Civilisation
« Depuis six ans que nous nous battons, la PMA sans père n’est pas passée »
Un entretien avec Ludovine de La Rochère, présidente de La Manif Pour Tous.
Article consultable sur https://politiquemagazine.fr
Quel bilan tirez-vous de la manifestation du 13 janvier ?
J’y vois le début d’un grand mouvement d’écologie humaine. L’écologie environnementale, il y a quelques décennies, est née d’une question nouvelle : quelle Terre allons-nous laisser en héritage aux générations futures ? Le mouvement surgi de la « manif pour tous » couvait sous la cendre, et s’interroge de la même façon sur le repère de l’engendrement que nous voulons transmettre. Si ce projet de loi aboutit, ne va-t-on pas effacer des consciences l’altérité homme/femme comme source de l’humanité ? Ce repère de l’engendrement constitue l’essence de l’humanité ; s’il disparaît, nous basculons vers un changement de civilisation. La grande réussite de notre mouvement, c’est d’avoir révélé combien ce repère est précieux au moment même où il est menacé… Motivé par un sursaut de la conscience, un élan historique durable est né.
Vous avez placé la question bioéthique au cœur du débat. Était-ce indispensable ?
Oui. Il est évident que le mariage homosexuel (qui va de pair avec l’adoption pour deux personnes de même sexe) implique l’élargissement de la procréation artificielle pour deux femmes, puis la gestation pour autrui pour les hommes. L’enfant ne serait plus ainsi qu’un « projet » – pour ne pas dire un « objet » – répondant à un « droit à l’enfant » conforme au désir ou au fantasme d’adultes. Comment ne pas y voir un syndrome de toute-puissance prométhéenne, cette volonté de l’homme d’être la mesure de lui-même ? A rebours de ces dérives éthiques, notre mouvement s’inscrit dans le sens du progrès humain : aux lobbies de la trans-humanité qui veulent recréer un homme supérieur, il oppose le respect de la dignité de chaque personne, toujours vulnérable.
Il est parfois difficile de répondre aux arguments affectifs des partisans du projet de loi…
Ils disent répondre à des aspirations naturelles : le besoin de reconnaissance et le désir d’engendrement. Or, la force de ces aspirations, respectables en elles-mêmes, peut anesthésier notre capacité à dire non. Mais il faut oser affirmer que la paix sociale naît justement de la régulation des désirs par la loi. C’est d’ailleurs cette régulation qui protège les plus faibles en démocratie. Le plus fort n’a pas besoin de loi pour s’en sortir. En contestant l’homo-filiation, qui refuse les limites, la grande manifestation du 13 janvier 2013 agit en contrepoint du libéral-libertaire mai-68. La « manif pour tous » a donné l’occasion aux nouvelles générations d’affirmer sans complexes leurs convictions généreuses.
Quels sont dorénavant vos objectifs ?
Le gouvernement comme le chef de l’État n’ont pas encore mesuré tout de ce qui se joue avec notre mobilisation, même si son caractère historique est incontestable. C’est à nous de leur montrer notre ténacité… Il nous faut continuer à débattre partout en France sur le sujet, sensibiliser les parlementaires dans la durée et investir la rue par diverses initiatives. Mais ce qui est né dépasse largement le quinquennat actuel. Notre engagement est méta-politique : il doit rayonner dans toutes les sphères de la société. Nous n’avons rien à vendre ni à acheter, étant mus par un altruisme qui nous fonde sur le roc ! Je crois surtout que l’attitude de non-violence, d’écoute et de respect est le meilleur gage de notre réussite. Face à la posture souvent agressive de nos adversaires, la bienveillance tenace est notre force. L’élan irréfragable né le 13 janvier est un mouvement de paix sociale.