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A trahi, trahit, trahira

Quelques paroles patriotiques prononcées devant des militaires et sur un porte-avions ne sont que de circonstance. La politique macronienne a toujours la même caractéristique : la trahison.

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A trahi, trahit, trahira

Les propos sur le chef de l’État sont de moins en moins voilés dans la haute fonction publique, même s’ils ne sont encore que murmurés ; ils s’affirment avec moins de sous-entendus et plus de logique démonstrative dans les commissions parlementaires et les milieux politiques qui ont gardé quelque indépendance d’esprit ; ils se donnent libre-cours maintenant dans les conversations populaires et, en particulier, dans les familles françaises qui conservent le sens de la patrie et de l’honneur ; ils circulent enfin de plus en plus vivement et violemment sur les réseaux sociaux.

Une morale : la liberté de trahir

Et tous ces propos reviennent à dire de manière de plus en plus claire et de plus en plus insistante : Macron trahit. Ce qui définit Macron, c’est la trahison. Oui, il trahit ; l’évidence s’impose et il le fait sans aucune honte, avec l’assurance, le mépris et le sans-gêne de l’homme qu’une longue habitude renforce dans ses façons de penser et d’agir. Il trahit et, dans son esprit, il a raison de trahir, parce qu’il manifeste ainsi sa supériorité dans la compréhension du monde et dans la pratique politique. Ce qui pourrait s’apparenter à une transgression aux regards d’une conception traditionnelle, n’est en réalité pour lui que le franchissement de barrières obsolètes qui empêchent les vastes projets de l’humanité nouvelle de se concrétiser, dont il est, lui, par son intelligence, le concepteur et le garant. Ainsi pense-t-il de la nation et, singulièrement, de la nation française qu’il voit percluse dans son passé qui l’emprisonne et la fige et qui l’empêche de sortir du carcan de ses habitudes mesquines, sordides et détestables. Lui a l’avantage de savoir ; il a jugé la France et son passé, national et colonial. Cet affranchissement psychologique et moral qui constitue, croit-il, le caractère essentiel de sa personnalité, l’autorise donc à dominer les Français, ce pour quoi il est fait, et, d’une manière plus générale encore, le siècle tout entier qui devrait l’écouter et le suivre dans ses leçons. D’ailleurs, n’a-t-il pas fait de cette unique idée de la libération des règles anciennes sa pratique journalière depuis de longues années dans sa vie publique comme dans sa vie privée ? Il lui reste à inviter les Français intelligents à le suivre dans sa démarche. D’où le Conseil National de la Refondation et tous les trucs législatifs qu’il invente au fur et à mesure. Il y a de la casse sur son passage ; mais peu importe, il a valeur de signe de contradiction.

Oui, Macron trahit, mais sa morale l’encourage à trahir, car ce qu’il trahit n’est qu’un résidu de l’histoire qui n’a d’importance que chez un peuple timoré et engoncé dans des certitudes d’un autre âge. Sa morale, à la Ricœur et à la Kant, ses maîtres en philosophie, lui impose l’impératif catégorique de la raison pratique d’une humanité à venir : il l’a expliqué à plusieurs reprises, à la Sorbonne, à Davos, à l’ONU, norme d’autant plus exigeante à ses yeux qu’il se fait une haute idée de son sujet humain pensant et œuvrant dont il est, raison pratique oblige, lui-même le modèle. Perpétuelle ratiocination de ce subjectivisme d’origine allemande mais devenu français à la mode républicaine et qui tourne finalement, après de fort belles considérations, au cynisme le plus absolu, en validant tous les discours, tantôt l’un, tantôt l’autre, « en même temps », selon les circonstances, en vue du « projet » qui est, bien sûr, « son projet » : la République de demain qui sera européenne aussi bien que française, voire mondiale, selon les prophéties de Hugo !

Cette trahison effective et permanente qui s’érige en principe en toute occasion en raison des circonstances pour les motifs les plus relevés du Bien futur – « si c’était à refaire, je le referais », répète-t-il à satiété –, est l’explication congruente de ses comportements bizarres que même les siens n’arrivent pas à franchement justifier : sa vie tant personnelle que publique n’est qu’une suite d’agissements en sous-main, d’accords dissimulés, de subtiles tractations qui bravent tous les interdits en cachant la réalité des contreparties psychologiques, financières, électorales, partisanes, politiciennes. Il n’y a pas à s’étonner que, d’après sa déclaration de patrimoine, il soit l’un des candidats les plus démunis de ressources. C’est ainsi.

La préférence de l’Étranger

Pourquoi est-il allé en Algérie déclarer que par sa colonisation la France avait commis un crime contre l’humanité ? Pourquoi ce lien constant avec l’Algérie ? Des voix à ramasser, et plus que des voix ? Un échange visas contre gaz ? Pourquoi se rendre à Doha, seul chef d’État à faire le déplacement à deux reprises pour un coût extravagant ? Au moment précis où le Qatar est mis en cause pour corruption au parlement européen ? Mais la corruption se limite-t-elle au parlement européen ? Tant d’investissements du Qatar en France dans les palaces et dans les banlieues, et jusque dans le club Paris Saint-Germain dont le président est l’homme d’affaires qatari Nasser al-Khelaïfi qui décide du sort de Mbappé – et non pas Macron ni Deschamps ! La réalité est là. Le gaz là aussi ? Le Qatar a un moyen de chantage. Ce ne sont là que des exemples, troublants en eux-mêmes. Et tout le reste que Macron négocie à longueur de journée. Avec l’Europe, avec l’Allemagne à qui il a déjà cédé le moteur d’Ariane VI et tout ce qui suivra. L’Allemagne ne pense qu’à elle-même et à casser notre appareil industriel malgré tous les accords. Le gaz, là aussi, intervient : nos réserves de gaz contre une électricité surévaluée à volonté par l’exigence allemande. C’est ainsi que Macron traite en international avec les USA, l’Amérique du Sud, le Canada, l’Asie, l’Australie. Partout où il passe, il vend la France, sans jamais défendre les intérêts français. Ne parlons pas de l’honneur de la France qu’il bafoue à longueur de discours. Mais peu lui chaut. Après s’être fait jouer et ridiculiser par l’Australie, l’Angleterre et les États-Unis dans l’affaire des sous-marins, il n’en continue pas moins à poursuivre les mêmes chimères, trop heureux d’être reçu à la Maison Blanche en visite d’État. Pour rien ! Il s’est si mal comporté en Afrique que la France en est chassée. Pour ainsi dire définitivement. Il n’y a rien compris, tout en croyant tout comprendre.

La politique de Macron consiste systématiquement à privilégier l’étranger. C’est une règle chez lui. Elle suppose, en effet, une conception globale, apprise de ses maîtres de la génération précédente qui cultivaient l’utopie déconstructiviste et reconstructiviste des années 80 et 90, mais qu’il a faite totalement sienne, selon laquelle la France n’est tout au plus qu’une carte à jouer dont la valeur ne tient qu’à son essence républicaine – carte dont il est, lui, le détenteur – au profit d’un ordre supranational qui est le critère ultime des décisions effectives. Bien sûr, en toute morale, comme il a été dit plus haut, en toute raison aussi, puisque penser ainsi c’est détenir l’intelligence du monde d’aujourd’hui, ce monde que son imagination philosophique et politique façonne.

Ainsi les étrangers dominent la politique extérieure de Macron, mais aussi bien sa politique intérieure : l’immigration est toujours une chance et même une nécessité, et les riches étrangers sont fastueusement invités – eh oui, à Versailles – pour faire leurs emplettes des biens français et disposer avec l’aide de l’État du matériau français, personnel, savoir-faire, entreprises. Combien d’affaires livrées, littéralement bradées, au-delà d’Alstom ? La France, pour lui, ne peut pas se sauver elle-même. Combien de fois l’a-t-il répété ? Elle se sauve par l’Étranger. La République, comme disait jadis Maurras, est devenue sous le consulat de Macron plus que jamais « le règne de l’Étranger ».

La tricherie macronienne

Il a beau courir le monde, rien ne le fait changer. Partout il poursuit son rêve proprement macronien et partout il se heurte aux intérêts divergents qu’il fait semblant de ne pas voir, sauf à tricher. Mais cette tricherie dans la trahison apparaît de plus en plus ouvertement. Elle se détache sur le fond de son action politique et donne un sens malsain à sa fébrilité et à l’incohérence de son « en même temps ». Voilà une vérité qui ressort de plus en plus nettement des nombreux dossiers qui tombent sous les feux de l’actualité économique, politique et judiciaire : cabinets de conseil étrangers, McKinsey, GE-Alstom, EDF et la question énergétique où il est directement impliqué par ses décisions, en dépit de ses dénégations. La nomination de Pap Ndiaye à l’Éducation nationale relève du même esprit de destruction, comme toutes les décisions dans tous les ministères, en particulier au ministère de l’Intérieur où Darmanin joue les importants dans la lutte contre l’ultra-droite, le truc connu, comme les Black blocs, qui se trouvent dans les mains de la police politique. Vieille pratique de la République !

Mais voilà que Brochant, l’ancien patron de la DGSE, parle ; les hauts responsables d’EDF, l’ex président Jean-Bernard Lévy, l’ancien et le nouveau hauts-commissaires à l’énergie atomique, Yves Bréchet et Patrick Landais, les magistrats, les policiers expriment avec la plus extrème sévérité leurs désaveux des politiques qui leur ont été imposées ; peu à peu la parole se libère et bientôt les vraies causes du désastre français seront épinglées. 

La vérité sur cette tricherie permanente qui se traduit en trahison de principe et de fait, éclate maintenant à tous les niveaux et dans tous les domaines. Il s’agit d’une destruction systématique, accompagnée d’un insupportable mépris, de tout ce qui constitue la France : ses institutions, ses corps d’État et de métiers, ses professions, ses traditions, sa mémoire, ses finances et ses économies locales, comme ses finances et son économie nationales, ses équilibres historiques, ses commerces qui n’arrivent plus à vivre. Tout : ses communes, ses maires qu’il dédaigne, ses régions, ses provinces, ses villes qu’il veut dissoudre dans de grandes aires métropolitaines, ses libertés qu’il annihile, son droit qu’il bouleverse, sa justice qu’il abandonne, ses coutumes qu’il déteste, ses organismes traditionnels, ses systèmes de retraites – certes, pour certains défectueux, mais pourquoi tout casser ? –, ses méthodes éprouvées d’éducation, ses organisations de santé. Tout y passe. Cela va mal, c’est vrai. Faute essentielle à l’État républicain qui s’est fort mal occupé de tout ! Réformer, bien sûr. Mais pour la France et les Français en respectant leur histoire et leurs libertés ; et non pour obéir aux injonctions d’une technocratie apatride.

Réagir : aimer d’abord la France

Oui, Macron trahit la France. D’abord parce qu’il ne la comprend pas. Il ne l’aime pas. Il n’aime que lui-même ; il considère sa carrière comme l’unique raison de son existence, à laquelle les autres doivent se plier. C’est malheureusement devenu la logique de nos institutions. Car nos institutions sont malades de ce carriérisme présidentiel. Quid après Macron ? Vérité tragique. Celui qui est en charge de représenter la France et de défendre les intérêts français, ne pense qu’à sacrifier la France et à brader ce qui reste de la richesse nationale. Intention délibérée pour répondre à l’idée qu’il se fait de sa destinée, en vue de son objectif qui dépasse tous les clivages, et d’abord le clivage national ! Une réaction s’opère dans l’esprit public. Même chez les intellectuels. Un Michel Houellebecq, un Michel Onfray, malgré toutes les divergences, rejoignent les Alain Finkielkraut, les Marcel Gauchet. Les Pierre Manent, les Rémy Brague dénoncent un naufrage civilisationnel. Même Julliard, le vieux chrétien de gauche, donne de la voix.

Des Tirole comme des Baverez savent pertinemment que Macron mène la France dans un gouffre. Les responsables économiques et financiers ne croient plus aux chiffres officiels – même, semble-t-il, Bruno Le Maire – et sonnent l’alarme. Personne ne sait ce que sera la situation de la France dans trois mois. Et il n’y a pas de recours institutionnel. Aucun ! Raymond Aron, Alexis de Tocqueville, les vénérables pontifes du libéralisme traditionnel, ne donnent pas de réponse. Ni De Gaulle. Inéluctable destin de la République en France : la catastrophe est sa phase terminale. C’est du vu, de l’archi-vu. Sept fois en deux cents ans !

La prétendue nouvelle vague macronienne ne change rien à l’histoire. Peut-être un peu de bon sens permettrait, sinon de redresser la situation, de comprendre un tel résultat. Comment ne pas penser à cette réflexion d’Anouilh, le vieux réactionnaire si parfaitement d’actualité : « Je ne suis pas la nouvelle vague. Je suis une très vieille vague, venue du fond des temps, celle du bon sens. »

 

Illustration : Macron console Mbappé.

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