En dix ans d’existence, l’Institut de formation politique a accompagné plus de huit cents jeunes désireux de s’engager dans l’action et le débat publics. Reportage au sein du plus grand établissement de formation dans le milieu des droites françaises.
Sa voix est nette, son énergie est débordante, ses mimiques font rire. Philippe de Lespéroux rassemble toutes ses forces pour donner envie aux auditeurs de s’engager en politique. Deux heures durant, cet ancien haut fonctionnaire, qui a côtoyé de près plusieurs dirigeants de l’UMP, va multiplier les cas pratiques, les exemples personnels et les conseils. « Comment s’engager en politique ? C’est très facile. Le plus dur est de ne pas se perdre soi-même ». Dans la salle de cours, l’attention est à son maximum…
Bienvenue à l’Institut de formation politique, la plus grande école de formation dans le milieu des droites françaises. Depuis 2004, l’association a accompagné plus de huit cents personnes, essentiellement des jeunes entre vingt et trente ans. Le but ? « Faire prendre conscience de la nécessité de se former, et ouvrir des voies pour l’engagement », explique Alexandre Pesey, directeur de l’institut basé à Paris. Lors du séminaire de niveau 1, les intervenants montrent qu’il existe différentes manières de faire du politique : « on peut être élu, on peut être journaliste, on peut diriger un festival, etc », souligne Philippe de Lespéroux, qui ouvre chaque session depuis dix ans.
Dans son introduction au week-end de formation, Alexandre Pesey, qui a brièvement travaillé à BFM et à France 3 (« j’ai alors vu l’envers du décor »), détaille quatre grands constats de l’évolution sociétale actuelle : « le relativisme, l’interventionnisme de l’état dans tous les domaines, la culpabilisation de l’Occident, et le mondialisme avec des organisations supranationales qui pratiquent une subsidiarité inversée ». Le décor est posé.
L’art oratoire, une marque de fabrique
Le vendredi soir, après une intervention intense en forme de management personnel, le dîner est l’occasion d’une première prise de contact entre les auditeurs. Parmi les profils, on trouve de tout : des jeunes de dix-huit ans côtoient d’autres qui ont passé la trentaine. Ainsi de Pierre, ébéniste, qui s’est inscrit à la formation suite aux conseils de son frère. Quentin, 22 ans, est au contraire déjà engagé, au FNJ. Tout comme François, jeune conseiller municipal apparenté à l’UMP.
Alice, étudiante en droit, a fait partie du mouvement des Veilleurs issu de la Manif pour tous et souhaite se former davantage. Le bouche à oreille fonctionne bien : la quasi-totalité des personnes inscrites ont été incitées à venir par un ancien auditeur. Pourtant, le programme intensif serait propre à décourager les lèves-tard. Samedi matin, les conférences s’enchainent dès 8h45. L’une parle de sociétal, l’autre d’économique. En février, c’était la géopolitique et l’euro. En avril, l’islam et le libéralisme.
Le samedi après-midi, c’est la très attendue session de l’art oratoire. Jean Martinez, un avocat qui n’a pas la quarantaine, donne le cours… et le spectacle. « Il faut prendre conscience du caractère corporel de l’éloquence », commence-t-il, avant d’enseigner à bien respirer, à se tenir droit, à regarder l’auditoire pour mieux convaincre. L’homme ajoute le geste et l’imitation vocale à la parole. Les exemples ne manquent pas, les piques à gauche non plus. Toutes les cinq minutes, la salle explose de rires. Les auditeurs boivent les paroles de celui qui fut, en 2004, l’un des co-créateurs de l’IFP. Ils prennent beaucoup de notes.
Ils devront ensuite mettre en pratique ce qu’ils ont appris lors de joutes oratoires, où certains se révèleront de redoutables contradicteurs. Jean Martinez détaille les points bons et moins bons de chacun avec bienveillance. Il sait qu’un jour, certains des auditeurs se retrouveront devant des adversaires prêts à en découdre, dans un amphithéâtre d’étudiants ou devant une caméra. « Soyez conscients du côté venimeux de la dialectique, elle est destinée à vous atteindre. Il faut la nommer et il faut s’y préparer ».
Débat et dialectique
L’art du débat et de la dialectique, les élèves pourront l’approfondir ultérieurement. L’Institut de formation politique dispose, en effet, de tout un panel de formations. Les séminaires de niveau 2 donnent ainsi des ficelles pour réussir une opération de communication et ils proposent des exercices télévisuels. « à ce stade, la quasi-totalité de nos auditeurs sont déjà engagés », précise Alexandre Pesey. Au niveau 3, c’est une mise en pratique totale, avec des ateliers de trois jours sur des thèmes tels que « Se présenter aux élections », « Passer dans les médias » ou « Entreprendre ».
A cela, il faut ajouter les « Lundis de l’IFP », des conférences mensuelles également destinées à entretenir le réseau, ou encore « Les notes de l’IFP », de courtes fiches thématiques rédigées par les élèves qui leur permettent de rencontrer des magistrats, des politiciens ou des entrepreneurs.
De la guerre culturelle
à l’origine de l’IFP, il y a trois jeunes hommes en sortie d’études « désireux de servir leur pays » : Alexandre Pesey, Jean Martinez et Thomas Millon. Le premier, qui avait découvert le monde politique organisé des milieux conservateurs américains – « un vrai tournant » – deviendra directeur de l’établissement non sans avoir importé certaines méthodes d’outre-Atlantique, quand il ne fait pas voyager ses auditeurs les plus prometteurs à Washington par le biais d’une structure indépendante, la Bourse Tocqueville. Le second deviendra avocat et continuera à donner de stimulants cours d’art oratoire, l’une des marques de l’institut.
Le troisième développera une affaire à Rennes mais demeurera au conseil d’administration. Quand ils créent l’IFP, les trois jeunes hommes sont marqués par le concept gramsciste de la guerre culturelle, qui professe de prendre en main l’éducation, les médias et les arts pour accéder au pouvoir. Ils ont été impressionnés par les résultats spectaculaires obtenus par les mouvements de gauche après mai 68. « Il est nécessaire de renouveler les cadres qui dirigent notre pays, estime Alexandre Pesey. Il faut qu’ils soient charpentés intellectuellement et outillés pratiquement et qu’ils connaissent les techniques de déstabilisation utilisées par leurs adversaires ».
Effet manif pour tous
Pour trouver leurs premières recrues, les fondateurs tractent dans les écoles et se font connaître auprès d’organismes comme l’Ifrap et Contribuables associés. En dix ans, le nombre de candidats passés par les différentes formations de l’IFP passe de 50 par an à plus de 300 et les donateurs décuplent. En 2015, l’institut organisera près de quinze séminaires. Les résultats sont là : une trentaine d’anciens participants sont aujourd’hui élus, d’autres ont lancé des médias dissidents sur internet ou des associations.
La sociologie des inscrits a également évolué : « nous avons aujourd’hui beaucoup moins de gens engagés dans des partis politiques, contrairement aux débuts de l’IFP. Les jeunes sont devenus méfiants vis-à-vis de ces structures. Nous constatons par ailleurs un très net retour des catholiques dans le débat public ». Effet Manif pour tous, indubitablement. Effet durable. L’avenir de l’IFP est assuré.
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