Justice. Un pouvoir faible devient répressif faute de bien gouverner ; seule la canaille y trouve son compte.
Les agitations ne sont jamais un bon signe. Or la France est très agitée. Les manifestations de Gilets jaunes ont servi de révélateur mais elles ont entraîné dans la même agitation des institutions qui doivent – par nature et par devoir – surmonter cette nervosité. La première de ces institutions est la Justice. Le 12 janvier, Édouard Philippe a déclaré devant l’Assemblée Nationale « Depuis le début des évènements, 1796 condamnations ont été prononcées par la justice et 1422 personnes sont en attente de jugement… plus de 1300 comparutions immédiates ont été organisées et 316 personnes ont été placées sous mandat de dépôt. »
Comme l’écrit mon confrère Régis de Castelnau, « ces chiffres sont proprement ahurissants ». 2518 poursuites allant jusqu’au jugement, pour une institution qui ne trouve pas le temps pour traiter normalement les affaires normales, c’est une fièvre quarte. On risque le transport au cerveau ou la paralysie générale. De toutes les façons ce n’est pas le rythme de la bonne justice.
Mais que fallait-il faire ?
Ce que doivent faire, par fonction, les personnes chargées de la poursuite. Avoir le sens de l’opportunité. Poursuivre sévèrement et activement les casseurs et leurs organisations. Ne pas poursuivre les manifestants, même un peu énervés. S’en prendre aux gros, ou même surtout aux très gros, et laisser aller le reste. Les chiffres disent qu’on a fait l’inverse de ce qu’il était « opportun » de faire. C’est dire que le Parquet, maître des poursuites, ou a été guidé, ou a manqué de discernement – ou les deux à la fois.
Nous retrouvons là la marque d’un pouvoir faible et, donc, autoritaire et répressif. On laisse passer les grosses infractions qu’on ne peut pas poursuivre parce qu’on n’a pas trouvé les coupables. Et, en compensation, on matraque les braves gens faciles à interpeller, à identifier et à sanctionner. Un tel chiffre signe une réalité sociologique : les Gilets jaunes sont de braves citoyens qui répondent devant la justice… Les vrais délinquants, les vrais casseurs ne sont pas 2518… au plus quelques dizaines. Et eux courent très vite, et on a du mal à les identifier… ils n’ont aucune garantie de représentation devant la justice.
Après, le président de la République – mais peut-on encore employer ces mots qui ont, qu’on l’approuve ou non, une certaine solennité ! – peut aller dans les salles et les réfectoires des écoles, en manche de chemise, micro à la main, faire sa campagne… écouter… répondre, plaire… convaincre – l’effort, immense, est vain. Car ce n’est pas cela qui lui est demandé, en tant que chef de l’État, maître de la poursuite … et, en définitive, pour le justiciable, « grand juge » !
Ce qui lui est demandé, c’est de gouverner, donc de prendre des décisions. Dire à ceux qui sont chargés de la poursuite des infractions : trouvez et jugez les casseurs, les incendiaires, les violents… protégez les autres, car je veux entendre leurs cris. Dire à ses services de renseignements, préfets, sous-préfets, policiers, etc. : enquêtez et renseignez-moi sur les causes de cette révolte. Enjoindre à ces préfets et sous-préfets de se rendre sur place, d’écouter et de transmettre.
En réalité, Emmanuel Macron n’a confiance en personne, sauf peut-être en lui-même – c’est une qualité dans la vie quotidienne d’un bourgeois à Paris ou de province. « Ne t’attends qu’à toi seul, C’est un commun proverbe » Mais c’est un grave défaut pour un chef d’État. « Le monarque prudent et sage, De ses moindres sujets sait tirer quelque usage » … Messieurs les juges, les préfets, Monsieur le président de la République, délaissez vos mensonges et allez à nos Fables, celles de La Fontaine. Vous y trouverez des leçons pour le temps d’aujourd’hui.
La preuve, Alain Juppé, condamné pour détournement de fonds publics, devient membre du Conseil constitutionnel, l’un des Sages. Tous les espoirs donc sont permis à tous les délinquants mais à une condition, « selon que vous serez puissant ou misérable… »