A l’élysée et à la maison Blanche l’affaire était entendue : il fallait frapper la Syrie de Bachar Al-Assad ! « La France est prête à punir ceux qui ont pris la décision infâme de gazer des innocents », déclarait François Hollande. « Punir » Assad ? Voilà notre chef de l’état empruntant le vocabulaire des néo-conservateurs américains… « Punir » Assad ? Mais depuis quand est-ce la mission d’un état à l’extérieur de ses frontières ? L’argument était pourtant repris en cœur par Laurent Fabius et John Kerry lors d’une rencontre au Quai d’Orsay. Et tant pis si aucune preuve tangible n’a été apportée de l’utilisation d’arme chimique par l’armée gouvernementale syrienne. Tant pis s’il s’agit d’aider ici ceux que l’armée française a combattu – avec succès – au Mali. Tant pis si une intervention occidentale risque de déstabiliser toute une région, avec des répercussions potentiellement dramatiques dans un pays ami comme le Liban. Quant aux Chrétiens syriens, déjà pris en otage entre les belligérants, n’en parlons même pas ! La diplomatie socialiste connait-elle seulement leur existence ?
Mais le vent tourne vite et le gouvernement français s’est retrouvé dangereusement seul. Le Parlement anglais a refusé à Cameron toute initiative militaire tandis qu’Obama, qui avait remis son sort entre les mains du Congrès, reculait à mesure que l’hostilité de l’opinion américaine grandissait. Fonçant tête baissée dans ce piège – la guerre sans alliés, sans soutien européen, sans avoir réussi à convaincre l’opinion publique, sans avoir tenté de chercher une solution politique en tendant la main à la Russie par exemple -, François Hollande a donné au monde une piètre image de notre pays. Il peut remercier Vladimir Poutine d’avoir offert une solution politique qui permet aux pays occidentaux de sauver la face. Comme l’écrit Dominique Souchet dans le dossier qui suit : « Le conflit s’est internationalisé et la Syrie s’est transformée en épicentre d’une crise mondiale, qui a vu se mettre en place un engrenage redoutable que le talent de la diplomatie russe a réussi pour le moment à bloquer. » Car nul ne peut dire aujourd’hui où conduira l’affaire syrienne. Elle traduit le vieux conflit qui oppose sunnites et chiites au Moyen- rient – Iran, Syrie, Hezbollah libanais et leurs alliés russe et chinois d’un côté ; Arabie saoudite, Qatar, Turquie et leurs alliés occidentaux de l’autre. Cette guerre civile, comme toute guerre civile, charrie son lot d’atrocités et de drames familiaux. Le lecteur lira avec profit le reportage de notre journal dans les camps de réfugiés au Liban et en Jordanie.
Mais le contraste entre un chef d’état russe délivrant une magistrale leçon de diplomatie – qui scelle le retour de Moscou dans le grand jeu diplomatique au Proche et au Moyen-Orient – et un François Hollande adepte d’une « diplomatie-spectacle » et aux motivations réelles qui semblent liées à des considérations d’image personnelle, est navrant pour notre pays. « La France avait pourtant une carte à jouer en Syrie », écrit Christian Tarente. Une carte qui tient à son rôle historique au Moyen-Orient depuis Saint Louis, roi de France. Hélas, elle n’en a rien fait, laissant passer l’occasion de regagner une influence dans cette partie du monde qui devrait lui être chère.