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Dialogue ou Décalogue ?

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Dialogue ou Décalogue ?

En France, l’Église va mal. L’anticléricalisme militant et déclaré des élites, la sécularisation générale des sociétés occidentales, les tribulations de l’institution ecclésiale, du Vatican en Australie et des États-Unis à l’Argentine, enfin, expliquent en partie ce malaise. L’Église en France est comme un grand acteur déchu qui essaye de survivre à sa carrière finie en s’inventant une nouvelle vie le mettant à l’abri du besoin. Mais d’autres causes, internes et plus sérieuses, expliquent son déclassement. Il faut d’abord poser le grand échec de l’aggiornamento décidé au concile Vatican II – en tout cas qui a pris prétexte de Vatican II pour bouleverser les rapports de l’Église et du monde. Les effets pastoraux sont évidents, mais on doit aller plus loin dans l’analyse de ce que cette adhésion volontaire à un monde qui change, et même au changement du monde, a produit comme effets psychologiques et intellectuels, et dans notre pays au premier chef : en voulant construire une nouvelle Église adaptée au nouveau monde, l’Église a perdu sa capacité à proposer au monde ses questions – et ses réponses. Elle s’est inhibée elle-même. Le Christ n’est plus le modèle à suivre mais une personnalité plastique qu’on adapte aux circonstances pour en faire toujours le parfait contemporain, car le grand risque n’est plus de perdre son âme mais de ne pas être de son temps. Sur de telles fondations, comment bâtir un discours qui tienne, justement, dans le temps ? La parole des pasteurs est devenue si fluide qu’elle en a oublié le Verbe. Et en même temps que le Verbe a été réduit à une vérité relative, le dialogue est devenu une vertu cardinale dont les évêques s’enivrent. Un dialogue consacré comme un bien en soi, un dialogue sacralisé comme un remède salvateur, un dialogue invoqué comme un rempart contre toute tentation de puissance – ou toute prise de conscience de l’impuissance de l’Église. Léon XIII avait pu vérifier de son vivant la pertinence de son ralliement à la République. Gageons qu’il serait aujourd’hui horrifié de voir l’Église en France à ce point ralliée qu’agir en chrétien suffit à avaliser, aux yeux des engagés, même les prises de positions les plus contraires à la doctrine de l’Église. Les conservateurs ne sont pas exempts de ce défaut qui veulent privilégier une approche plus morale que sociale du gouvernement de la Cité. Tous ne sont pourtant pas dans le refus du politique, comme en témoigne le pape François, Argentin s’il en est sous ce rapport-là. Au-delà de la multiplication des faits qui prouvent que l’Église a perdu sa puissance, sa légitimité, son audience et la confiance que lui portaient fidèles et citoyens, une réaction politique, partie des laïcs, se fait jour aussi en France : ils sont prêts à s’affranchir d’une hiérarchie déconnectée pour affirmer que l’Église a droit et devoir de Cité.

Par Philippe Mesnard

Illustration : Église N.-D. de Pentecôte, à La Défense

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