longue des peuples, résultat de consensus collectifs que le législateur ne peut que désorganiser. Les mêmes politiques qui ont supprimé les frontières pour mettre les soldats dans les rues relancent les hostilités contre les traditions militaires, la longue mémoire de l’armée, l’ossature de sa cohésion. Ils mènent l’attaque depuis l’Assemblée nationale avec un député de la majorité présidentielle. Ce n’est donc pas un combat de rencontre.
Illustration : Salle des drapeaux, appelée familièrement “de la couronne”, au Service historique de la Défense, château de Vincennes.