Le jeu de Macron risque de devenir de plus en plus périlleux. Même si jusqu’à présent, malgré les difficultés accumulées, il a échappé au pire, voici que le pire se signale à l’horizon. Le pire pour la France, hélas. Probablement aussi le pire pour lui qui, pourtant, ne l’aura pas volé.
Il a accédé au pouvoir par des procédés de voyou dont l’utilisation des fonctions de l’État à des fins personnelles jusqu’à la prévarication a constitué la norme habituelle : décisions prises en vue de sa stratégie politique au mépris des intérêts français, à l’encontre même des orientations du gouvernement auquel il appartient, compensations financières par voies détournées, exploitation des deniers publics mis à disposition dans le cadre étatique pour ses propres besoins, opérations d’achat-ventes combinées, voire de rachats concernant des entreprises françaises d’importance stratégiques au profit d’entreprises et de puissances étrangères dans des contrats doubles ou triples d’une opacité douteuse.
Tout à l’avenant mais, apparemment, sans conséquence pour sa carrière, bien au contraire, constamment favorisée par le renforcement de ses réseaux publics ou occultes. Sans jamais de suites judicaires sérieuses. Ni d’inconvénients politiques majeurs. D’aucun parti, même de la gauche la plus hargneuse, d’aucun média d’envergure, d’aucune autorité constituée, d’aucune structure concernée, même celles dont les intérêts ont été lésés. C’est ainsi ; c’est fort. Il passe toujours.
Le vice comme droit
Pourtant, rien de surprenant. D’ailleurs, quand il s’agit de lui, personne n’est surpris. Ou n’imagine être surpris, tant c’est chez lui des comportements constitutifs de sa personnalité qui se croit ou, plutôt, se sait par une sorte d’intuition aussi décisive que subtile, au-dessus de tout. À l’instar des autres transgressions qui jalonnent sa vie, aventureuse certes, mais sans l’être vraiment, jusqu’à présent du moins, tant il a la garantie, non prouvée mais assurée, de son impunité. Et, ainsi, a-t-il l’art d’en faire une singularité personnelle qu’il ne reste plus qu’à admirer.
Oui, toujours être admiré. Son personnage s’épanouit dans les effluves d’une telle psychologie. Qui ne l’a vu après une prestation où il a démontré qu’il était le plus doué ? Sa secrète connivence avec lui-même le met à l’abri de toute crainte et de toute hésitation. Il recherche ces moments de grâce où il est celui qui sait, veut et peut. Il adore briller. En un mot, il s’adore lui-même. Sans aucun scrupule. Sans retenue. Narcisse qui ne regarde les autres que pour se regarder lui-même dans leurs regards ravis, comme dans un miroir. Son entourage lui sert à plaisir le reflet de son égotisme rayonnant jusqu’à l’éblouissement ; entourage qui lui ressemble, d’ailleurs, sauf que ces individus qui se croient supérieurs eux aussi et dont le tropisme subjectif est identique à celui du patron, sont soumis à sa domination de dieu solitaire qui s’assouvit de lui-même… et des autres par réfraction. Lui ne donne rien que ce qu’il veut ; il accapare tout ce qui peut le satisfaire. De ce point de vue, il ressemble à ses prédécesseurs, tous malades d’eux-mêmes, comme il n’apparaît que trop pour qui étudie l’histoire de la Ve République, tant le pouvoir en république rend fous ceux qui ont misé toute leur vie sur son unique possession.
C’est une grande vérité, peu exprimée de nos jours, mais qui avait frappé nos légistes de l’ancien temps, tel un Jean Bodin, tel un Claude de Seyssel, que la lutte pour le pouvoir suprême était le pire des maux qui pouvait accabler un État. Tacite déjà en avait tiré la plus amère des sagesses historiques.
L’orgueil qui se croit intelligent
Il y a du Néron chez Macron. Qualis artifex ! Pour le moment le miroir de proximité n’est pas encore brouillé, comme il le fut pour Hollande et pour Sarkozy. Même si son image a subi de lourds cabossages au cours des cinq dernières années auprès des Français qu’il a trop méprisés et qui majoritairement ne l’aiment pas. Peu lui chaut. L’orgueil de sa réussite l’aiguillonne à chaque étape franchie. Tant pis pour ceux qui ne suivent pas comme les Gilets jaunes ou qui se mettent en travers de ses desseins de direction totalitaire, l’État dirigeant tout et Macron se prenant pour l’État. Il les « emmerde ».
Face au défi de l’adversité, il étale, en toutes circonstances, la vanité d’un adolescent immature et bravache qui se veut son propre maître et qui impose au monde ses caprices comme des lois. Ses répliques sont connues. Répétitives, aujourd’hui comme hier, toujours sur le même mode de l’arrogance puérile : « Si c’était à refaire, je le referais ! » « Qu’ils viennent me chercher ! » Et de jeter la tête en arrière. Son œil étincelle comme dans la fable celui du lion que vient importuner un moucheron. Et tous ceux du clan d’applaudir bruyamment. Quel chef ! Et pour quelle république exemplaire !
Et, de fait, il a pris possession de l’État, de tout l’État. Puisqu’en France l’État est le maître de tout et s’occupe de tout, de l’enfant au vieillard, du travail au chômage, de la santé à la mort, le libéralisme théorique de la macronie ne faisant qu’ajouter aux complications du socialisme étatique, c’est lui qui fait tout, qui décide de tout : il y passe ses nuits, paraît-il ! Même si, désormais, le pouvoir législatif lui cause quelques soucis, mais sans réelles conséquences. Il est prêt à tout, même à se servir, entre autres, d’un pseudo-conseil national de la refondation (CNR ! ) pour contourner les obstacles et plier la Constitution à sa guise.
Personne ne vient donc le chercher ! Personne ! Ou pas encore, tant qu’il sera le plus fort. Mais le lion de la fable finit par s’exténuer lui-même. Il est des retournements qui s’opèrent avec violence. La politique dite démocratique écrase toujours les plus faibles. Gare à demain !
Toutes les fausses pratiques de l’homme sans vergogne avec leurs mensonges calculés qui façonnent l’univers macronien et rendent compte des multiples affaires dont la vie politique de cet ambitieux forcené s’est littéralement nourrie – Alstom, Uber, McKinsey, et combien d’autres moins connues où ses copinages l’ont aidé –, n’ont jamais été dénoncées efficacement, même par les personnes les plus averties. Inutile de donner des noms. La France n’est plus une société libre ; chacun le sait. La prudence est de règle dans tous ces domaines où tous les coups sont à prendre. Ceux qui l’ont vu faire ou qui ont été renseignés sur ses façons d’agir, en tous cas suffisamment pour comprendre ses manœuvres d’une déloyauté sans nom, n’ont jamais pu ni l’arrêter, ni avertir le public, ni mener de justes investigations, ni conduire à terme des poursuites judiciaires. Type affaire Benalla, et, encore, c’était fort peu de chose par rapport au reste !
Le constat est le même, à droite comme à gauche. Les commissions parlementaires, les rapports dûment argumentés ne servent à rien. Personne de notoriété suffisante n’a eu l’audace ou le simple courage d’attaquer comme il aurait fallu, comme il était de droit. Pourtant il est des gens qui savent. Même parmi les politiques. Marine Le Pen ne s’est contentée que de vagues allusions pour se faire de suite rembarrer sans moufter. Ne parlons pas de Mélenchon qui ne fait que causer et encore causer, l’adversaire idéal qu’il fallait à Macron, aussi narcissique que lui. C’est déjà dit mais c’est si vrai : la politique les rend fous, tous tant qu’ils sont, la moindre once de pouvoir – celui de la parole en est un – les enivre de leur propre moi. Tel est le mal essentiel de la République où le pouvoir est toujours à prendre, à reprendre, à conquérir, à accaparer. L’intérêt de la France disparaît dans cette tourmente d’egos et dans les flots de discours. Il ne s’agit pas ici de dictature – le mot fait peur – qui n’est jamais qu’une forme de la démocratie pour la tirer de l’anarchie. Mais qui ne rêve d’un pouvoir dont la légitimité crée la stabilité dans l’harmonie retrouvée de toutes les autorités justes et naturelles qui auraient enfin toute leur place ?
Le désastre programmé
En fait, la France n’en sort pas. C’est reparti pour cinq ans avec les mêmes baratins. Il faut dire aussi que, depuis le début de l’entreprise macronienne, une machination complexe et fortement structurée fonctionne en faveur de l’homme qui a été choisi d’avance en 2017 et, à nouveau, en 2022, comme il a été souligné dans ces colonnes à chaque fois. Tel est, là encore, le lot de la démocratie française ; mais elle n’est pas la seule ; un regard autour du monde suffit à le comprendre. Les peuples sont abusés par des mots. Rien d’étonnant en France, comme il a déjà été dit, pour qui connaît l’histoire vraie de la Ve République depuis ses origines et pour qui s’intéresse aux mécanismes institutionnels qui mènent la vie politique française depuis plus de deux siècles.
La politique républicaine n’est pas du droit, comme elle le prétend. Elle s’habille de droit pour se justifier. Depuis le début. Et quel droit ! Un exemple : qui a jamais osé poser une question à François Hollande sur son trésorier de campagne dont les comptes personnels foisonnaient sur des îles sans droit et dont le but, en contrepartie du service rendu, était d’imposer en France par Hollande interposé le mariage homosexuel, qualifié de mariage pour tous – c’était très important pour la suite mondiale des opérations –, tant le droit de la République peut dire tout et n’importe quoi : il suffit d’une loi votée par une bande de partisans. Et voilà ce qui s’appelle l’État de droit, intouchable et incritiquable par définition. Qui veut bien comprendre, comprenne ! Peut-être les Français comprendront-ils un jour comment ils sont cocufiés. Ce beau travail législatif fut pratiquement l’unique raison d’être du quinquennat Hollande. Tandis qu’on discutait gravement de la façon d’unir deux messieurs ou deux dames, ou encore deux ni-homme ni-femme, les Trierweiler et les Ségolène qui auraient pu s’y croire, n’ont été que les jouets du même François et se sont faites coiffer au poteau par la Julie Gayet ! Amusant, n’est-ce pas ? De l’art d’être cocu et du sport de cocufier, à quoi se ramène toute la politique en France. En tous domaines !
Gageons que Macron voudra poursuivre dans une si noble voie. Un bon moyen, après avoir usé de la droite pour le pouvoir d’achat et pour la loi de finances, sera de se mettre la gauche dans la poche de sa majorité relative avec un projet de loi de constitutionnaliser l’avortement. Pas tout de suite mais à l’occasion. Comme si l’avortement était un droit ! Alors que c’est fondamentalement une suppression de droit, et du premier des droits qui est le droit à la vie. Ainsi tout droit peut être et sera éliminé en fonction des besoins au profit du seul Droit que la République impose et qui devient la Loi. Telle est la logique des principes absurdes qui fondent depuis la Révolution le droit public et, malheureusement, le droit privé français. Plus rien ne tient, les juristes en savent quelque chose.
Mais la forfaiture ne saurait être une règle pour une nation. Ou elle périra. Le désastre est là, pour ainsi dire programmé par l’implacable bêtise qui préside aux destinées de la France. L’Éducation est un immense échec, constaté par tous. La nomination du ministre est, d’ailleurs, une provocation toute macronienne. Les services publics ne sont plus que des mots en l’air, ni services, ni publics. Les administrations et les ministères, comme les innombrables comités et agences sont d’énormes verrues sur une pauvre France écrasée d’impôts, de taxes, de normes. Le pays est concrètement en faillite et continue à dépenser à tout-va. 3000 milliards de dettes ! L’industrie qui ne cesse de s’effondrer est à bout de souffle. La France n’est plus une puissance agricole. En dehors de l’international, ses entreprises les plus prestigieuses sont en train de couler : EDF en est l’exemple, victime d’une politique d’État d’une rare stupidité. L’Europe va exploser, l’Italie d’un côté, l’Allemagne de l’autre, devant les cruelles nécessité de la survie, mettant fin aux divagations de Macron qui a tout misé sur l’unification rapide de l’Europe en trahissant les intérêts français. En fait, il a perdu l’Europe et sa présidence européenne n’a servi à rien. Il a perdu définitivement l’Afrique. Une fois de plus, il nous humilie devant l’Algérie ! Le gaz suffit-il à expliquer tant de complicité ?
Et voilà que la guerre en Ukraine continue et peut dégénérer alors que, pour exister, il fait l’important et s’essaie à la gravité pour impressionner les Français et se hisser à la hauteur des circonstances. Nos canons partent en Ukraine, nos hommes peut-être. Cependant les chefs d’état-major des Armées ont averti : la France n’a pas les moyens suffisants pour mener une guerre, dite de haute intensité, plus de trois jours. Les vastes plans de Macron, tout en discours et en supputations, se heurtent à la dure réalité. C’est triste à dire : c’est la France qui, une fois de plus, paiera. Macron l’aura perdue, comme le reste.
Illustration : Le prix du gaz suffit-il à expliquer tant de complicité ?