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Une urgence chirurgicale [PM]

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Une urgence chirurgicale [PM]

Dans un forum, sur un site médical, un accidenté de la route décrit son état : 2 fractures ouvertes du fémur gauche, une du fémur droit, 5 du tibia gauche dont 2 ouvertes, une fracture de l’épaule, 4 du visage, le nez, 3 côtes, etc. Le travail chirurgical sera long, difficile, éprouvant. Et pourtant inéluctable… si on tient à la vie !

La France aujourd’hui est victime – ce dossier (Politique magazine n°139) l’a montré – de fractures multiples : fracture identitaire, fracture territoriale, fracture entre le pays réel et le pays légal, fracture « sociétale »… D’autres encore auraient pu être énumérées : la fracture scolaire et universitaire (qu’a décrite Yves Morel), la fracture linguistique avec la dégradation de l’apprentissage du français, la fracture numérique avec une population exclue du système… Fracture religieuse, fracture spirituelle, et fractures aussi dans les familles, dans les couples : non seulement la liste n’est pas limitative, mais chacun dans son environnement immédiat fait quotidiennement l’expérience de ces points de rupture qui sont autant de facteurs de conflits, de mal-être et de souffrance.

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La classe moyenne mise à mal

Nul doute que le travail du géographe Christophe Guilluy, dans ses livres Fractures françaises et La France périphérique, a conduit à une révision en profondeur de l’esprit public sur la place des banlieues dans notre équilibre social et territorial. Non seulement il a fourni une explication rationnelle à la montée du vote Front national, mais il a permis d’illustrer de manière éclairante les dégâts produits par la mondialisation forcée. Le sacrifice des classes populaires traditionnelles – rejetées à l’extérieur des banlieues qui, elles, restent liées aux pôles urbains par le jeu des subventions dont elles bénéficient – a des conséquences incalculables : au-delà de la destruction du tissu industriel, agricole, commercial qui était à la base de notre prospérité, c’est la classe moyenne, cet élément essentiel de notre dynamique sociale, qui a été mise à mal.

On sait à quel point, en France, la classe moyenne a constitué un élément de stabilisation et de progrès social : les plus pauvres trouvaient en elle à la fois la possibilité concrète et immédiate d’améliorer leur sort, mais aussi la possibilité pratique de leur ascension sociale.

Aujourd’hui, elle est loin d’avoir disparu, mais elle souffre terriblement de la situation. Ses réserves de tous ordres ont été laminées par la crise et la fiscalité galopante. N’en profitent que ceux qui sont parfaitement intégrés au système mondialisé, ce qui aboutit à la « boboïsation » des quartiers populaires des grands centres urbains. Aujourd’hui, les classes populaires traditionnelles se voient contraintes de quitter les villes, de renoncer aux banlieues communautarisées, et donc d’investir des espaces ruraux ou à la marge des zones urbaines.

Ces analyses de Christophe Guilluy, qui ont commencé à se répandre à partir de 2010, ont très vite provoqué des réactions de rejet des responsables gouvernementaux et de leurs affidés, pris complètement à contre-pied. Mais, depuis, leur pertinence n’a cessé de se confirmer. On peut, avec toutes les prudences nécessaires dans une telle matière, s’appuyer sur elles pour penser une politique radicalement nouvelle.

Les signes se font de plus en plus nombreux qu’une telle politique va enfin devenir possible, totalement opposée à celle qui nous est imposée depuis quarante ans – mondialisation forcée voire forcenée, « bruxellisation » à outrance, alignement sur les standards culturels américains, laisser-passer pour les pratiques libérales et laisser-faire pour les idées libertaires…

Le grand mouvement du printemps 2013 pour s’opposer à la destruction des valeurs familiales a révélé dans le peuple français une capacité de résistance insoupçonnée aux prétendues fatalités de l’époque. Capacité de résistance d’autant plus insoupçonnée qu’elle est sans équivalent ailleurs en Europe, alors même que la France apparaît comme le pays du continent ayant le plus délaissé la pratique religieuse.

Sur le plan économique, l’habileté du système dominant pour gagner du temps, au prix du reniement d’exigences présentées, il y a peu de temps encore, comme absolument impératives, fait de moins en moins illusion. D’autant que les innombrables victimes de ces politiques d’une rare sauvagerie comprennent de mieux en mieux l’origine de leurs maux, même s’ils ne savent pas comment en sortir.

Faut-il aussi rappeler que la politique d’immigration incontrôlée est largement responsable de plusieurs de nos fractures les plus douloureuses, le développement en France d’un islamisme radical de plus en plus actif n’étant pas la moindre… Comment les défenseurs des prétendues « valeurs républicaines » peuvent-ils délibérément favoriser la communautarisation de la France ?

L’alternance de la droite et de la gauche conduisant à des politiques exactement similaires, la fracture entre pays réel et pays légal n’a fait que s’approfondir, mal comblée par le vote pour le Front national : répondant à un réflexe protestataire, celui-ci peine à faire admettre qu’il pourrait sérieusement exercer le pouvoir.

Pour un « renversement copernicien » de la donne politique

Il faudra bien – et c’est cette perspective, inimaginable il y a peu, qui tend à devenir de plus en plus crédible – qu’une part importante de nos concitoyens se convainquent de la nécessité d’un renversement « copernicien » de la donne politique : une part assez importante pour pouvoir faire basculer l’opinion et emporter la décision.

L’ensemble des opérations chirurgicales nécessaires pour réduire les fractures dont souffre la France comprend notamment :
– l’abjuration officielle de la religion de la consommation, qui est aussi celle de l’argent-roi, du veau d’or institutionnalisé ;
– la reconquête progressive de nos marges de manœuvre redoutablement abandonnées aux structures de l’Union européenne : elle implique notamment l’étude des conditions pratiques d’une suppression de l’euro, au moins comme monnaie unique ;
– la redéfinition de la politique d’immigration dans un sens qui prenne mieux en compte la nécessité de l’intégration à la nation française des populations immigrées ;
– la réévaluation de la laïcité, qui doit rompre officiellement avec tout laïcisme de combat, reconnaître que le fait religieux est à la fois privé et public, individuel et social, et que les racines de la France plongent dans les profondeurs de son histoire ;
– la mise en place d’une politique de la famille ambitieuse et généreuse, car c’est au sein des familles que se vivent les fractures les plus douloureuses, les plus insupportables, et qu’heureusement se manifestent aussi les solidarités les plus vives, entre les générations comme entre frères et sœurs.

Pour ce grand corps malade qu’est la France, de telles mesures, on s’en doute, auront le caractère agressif des opérations chirurgicales. D’où l’importance d’y préparer dès maintenant les Français : les médecins savent l’importance des phases préparatoires.

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