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Un griot en hiver

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Un griot en hiver

Janvier 2015 s’éloigne et l’on ne peut s’empêcher de continuer à ruminer « les évènements »… les ruminer avec un goût amer.

Ruminer d’abord l’acte barbare lui-même mais, plus encore maintenant, ruminer ce que nous en avons fait. Car c’était bien un acte-question. Et cette essence échappait à ses auteurs. Elle était ce que nous aurions dû « retenir ». Avons-nous été à la hauteur ? A hauteur d’homme ? Pas sûr, en dépit de ce que nous susurre la complaisance qui est toujours la meilleure alliée du conformisme.

Car ce qu’il eût fallu d’abord faire, peut-être, devant cet acte, c’est le silence. Ce silence qui permet d’intérioriser et donc d’objectiver. Mais que reste-t-il de l’intériorité dans ce qu’un philosophe appelle « la grande fabrique postmoderne des affects et des illusions »… ? S’en tenir à la minute de silence. A la limite, en la faisant accéder aux dimensions d’une manifestation : une vraie marche blanche. Silencieuse. Sans pancartes ni slogans.

Et surtout pas ce slogan en « Je » qui dit trop bien à la fois l’origine – les réseaux sociaux, les réseaux du « tout-à-l’ego », a-t-on dit. Un ego maladif – et la nature profonde de ce sociodrame par lequel nous avons tenté d’éviter – et pour certains, de récupérer – les questions posées par l’acte. Les questions essentielles : la violence, la liberté, la responsabilité, la vie, la mort, la place de Dieu…

Non qu’elles n’aient pas été soulevées, mais rarement à bras-le-corps. Parce qu’elles font peur. Et, face à la peur, nous avons deux réflexes : l’enfermement dans des certitudes faciles et la fuite en avant. Les deux ont fonctionné cumulativement pour l’évitement des remises en cause : il faut, de plus en plus, protéger la liberté d’expression et préserver notre conception de la laïcité. Autrement dit, consolider les causes mêmes du mal…

***

Et comme souvent dans notre monde où ils sont, partout, les premières victimes, en s’attaquant aux enfants. Ainsi va-t-on expérimenter sur eux ce nouveau et bien hasardeux protocole pédagogique de « l’enseignement laïque du fait religieux ». C’est dans ce cadre qu’on va vraisemblablement leur expliquer qu’on a le droit de dire que la religion la plus « con » qui soit, c’est l’Islam, mais qu’on n’a pas le droit de dire que les musulmans sont des « cons »… Puis, on leur fera apprendre par cœur l’inusable propos de Voltaire : je ne suis pas d’accord avec ce que vous dites, mais je suis prêt à me battre pour que vous puissiez continuer à le dire… . Et ce, alors même que la vérité est spontanément sortie de leur bouche : « Fallait pas se moquer… ». Et ce, alors même que le problème de fond n’est pas l’école mais la déstructuration familiale.

Eh ! bien non, je ne suis pas prêt à me battre pour le droit au blasphème. Que le blasphème ne soit plus un délit, c’est une chose. Mais le fait que ce ne soit plus un délit ne crée pas un droit. Cela crée, au contraire, une obligation : celle d’utiliser à bon escient l’espace de liberté ainsi créé.

Si le blasphème, parce qu’il n’est plus un délit, devient un droit, qu’est-ce que cela fait ? Des morts.

Si l’avortement, parce qu’il n’est plus un délit, devient un droit, qu’est-ce que cela fait ? Des morts.

Si l’euthanasie parce qu’elle n’est plus un délit, devient un droit, qu’est-ce que cela fait ? Des morts.

On atteint là la racine de la perversion de la liberté version 1789. Car l’article 4 de la Déclaration le disait : la liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui. Bien ! Sauf que lorsque le subjectivisme absolu prend le dessus, la limite explose et la liberté dégénère en libertarisme. Mortel.

***

Et si je ne suis pas prêt, c’est –disons-le – au nom de l’Evangile. Ephésiens 4, par exemple : « Aucune parole mauvaise ne doit sortir de votre bouche… Faites disparaître de votre vie tout ce qui est amertume, emportement, colère, éclats de voix ou insultes… ».

J’entends les ricanements : comme si l’Evangile avait jamais empêché la violence et n’avait pas, même, odieusement servi à la justifier ! Qu’il l’ait souvent empêché, j’en suis persuadé. Qu’il ait parfois servi à la justifier, c’est incontestable et intolérable. Mais si l’on veut bien – honnêtement – regarder l’Histoire (ce qui aurait pu être aussi une retombée bénéfique de ces moments si souvent qualifiés d’ « historiques »), on fera au moins deux constatations.

La première est que si la foi chrétienne a pu justifier d’inadmissibles violences, elle est aussi la seule, à ce jour, qui, en revenant sur elle-même, a pu puiser dans ses ressources propres les motifs de préférer la paix et de la mettre en œuvre. En Europe notamment. Aucun autre système de convictions – et surtout pas les idéologies – n’est parvenu à s’auto-corriger. Ils se sont effondrés avant. Ainsi des deux totalitarismes. Qui étaient athées et antichrétiens.

La seconde constatation que l’on fera, si l’on est honnête, c’est que ce n’est tout de même pas un hasard si c’est en pays chrétien, et nulle part ailleurs, que se sont développés les droits de l’homme, la démocratie, la laïcité, le souci des victimes, l’action humanitaire… etc. Ou alors il faut « croire » en la génération spontanée. Ce qui n’est pas sérieux.

Comme quoi, le débat de fond sur la laïcité est loin d’être épuisé. Et si ce n’est pas nous, chrétiens, porteurs de la responsabilité de cette civilisation, qui le relançons, qui le relancera ?

Qui enseignera que si l’homme est homme, c’est parce qu’il lui a été «donné », et à lui seul, deux ailes qui lui permettent de s’élever au-dessus de sa bestialité : la Foi et la Raison. Deux ailes indissociables parce que, comme l’expliquait superbement Benoît XVI, elles ont besoin l’une de l’autre pour se mutuellement stimuler et se mutuellement corriger de leurs dérives maléfiques.

Edgar Morin, dans son « Penser l’Europe », appelait cela « la grande dialogique de l’Occident ». Et comment ne pas évoquer aussi ce propos du Cardinal de Lubac dans « Le drame de l’humanisme athée » : « Il n’est pas vrai que l’homme, ainsi qu’on semble quelquefois le dire, ne puisse organiser la terre sans Dieu. Ce qui est vrai, c’est que sans Dieu, il ne peut, en fin de compte, que l’organiser contre l’homme. L’humanisme exclusif est un humanisme inhumain ».

Il faut arrêter d’aborder la question de la foi, y compris celle de l’Islam, de façon biaisée c’est-à-dire, encore, par des catégories seulement sociologiques : les religions, les communautés, le multiculturalisme… etc.

***

Or, de ce point de vue, une autre vive inquiétude suscitée par notre sociodrame, c’est bien le caractère souvent timoré des réactions chrétiennes. Celles d’un christianisme ayant tellement intériorisé la sécularisation qu’il en a perdu la fraîcheur des sources vives. C’est ainsi qu’on a pu voir de grands organes de presse chrétiens analyser à pleines pages le mouvement du 11 janvier, à grands renforts de… sociologues, sondages et instituts d’opinion. De théologiens, peu. De références bibliques, encore moins. L’Evangile ensablé dans le social… c’est aussi une figure de ce monde. Celle de la sociolâtrie.

Pourtant, c’est Claudel, je crois, qui affirmait que lorsqu’il voulait les dernières nouvelles, il lisait…Saint Paul et Karl Barth, de son côté, conseillait de vivre ici-bas le journal dans une main et l’Evangile dans l’autre…

***

Qu’a fait le Christ face à la violence ? Silence. « Tu ne réponds rien ? » Non. Ou plutôt si : sept paroles, dont une – «pardonne-leur…» – a été reprise comme « couverture » par le nouveau Charlie. Bien malencontreusement. C’est l’adverbe le plus « soft » que j’ai trouvé… On ne christianise pas Mahomet. L’amour et le pardon des ennemis sont le propre du Nouveau Testament.

Et que faisait le Christ lorsqu’il était pressé par la foule ? Il montait en barque, avançait en eau profonde ou se retirait sur la montagne. Et c’est peut-être pour lui – et pour nous – la pire tentation : se dire que, décidément, nous ne sommes pas de ce monde, et l’abandonner à son autodestruction (car Dieu laisse le mal en liberté, comme le reste, mais il fait en sorte que le mal finisse toujours en bien).

Mais le Christ redescendait de la montagne. Car là-haut, il priait. Et la dernière fois qu’il y est monté, c’est pour le poteau d’exécution.

***

Il se trouve que j’ai suivi ces évènements en lisant un de mes cadeaux de Noël, le récit d’Erik Orsenna intitulé « Mali ô Mali », du nom de ce pays si attachant qui est… l’histoire d’un Fleuve. Et c’est cette histoire que raconte le griot de service : un Fleuve donc, qui, au lieu d’aller bêtement se jeter, comme tout le monde, dans la mer, décide, à contre courant, de monter affronter les sables du désert.

Celui-ci finira par réussir à le détourner. Et le griot renonce à poursuivre l’histoire…Mais tout n’est pas perdu : Tombouctou, libérée, garde sa foi et retrouve la raison.

Orsenna écrit : « C’est la rançon du métier de griot : l’effacement. Celui qui a pour mission de raconter doit apprendre à devenir invisible.

A aucun prix, il ne doit troubler le cours des choses ».

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