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La hideuse banqueroute

La banqueroute, « la hideuse banqueroute » pour parler comme Mirabeau jadis, « est là. Et vous délibérez ! » s’exclamait le tribun dans sa péroraison, s’adressant le 26 septembre 1789 aux députés de l’Assemblée dite constituante qu’il cherchait à convaincre d’éviter la banqueroute en saisissant – tout simplement ! – le quart des fortunes des citoyens les plus aisés. Facilité du moment ! Sempiternelle facilité !

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La hideuse banqueroute

Discours tragique qui se voulait à la hauteur de l’histoire, comme au temps héroïque de la République romaine – où pourtant jamais les sénateurs ne renoncèrent à leur patrimoine ! – éternelle et obligatoire référence de nos orateurs de la Révolution – à vous dégoûter de l’histoire romaine ! « Catilina, à l’entendre, était aux portes de Rome », le pire du pire, une sorte de Mélenchon qui menaçait l’État, « et on délibérait ! »

Le baratin républicain

Ces rapprochements sont amusants et instructifs. Au fond, c’est, comme disait Maurras, toujours la même chose. Le Bayrou qui doit connaître ses classiques, du moins on le dit, s’inscrit dans la lignée, le verbe en moins, encore que…, de ces maîtres politiciens qui ont prétendu dans le passé et prétendent toujours, encore aujourd’hui, faire notre histoire. Il y a là chez eux un de ces culots qui, pour la plupart d’entre eux, les rend ridicules ! Le procédé est toujours le même : ils dramatisent l’événement autour de leurs personnes pour mieux s’approprier le pays. C’est à peu près toujours le même thème : moi, ma solution, ou le chaos. Ça marche, à peu près à tout coup. La différence, malgré tout, avec Mirabeau, c’est que l’aristocrate qui jouait au député populaire était, lui, astucieux, de culture politique supérieure, certes totalement corrompu comme tant d’autres, mais suffisamment intelligent pour savoir qu’il n’y avait de solution que dans un pouvoir royal renforcé auquel il voulait travailler en secret.

Mais tous les autres baratineurs ou beaux parleurs qui se sont succédé à la tête de la politique française et qui ont tous cette caractéristique – qui devrait à tout jamais les condamner dans l’esprit public français et les ridiculiser – de s’imaginer – mais de quel droit ?! – que la France est faite pour eux et qu’ils sont faits pour la France, n’exercent jamais leur pouvoir que pour imposer aux yeux de tous leur personnalité, fixant leur carrière sur cette puissance publique qu’ils accaparent à leur profit. Le système le veut ainsi, et il a été aménagé à cet effet. De constitution en constitution depuis plus de deux siècles ! C’est ainsi qu’ils se sont installés dans la place de l’autorité légitime, leur légitimité à eux n’étant que dans leur bagout et dans leur manière de s’emparer du pouvoir par tous les moyens et d’en faire l’instrument de leur propre puissance et de leur gloire ou gloriole. Voilà maintenant deux cents cinquante ans que ce régime dure, mise à part la restauration, et la France en a subi mille revers, extérieurs, intérieurs, cinq invasions, huit révolutions, aujourd’hui l’invasion migratoire, une instabilité constitutionnelle chronique, même sous De Gaulle, cela en dépit de l’incroyable force de son unité, de son énergie, de ses ressources spirituelles et matérielles.

Les parvenus du pouvoir, tous, qui plus, qui moins, depuis que le pouvoir est à prendre, à conquérir, à garder pour soi et pour son clan, pensent par leur démagogie, leur habileté, leur savoir-faire, leur rhétorique qui englobe le tout, avoir ainsi capté à leur bénéfice – et de fait ! – la souveraineté nationale, qui plus est au nom du peuple qu’ils disent représenter par leurs artifices électoraux. C’est si facile et si trompeur !

Et c’est si enivrant devant l’histoire de jouer un rôle, en invoquant le nom de la France. N’est-ce pas Macron ? N’est-ce pas Bayrou ? N’est-ce pas tous les autres ? Les Hollande et autres Sarkozy ? Sans même percevoir l’incroyable abîme qui sépare leurs misérables petites personnes de la prestigieuse nation historique qu’ils ont la téméraire et vaine prétention d’incarner. La politique aujourd’hui, ce n’est plus que ça, cette invraisemblable outrecuidance. Depuis la bande des Jules qui imposèrent à la France avec l’aide et sous le contrôle de Bismarck la république fondamentalement anticatholique et profondément anti-française, jusqu’à l’Aristide dit Briand, qui soumit peu à peu la France victorieuse de 1918 à l’Allemagne revancharde, et maintenant jusqu’au Hollande – ce fils de famille privilégié – à qui son trésorier de campagne, sans qu’il n’y ait jamais eu la moindre vérification, a apporté pour les besoins de la cause tout le fric de la sodomie internationale ; c’est ainsi qu’on gagne les élections en République ; et jusqu’au Macron qui, lui aussi, a été bien servi à tous points de vue et internationalement pour faire son œuvre et qui, partout où il passe, s’arrange pour faire le procès de la France et exalter l’Europe chimérique de ses rêves et surtout de ses ambitions, quitte même à déclencher une guerre. Car tout est là. Rien d’autre ne les émeut ou ne les motive. Ah, parler au nom de la France pour se gargariser de mots, constitutionnaliser l’avortement, bientôt l’euthanasie, jouer les papes de la République, fulminer, disserter, trancher du bien et du mal, courir le monde, tout ça avec le ton approprié, grave et sentencieux, quelle volupté !

La posture plaît qui n’est le plus souvent qu’une imposture. Mitterrand en savait un bout sur le sujet. Et De Gaulle pareillement, quoi qu’on dise. Combien de fois dans ces colonnes, une telle hypocrisie a été dénoncée. Le phénomène est constant.

Louis XVI aurait dû…

Oui, pour revenir sur notre histoire et comprendre notre désarroi actuel, il est vraiment navrant de penser que Louis XVI n’ait pas su – pas pu et pas vraiment voulu – régler son problème, parfaitement soluble, que son grand-père Louis XV avait quasi réglé en 1771 avec la réforme Meaupou. Il fallait aller dans le même sens, au lieu de renvoyer Meaupou et d’appeler ce beau parleur de Maurepas, l’homme de tous les sophismes, le type même des politiciens, l’Alain Minc de l’époque. C’est là la véritable origine de tous nos maux. Qui le dira, en dehors de quelques trop rares historiens. Il fallait renforcer le pouvoir royal, lui donner tous les moyens. Pauvre Louis XVI, certes trop jeune et trop bon, et qu’on eût aimé mieux conseillé.

Oui, il fallait reprendre les rênes de l’État, faire aboutir avec persévérance, force et énergie, les réformes nécessaires, déjà actées dans leurs principes, judiciaires, fiscales, législatives – les codes étaient en cours –, civiles et territoriales – oui, déjà ! Et Louis XVI avait des idées sur ce sujet, comme sur beaucoup d’autres. Tout était dans les dossiers, déjà étudiés, ces dossiers que Bonaparte reprendra à son profit et, malheureusement, à sa manière, avec les Institutions de l’an VIII, celle d’un étatisme absolutiste, loin des libertés du royaume de France ; certes dessein d’unité, mais qui, mal appliqué pendant deux siècles par abus législatif et réglementaire, tuera l’esprit même de la réforme, celle qui eût dû être royale et qui ne sera jamais au cours du XIXe, XXe et XXIe siècles que républicaine, malgré ses bons côtés indéniables dont la Convention, Bonaparte, puis la République se sont servis, et qui s’avère au bout du bout, comme il n’est que trop prouvé, tyrannique, centralisatrice, même quand elle prétend décentraliser, destructrice des réalités historiques et géographiques, uniformisatrice et, au final, profondément injuste, malgré son apparence égalisatrice. Le gaullisme sera dans cette lignée comme une sorte de bonapartisme républicano-monarchiste. Et rien d’autre n’arrêtera jamais la machine à détruire qui continue son œuvre imperturbablement sans que personne n’y puisse rien. Jamais ! Comme il n’est que trop évident dans tous les domaines, entre autres l’Éducation dite nationale qui devient de plus en plus nulle en devenant de plus en plus républicaine, l’Administration publique où le citoyen cherche qui fait quoi, tout ce qui va à vau-l’eau, enfin l’effroyable gabegie des deniers publics avec 3500 milliards de dettes et une charge de la dette à bientôt 80 milliards qui va pousser la France à la faillite. Ah ! La banqueroute ! La hideuse banqueroute !

Oui quel dommage ! La dette de l’État de Louis XVI, certes colossale pour l’époque, mais rien de comparable avec celle d’aujourd’hui ou celle de la Ière république ou celle des IIIe, IVe et Ve République, pouvait parfaitement se gérer. De manière autoritaire et souveraine. La France était la première puissance du monde ; ses armées triomphantes, sa marine victorieuse sur tous les océans. 1785 aurait dû être un sommet de gloire. Louis XVI tenait dans ses mains l’équilibre de l’Europe, pour ainsi dire du monde, la liberté des mers et bientôt la liberté des peuples. Grâce à Vergennes ! Ah, que n’eût-il l’équivalent sur le plan intérieur ! Le roi, en tant que roi, s’intéressait aux découvertes, à l’exploration du monde, aux sciences nouvelles. Tout était possible. Même de trouver de l’argent. Une affaire à régler entre quelques spécialistes. Et il y en avait.

Le coup royal manqué

Il fallait arrêter de discourir, cesser les Assemblées de Notables et toute autre assemblée, surtout ne pas réunir les États généraux. Le contraire de tout ce qui a été fait. Au fait, parlons-nous pour hier ou pour aujourd’hui ? Toutes ces assemblées inutiles qui ne représentent rien, et surtout pas le pays réel, ne servent à rien qu’à bagasser inutilement et reporter toujours sur les autres les responsabilités du moment. En facilitant le travail des « faiseurs de bordel » à la Mélenchon. Comment Louis XVI n’a-t-il pas compris cet essentiel de la politique ? Mais qui aujourd’hui le comprendra et l’appliquera ? La situation est la même, plus de deux cents ans après. Pour ainsi dire, rien n’a changé. Sauf que la France par la faute de ses dirigeants n’est plus grand-chose.

Bien sûr, Louis XVI aurait dû écarter les banquiers au lieu de donner les pleins pouvoirs à Necker, qui lui-même, comme les autres, spéculait sur la dette et la rendait ingérable. Toujours des histoires de taux ! Et, bien sûr, à dessein. Les taux d’emprunt pour la France vont bientôt dépasser les 3,5 %. À 4 %, 5 %, l’affaire est pliée. Plus de cent milliards de charges pour l’État, plus la dette à rouler, quelques 400 milliards. Impossible ! Ce n’est même plus du Louis XVI en 1789 ! Et les Mélenchon veulent en profiter pour prendre quelques bastilles… et instaurer demain une nouvelle terreur. Ah, la République, toujours la même ! C’est si divertissant de faire la révolution.

Qu’aurait-il donc fallu à l’époque ? Un coup de balai, mais royal. Que les rois de France, appuyés sur leur légitimité historique, ont su faire, eux, régulièrement, de siècle en siècle, pour sauver le pays et leur couronne. L’histoire en donne périodiquement des exemples. Des premiers Capétiens aux Valois, Charles V entre autres, Henri III, puis les Bourbons, Henri IV, Louis XIII, Louis XIV, Louis XV. Ah, vraiment, si seulement Louis XVI ! Quel dommage ! Il eût sauvé l’État, la France, sa famille, l’avenir. Et aujourd’hui, Bayrou fout le camp, Macron s’accroche, tout est dérisoire.

Sans solution

Le coup de balai populaire, ça n’existe pas ; ça n’a jamais existé, malgré tous les discours, les légendes et les rêves des uns et des autres. Rien sous la révolution. Rien. Malgré d’innombrables révoltes populaires. Les conventionnels ont toujours repris le pouvoir, toujours, sauf à le confier à Bonaparte pour garder leurs privilèges. La banqueroute de l’État s’était traduite par l’effroyable spéculation sur les assignats gagés d’abord sur la spoliation des biens du clergé, puis des émigrés, qui permit et assura un des plus grands transferts de propriété jamais opérés, qui fit aussi la fortune des conventionnels et qui s’acheva en 1797 par la banqueroute des 2/3, qui, elle, fut la ruine des petits rentiers et garantit la fortune des républicains spéculateurs. Bonaparte conforta le système. La République n’assure ses finances qu’en ratiboisant l’épargnant et en volant le travailleur. C’est sa règle, sûre que l’épargnant et le travailleur continueront à voter pour elle.

Les coups de balai démocratiques ne sont que des illusions du moment. Boulanger, Déroulède, les ligues patriotiques, le poujadisme… Et tout ce qui vient après. Des discours pour la rue et sur la rue qui ne sont que rodomontades. En fait, rien au niveau de l’État.

Dans l’état actuel des choses, rien n’est possible. Les événements du mois de septembre le prouveront une fois de plus. Il n’y a même plus d’institution. Le chef de l’État est un pantin qui s’agite pour exister, absolument pas un roi ; il n’a plus aucune légitimité. Comme il a été écrit depuis longtemps dans ces colonnes, les chefs de gouvernement sont voués à passer. Inutilement ! Tout le monde attend 2027 qui ne règlera rien. Le chef de l’État ne sera une fois de plus qu’un faux roi, un substitut de chef, réduit à son existence d’aventurier de passage. L’assemblée nationale est devenue une machine à guerre civile que le Sénat ne peut corriger. La justice est un instrument idéologique qui ne reconnaît plus l’État français ni le peuple français. Tout est à l’abandon : aucune ville n’est sûre, aucune campagne. La France est un narco-état. Elle n’est même plus une administration ; les gangs y font la loi ; la tuerie est la règle dès le plus jeune âge. La République a détruit la famille, le droit, les pays. Elle a remplacé la population française par d’autres populations que personne ne contrôle. Rien ne tient plus. Et la banqueroute est là, « la hideuse banqueroute », et la République délibère.

 

Illustration : Mirabeau va intervenir.

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