Editoriaux
Cierges et ministres
Il y a une semaine à peine, une grave question agitait le monde politique : qui allaient être les ministres délégués aux Personnes en situation de handicap et aux Anciens combattants ?
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« Parler de l’Europe, c’est parler de la France ». Telle fut la formule d’exorde de Macron le jeudi 25 avril dernier, avant d’entamer un long discours de près de deux heures dans le grand amphithéâtre de la Sorbonne, où il avait convié le gratin de la Macronie et de la politique, les institutionnels de haute volée et les ambassadeurs et attachés culturels.
Fort peu de Français l’ont en réalité écouté. Macron ne s’en soucie pas. Ce qui compte pour lui, c’est lui, son image, sa conception, ce qu’il croit être son avenir et son destin. L’exercice de prospective de cette année 2024 était une réédition de celui de septembre 2017, au même endroit, fort symbolique en lui-même, qui investit de l’autorité magistérielle et de la quasi-infaillibilité de la science.
Exercice qui se voulait déjà, il y a sept ans, « une initiative », en quelque sorte un redémarrage, pour une Europe souveraine, unie et démocratique. Les vaticinations macroniennes de l’époque n’ont débouché sur rien de concret, sinon, de manière malheureusement très réelle, sur des abandons répétés de souveraineté française, politique, économique et industrielle, très largement, et comme d’habitude depuis des décennies, au profit de l’Allemagne, qui assure ainsi, malgré les difficultés de la conjoncture pour elle, énergétique surtout, sa domination en Europe, en particulier et entre autres sur Ariane 6, et, d’une manière générale, sur le modèle industriel et économique européen. L’Italie aussi a su profiter de la situation, la France se laissant dépouiller en matière d’habillement, comme de construction navale et de composants micro-électroniques.
C’est ainsi, c’est toujours la France et les intérêts français qui passent à la casserole, et même qui doivent y passer ; c’est presque devenu une théorie en Macronie. Macron est toujours prêt à vendre, il fait ça depuis plus de dix ans, comme le prouve trop d’affaires où il a tiré des avantages non-dits, dont l’affaire Alstom, celle des turbines Arabelle et de la branche nucléaire de GE, non réglée, que les USA se refusent à restituer pour le moment, malgré une proposition de rachat plus qu’avantageuse. Il y a des brevets à la clé et mille conséquences militaro-industrielles.
Qu’importe pour Macron, qui parle cependant d’intérêt stratégique avec volubilité devant tous ses auditoires, mais il n’existe pour lui qu’au niveau européen, jamais français. Jamais. Le mot même de français le révulse. Il fait d’ailleurs appel constamment aux capitaux étrangers qu’il cherche à attirer, en utilisant le prestige de Versailles en particulier. Comme la République dite française est incapable de constituer et de faire travailler, malgré la Caisse des dépôts et consignations qui est mobilisée sur les mesures conservatoires, une vraie force capitalistique nationale au service de la France, de ses entreprises, de sa recherche et de son innovation, notre Macron est prêt, comme il l’a encore déclaré récemment, à proposer au Qatar, entre autres, d’investir pour plus de 10 milliards dans les entreprises innovantes françaises. Qui dit capital, dit propriété. Ce même Qatar, qui possède déjà force biens en France, dont des palaces, sans compter des clubs, des mosquées et, par ses financements, une partie des réseaux d’islamisation en France.
Benêt ou traître, ou économiste de pacotille qui ne comprend rien à la politique, allez donc savoir, avec un type pareil, qui en plus joue au professeur omniscient, et avec une telle cour de branquignols et un tel entourage de médiocres, de parvenus et d’idéologues. L’incapacité le dispute à l’incompétence, à la crétinerie institutionnalisée jusqu’à l’insolence et au souverain mépris de la souveraineté nationale par haine de la France, de son histoire, de son peuple, notions juste bonnes, dans son esprit, à servir de tremplin pour sa gloriole personnelle. La formule d’ouverture de Macron ne fut une fois de plus qu’un tour de passe-passe sophistique pour ensuite ne pas parler de la France. Pas du tout. Et ne parler que de l’Europe, son Europe, c’est-à-dire « son projet », comme il le clame à tout bout de champ depuis 2016.
Car, chez lui, il n’est jamais question que de « projet », ce qui inquiète sur la stabilité psychologique de l’individu en question, le contraire de ce qu’il faut dans l’âme et dans l’esprit d’un chef d’État. La France d’aujourd’hui ne compte pas à ses yeux. Il s’en moque littéralement, sauf à bénéficier de son État, de son armature sociale et politique, de ses avantages officiels et des honneurs et profits qui les accompagnent et qui lui plaisent infiniment, comme il n’apparaît que trop. Ainsi qu’à sa camarilla. Ah, le gendarme qui vous salue militairement et qui vous ouvre la portière ou vous précède, et qui, entre nous, par son service et son dévouement, vaut mille fois mieux que le personnage, au fond méprisable, ridicule et hautain, qu’il salue et précède. Tolstoï a écrit des pages définitives sur cette situation à la fois grotesque et révoltante. Comme de voir des hauts gradés, des ingénieurs de haut niveau et des esprits supérieurs, comme des ouvriers ou artisans qualifiés, au garde-à-vous mental sinon protocolaire, devant une bande de paltoquets qui se sont emparés du pouvoir parce qu’ils s’en sont fait une profession personnelle d’arrivistes, de filous et d’habiles manœuvriers.
Le prince de Machiavel est plus honorable que tous ces ambitieux de la République qui se croient établis pour commander aux autres sous les ors des palais officiels. Le prince, dans l’idée de Machiavel, est, lui du moins, fait pour cette tâche. Pas eux, ah non, pas eux ! Leur déguisement éclate à toute occasion, ces faux airs, ces mentons relevés, ce ton sépulcral, grandiloquent, cette rhétorique qui use et banalise un style dérisoirement académique, ces mollets tendus, ces sourcils arqués, cette démarche convenue. Un tel guignol, c’est insupportable. En France ! Où sont les Molière et les Anouilh ? Eh oui, Macron, c’est dit clair et net, se fiche de la France. Elle meurt tous les jours et peu lui chaut.
Un gosse poignardé chaque jour, bientôt chaque heure, une femme agressée ou violée toutes les heures, un vieillard tabassé à chaque instant ou peu s’en faut, vols, assassinats, ce qu’on appelle pudiquement incivilités, rixes entre bandes rivales, trafics en tous genres, quartiers entièrement soumis à la loi des chefs de bandes, des caïds, des dealers, des imams ; maintenant des villes et jusqu’à des villages livrés à des pouvoirs étrangers, narcotrafiquants et islamistes fanatiques. Le gauchisme et ce qu’on appelle le wokisme, maîtres de l’université, de l’Éducation nationale, des écoles ; un enseignement qui s’effondre, le péril au cœur même de l’école ; une insécurité généralisée ; des services publics qui ne fonctionnent plus, qui font le chantage à la grève à l’occasion des Jeux olympiques pour obtenir des avantages qui renversent jusqu’à l’ordre légal républicain ; des entreprises nationales qui n’en peuvent plus de leurs charges impossibles à soutenir, sauf évidemment les multinationales ; des faillites qui se multiplient, EDF, SNCF, Atos devenus des paquets de dettes comme les finances publiques ; un commerce exsangue, un artisanat sans avenir, une agriculture piégée par l’Europe et condamnée concrètement par la République à se réduire elle-même et à disparaître ; des citoyens bafoués, une vie civique désorganisée au point de désespérer les maires qui prennent à cœur leur charge et qui n’en font pas un moyen de domination idéologique comme dans tant de grandes villes ; une sécurité intérieure et extérieure qui n’existe plus, des forces de l’ordre moralement abandonnées, institutionnellement désarmées et pratiquement judiciairement désavouées ; une armée qui n’en peut plus de sa misère effective alors qu’on la saoule de grands plans, y compris en financements théoriques, mais sans effet sur le quotidien, alors que le chef de l’État augmente par ses propos inconsidérés les risques de guerre et que nos armements serviront plutôt à l’Ukraine qu’à nos propres troupes. Le dernier accord sur le char franco-allemand sera encore une fois de plus une mauvaise affaire française, et heureusement que Trappier défend le Rafale français dans son modèle indépendant. L’influence française désagrégée dans le monde, l’Afrique définitivement perdue, le chef de l’État mal perçu dans presque tous les pays et continents à cause de sa morgue, de ses discours contradictoires, de ses leçons de morale adressées au monde entier.
Mais de tout cela, de cette effroyable régression qui certes ne date pas de lui mais qu’il a largement accélérée, Macron n’a cure. Ce qui compte pour lui, son unique et exclusif souci, c’est l’Europe de demain. C’est ce qu’il a expliqué pendant deux heures, alternant lyrisme et détails techniques jusqu’à l’extravagant et au biscornu, dans une emphase qui pourrait relever du burlesque si ce n’était au fond tristement tragique.
Il répétait comme un Sganarelle, « le paradigme, le paradigme, nous changeons de paradigme, il faut changer de paradigme ». Paradigme, ça fait sérieux, comme d’entretenir son public de la merveilleuse émergence de « l’électron décarboné ». Et personne n’a ri ni même souri. Au contraire, standing ovation, comme il est d’usage de dire de nos jours, avec faux airs d’humble contentement. Monsieur a réussi une fois de plus son oral au grand concours politique. La malheureuse Valérie Hayer n’existe plus, désintégrée. Macron s’en fiche encore, d’Hayer et de sa liste. Lui seul compte et son avenir européen à lui.
Il faut se rendre compte, la trahison est totale. Le chef de l’État, gardien de l’indépendance de la France, chef des Armées de la France, désigné par le peuple français pour exercer la magistrature suprême, qui en tant que tel manifeste aux yeux de tous et doit garantir la souveraineté nationale, car telle est sa finalité, au-delà même de la constitution actuelle, dans la ligne de la continuité historique de la nation, oui, le président de la République, qui est de droit et de fait le chef de la France, renie publiquement sa charge et affiche, avec une superbe professorale qui ne souffre aucune réplique, son mépris radical pour l’existence même de son pays, celui qui l’a nommé constitutionnellement au pouvoir souverain, en vue de l’exercer conformément aux principes qui encadrent l’exercice d’un tel pouvoir. De Gaulle avait livré sciemment à l’ennemi et aux rebelles des territoires et des populations qui relevaient de la souveraineté française, alors même qu’il y avait, quoi qu’on die, d’autres solutions qui auraient préservé l’intérêt national et l’honneur français.
Aujourd’hui, c’est la France elle-même, l’honneur du pays, son état, ses institutions dans leur ensemble, son peuple lui-même, qui sont sacrifiés au dessein fédéral et supranational, mondialiste et globaliste, de l’étudiant attardé nommé Macron, qui a réussi à s’emparer deux fois, par surprise, des leviers de la puissance publique pour mener à terme ce qu’il estime être sa mission – de quel droit s’il vous plaît, et par quelle délégation non signifiée ? – : à savoir le dépassement de la France, considérée comme une structure obsolète, et la constitution de l’Europe en entité sui generis et sui juris, dotée de tous les instruments de puissance et de décision dans tous les domaines.
Installé dans sa chaire sorbonnarde et développant sa nouvelle scolastique comme autant de concepts enchaînés les uns aux autres, et présentés en forme d’arguments péremptoires et de syllogismes implacables, le petit-prof Macron a joué, comme à son habitude, au grand politique, au génie économique et financier, au visionnaire et au prophète de la civilisation macrono-républicano-européenne, dont l’humanisme triomphe dans le droit à l’avortement constitutionnalisé, en France, et promu bientôt, comme il le souhaite, dans la charte européenne ! Alors que l’avortement est en soi et par définition la suppression d’un droit, du premier des droits qui est d’exister et de vivre, d’un sujet de droit qui devrait être par situation un objet privilégié de droit. Ainsi marche la sophistique macronienne du progressisme déshumanisant, comme sa loi sur la fin de vie, qui n’est qu’euthanasie et suicide assisté, concoctée en dehors de tout professionnalisme, par des contournements juridiques avec réflexion falsifiée dans des conventions citoyennes, à la guise du président, sans aucune autorité juridique que celle qu’il lui délègue par abus de droit. Partout que des procédés de faussaire.
Et donc son projet européen est sa seule ligne directrice. La même en 2017, en 2022, en 2024 et, n’en doutons pas, bientôt en 2027. Oui, la même. L’Europe totalement souveraine, l’Europe unifiée, élargie à 30 et 40 et approfondie dans un état de droit généralisé et uniformisé qui met sous surveillance tout opposant. Europe puissance, autrement dit dotée de tous les instruments de la puissance publique et ce en tous domaines, donc totalement décisionnelle à son seul niveau, englobant et dominant tous les autres niveaux : super-État, reléguant toute autre réalité étatique ou publique au second plan, définissant elle-même ses frontières et ses cadres jusqu’à ses limites asiatiques, Ukraine compris, évidemment. Ce fut dit. Europe souveraine, définissant ses normes juridiques, sa vie politique et institutionnelle, organisant ses marchés et menant sa politique extérieure et intérieure au gré de ses choix et de ses accords. Cette Europe est l’objectif. Il n’y en a pas d’autre, face à l’Amérique et à la Chine.
Sa constitution est donc urgente. Macron la voit telle qu’elle sera. Il la décrit. Europe de la défense commune, Europe de la sécurité intérieure dans son espace Schengen et de la sécurité extérieure avec une réelle communauté de défense militaire et industrielle, possédant ses propres matériels et disposant, s’il le faut, de la dissuasion que la France est prête à mettre dans le pot commun. Ce fut dit et redit encore à Strasbourg. Europe de l’économie intégrée et coordonnée, planifiée dans ses grandes options industrielles, agricoles, alimentaires. Europe de la finance globalisée avec budget et ressources propres, renforcées donc, avec une fiscalité considérablement amplifiée. Surtout, emprunts communs et systèmes de dettes mutualisés. Europe de la technologie, de l’intelligence artificielle, de la recherche et de l’investissement dans les besoins et les projets du futur que seule cette Europe parfaitement intégrée peut, par définition même du système, assurer en démontrant son efficacité à son échelle qui est la seule envisageable, la seule rentable, la seule techniquement et financièrement admissible et possible.
Enfin, Europe de la culture qui culmine dans son humanisme des Lumières et qui doit créer et enthousiasmer une jeunesse nouvelle dont sortira enfin un monde nouveau. Ainsi Macron bat la campagne en s’imaginant détenir la vérité de demain. Il se moque de la France comme de sa première chemise. Et alors que la France est sur le point de mourir, il a eu l’audace de faire un chantage sur le risque de mort encouru par cette Europe qui est sa seule raison de vivre. « Elle peut mourir », a-t-il répété gravement. Pas la France, l’Europe, son Europe, celle qu’il décrit et qui n’existe pas, sauf dans des superstructures incomprises des peuples et qui leur pèsent. Chantage qui pose une alternative définitive : ou la France ou l’Europe.
Constat doit être fait. Le chef de l’État français est indifférent à la mort de la France. Sa disparition favoriserait même son projet. En revanche, pour faire advenir l’Europe qu’il rêve dans sa chimère, il alerte sur le danger mortel qui menace la construction européenne. En réalité, les résultats des élections de juin prochain lui importent peu. Au contraire, il en profitera pour s’imposer comme le vrai lanceur d’alerte sur le péril nationaliste, comme il l’a souligné, ce qui lui permettra de rebondir pour un avenir au-delà de 2027. Tout est bon dans sa perspective pour mener son seul plan, à la fois personnel et européen. Les Français se rendent-ils compte que leur nation est l’enjeu d’une véritable forfaiture, celle de celui qui est constitutionnellement leur chef de l’État ? Cette forfaiture s’appelait, naguère encore, haute trahison.