Civilisation
Vauban pour toujours
1692, le duc de Savoie franchit le col de Vars, emporte Embrun, puis Gap. Louis XIV demande à Vauban de fortifier le Queyras.
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Le lecteur est complètement capté par l’action et les sentiments nobles de jeunes personnages, la campagne et l’atmosphère féerique dans laquelle baigne tout le roman. Dans Le Grand Meaulnes, aucune bassesse, pas la moindre mesquinerie ou méchanceté. Tous les personnages ont en commun la même pureté de cœur, le même sens du sacrifice, la même haute idée de l’amitié. Ce sont de jeunes gens romantiques et sévères, cruels et fidèles. Dès les premières pages, on sent que des choses graves vont se passer, des luttes angoissantes, et que tout va vers la dévastation de ce monde de l’enfance sans qu’n’y ait aucune intention volontaire de personne.
Le roman porte le surnom du personnage principal : Augustin Meaulnes, appelé le grand Meaulnes par les autres élèves. Il lui arrive une aventure bien extraordinaire. Après une longue déambulation à travers la campagne, il atterrit de manière tout à fait fortuite dans un grand château où se déroule une fête étrange, à caractère onirique, donnée par des enfants. C’est là où lui apparaît la belle jeune fille. Il échange avec elle quelques paroles. Et obtient d’elle la promesse de la revoir. Tout cela se passe au début du roman. Cette rencontre produit en lui un tel état d’exaltation que son désir de la revoir et de l’épouser s’empare entièrement de sa vie. C’est un désir moral non seulement en raison de la promesse mais surtout parce que le grand Meaulnes refuse de laisser périr son état d’exaltation et de rester séparé à jamais de l’être aimé. Ensuite, d’autres forces s’en mêlent, l’éloignent de sa quête, le font partir sur une fausse piste…
Alain-Fournier sait que la véritable joie n’est pas de ce monde. Il sait que c’est par notre enfance que nous sommes le plus proche du paradis, donc de Dieu, et que la vie ensuite nous éloigne d’elle, qu’elle est en fait une lente dégradation. Bernanos le sait aussi qui, derrière chaque visage et chaque masque des êtres, cherchait toujours le petit enfant qu’ils furent. Le monde de l’enfance est un monde entièrement moral. Retrouver l’enfant que l’on fut, c’est retrouver le sens moral du monde, c’est-à-dire son innocence. L’enfant est innocent non pas parce qu’il ne sait pas encore ce qu’est le mal, comme le pensent la plupart des adultes, mais parce qu’il le sait trop bien ; il le sait mieux que les adultes. Les grandes personnes finissent tous ou presque par se résigner au mal, l’acceptent comme on accepte la pluie et l’orage. Ils appellent cela « être réaliste ». Chez l’enfant, le sens moral n’est pas encore contaminé par le mal.
Alain-Fournier nous fait pénétrer dans un monde que nous n’avons pas fait, un monde qui paraît se passer de nous, un monde incalculable qui a ses lois particulières et étranges ; il nous fait entrer dans un conte de fée, un conte fantastique, un de ses contes qui s’attachent à nous, à notre famille, à nos relations pendant toute notre existence.
Revenir à l’enfance ? Cela est interdit à l’homme nouveau. Pour faire cela, il lui faudrait des souvenirs ; il lui faudrait retrouver l’être qu’il fut et que le temps et l’oubli a aboli en lui. Or l’homme nouveau a désappris de s’attacher. Il se détourne volontiers de l’effort qu’il faut pour approfondir en soi-même, d’une façon générale et désintéressé, l’impression qu’a laissée en lui son enfance. L’homme nouveau ne croit plus à l’enfance. Il ne croit plus en rien. Tout ce à quoi il aspire désormais est gagner de l’argent, copuler et crever.
Il n’y a plus d’enfance possible dans le monde nouveau, celui des robots.