Il faut rompre avec l’hypocrisie contemporaine et dire les choses telles qu’elles sont. Non pour provoquer, mais pour rétablir une évidence que l’on feint désormais d’ignorer : un État existe pour protéger. Le reste — la morale de plateau, l’émotion ritualisée, l’indignation sélective — n’est que littérature seconde.
À Ajaccio, un homme armé d’un couteau menace des passants en pleine rue. La police intervient. On tente d’abord une neutralisation non létale. Elle échoue. L’individu avance encore, arme en main. Le temps n’est plus à la pédagogie. Un policier tire. L’homme meurt. Il y a un drame, oui. Mais il n’y a pas de scandale. Le scandale eût été de laisser faire, d’attendre qu’un passant tombe, gorge ouverte, pour se donner bonne conscience humanitaire a posteriori. La vérité est simple : face à une lame brandie, l’État n’a pas à s’excuser d’exister. Il n’a pas à négocier sa légitimité avec celui qui a déjà rompu le pacte social. La légitime défense collective n’est pas un concept théorique ; elle est une réalité brutale, immédiate, qui se joue en secondes. À Ajaccio, l’autorité publique n’a pas failli. Elle a agi.
La police pour empêcher la violence
Les jours suivants confirment cette réalité. À Grenoble, un individu menaçant, là encore armé d’un couteau, est neutralisé par arme à feu. Il est blessé, hospitalisé, son pronostic vital n’est pas engagé. À Toulouse, scénario identique : menace caractérisée, intervention policière, tirs, l’agresseur survit. Et que se passe-t-il ensuite ? Rien. Ou presque. Le récit médiatique s’éteint. Quand il n’y a pas de mort, il n’y a pas de martyr. Pas de martyr, pas de slogan. Pas de slogan, pas de tribune. La réalité nue — un homme armé neutralisé, une enquête ouverte, des policiers qui n’ont pas tiré pour tuer — n’intéresse personne.
La culture du couteau banalisée ?
Ce que ces trois affaires révèlent, c’est une crise plus profonde. Une crise de courage politique et intellectuel. On exige de la police qu’elle empêche la violence tout en lui refusant les moyens moraux d’y faire face. On réclame la sécurité tout en criminalisant ceux qui la garantissent. Le véritable scandale n’est donc pas qu’un policier ait tiré à Ajaccio. Le véritable scandale est que l’on s’étonne encore qu’il ait fallu tirer. Que l’on ait laissé se banaliser la culture du couteau, l’ensauvagement de l’espace public, l’idée qu’un homme puisse menacer autrui sans que l’État n’intervienne immédiatement et résolument. Ajaccio, Grenoble, Toulouse disent une seule chose : quand l’État agit, le réel s’apaise ; quand il recule, la violence avance. Tout le reste n’est que bavardage.