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Le vain débat sur l’école

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Le vain débat sur l’école

A en croire les contempteurs de l’École actuelle, nous n’aurions rien de mieux à faire que de renouer avec la bonne vieille « méritocratie » républicaine. Affranchissons-nous de cette École moderne qui a cassé « l’ascenseur social » (l’éternelle tarte à la crème) et enchaîné définitivement les enfants de pauvres à leur condition d’ « ilotes » (Brighelli) à la grande satisfaction des rois du marché mondial…

Malheureusement, la réalité n’est pas si simple. Outre le fait que cette « École républicaine » s’accommodait des injustices liées à la naissance et massacrait aveuglément les enfants intelligents mais incapables de se couler dans son moule, il apparaît, avec une évidence criante, qu’elle menait fatalement, de par ses valeurs, ses principes, et sa situation de monopole, à l’École pédagogiste dont nous déplorons les résultats, mais qui a créé une situation irréversible.

Après elle, plus rien ne pourra redevenir comme avant. Ceux-là même qui regrettent le lycée d’antan sont incapables de le restaurer parce qu’ils ne l’ont jamais connu. Ils n’ont pas eu de maîtres dispensant de cours ex cathedra avant leur entrée en fac, et en celle-ci, ils ont suivi beaucoup de TD ou de « conférences » à public réduit, ont fait des exposés, ont connu les partiels et le contrôle continu, n’ont pas subi l’inflexible sévérité des jurys d’antan, ont été reçus à des concours de recrutement dont le niveau avait continûment baissé (agrégation comprise). Devenus enseignants, ils ont, à leur tour, pratiqué non le cours magistral, mais le cours dialogué avec participation des élèves, l’alternant avec l’ « accompagnement » de travaux individuels ou en groupes effectués par leurs ouailles au CDI ; et ils se sentiraient bien incapables de travailler autrement. Et beaucoup d’entre eux ne sont ni des érudits ni des savants, préfèrent souvent Internet au livre et ne dédaignent pas la contre-culture, le rap, le cinéma grand public, les variétés, la BD même s’ils n’en raffolent pas. Ils ne ressemblent ni aux instituteurs de l’école ferryste, ni aux anciens professeurs agrégés.

Les agrégés, une minorité

Sauf dans les grands vieux lycées parisiens et provinciaux, les agrégés ne constituent plus qu’une petite minorité des maîtres du secondaire (12,6%), tous les autres sont des certifiés (ou des professeurs de lycées professionnels). Or, ces derniers ont, dès le début, différé notablement des agrégés, et cette différence a été déterminante dans l’évolution de la conception de l’enseignement. Moins brillants et plus laborieux que les agrégés, instruits, mais sans culte du savoir, dépourvus du sentiment d’appartenance à une élite, respectant sans dévotion leur institution et enclins à la critiquer, ils ne s’identifiaient pas à des clercs dépositaires privilégiés de la connaissance. Et leur cours se présentait moins comme la restitution d’un savoir académique que comme le résultat d’un travail méthodique de préparation. De ce fait, ils inclinaient à accorder autant d’importance à la technique pédagogique qu’au contenu intellectuel. Cette propension devait s’accentuer avec le temps, et beaucoup d’entre eux se montrèrent réceptifs aux pédagogies modernes. Les certifiés formèrent une espèce nouvelle de professeurs, intermédiaires entre les agrégés et les instituteurs, qui allait contribuer à la constitution du premier cycle de celui-ci en stade de transition entre l’école et le lycée, par la création du collège, et finalement à la transformation de tout le secondaire en un ensemble mêlant les caractéristiques de l’école et du lycée d’antan.

Cette évolution était inéluctable dès lors que l’on concevait la démocratisation du secondaire comme l’extension à tous des études académiques et que l’on refusait, face à la demande générale d’enseignement long des années 50 et 60, toute réforme d’ampleur de notre système éducatif qui eût modifié l’organisation tant administrative que pédagogique de l’institution ainsi que le statut et les missions de ses maîtres. Antagonistes, le refus opiniâtre des agrégés à toute réforme visant à l’adaptation du secondaire à des publics nouveaux et l’obstination des instituteurs à ne concevoir celle-ci que comme une primarisation, devaient converger pour aboutir à la création du collège que François Dubet qualifia, il y a treize ans, de « produit de l’accouplement monstrueux de l’école primaire et du lycée d’autrefois ». Cette appréciation laisse rêveur. Car, outre que l’avènement d’un tel collège était inéluctable en raison des blocages corporatistes et culturels des divers corps d’enseignants, il reste que ce stade est aujourd’hui dépassé. Le collège a cessé, depuis longtemps, de se résumer à ce mélange et a acquis son identité propre. Il est spécieux de vouloir le définir par les éléments et les circonstances l’ayant engendré. On ne peut rien entreprendre sur la négation du principe de réalité. Or, le collège, et d’ailleurs tout le secondaire actuel, est une réalité incontournable, dotée de caractères originaux, et la solution à son dysfonctionnement doit procéder de l’analyse de cette donnée fondamentale et exclure toute référence à un modèle historique dépassé d’ « école républicaine » ou, à l’inverse, à une utopie éducative d’inspiration socialiste ou libertaire.

Se soumettre au principe de réalité

Et là, nous sommes au cœur du sujet. Ne devons-nous pas admettre tout simplement que la culture de notre époque diffère profondément de celle de l’école primaire et de l’Université d’antan ? Pour le pire plus souvent que pour le meilleur, les mutations de notre société ont engendré de nouvelles conceptions de la connaissance et de la culture. Et le savoir des élèves d’aujourd’hui diffère in essentia de celui des élèves d’hier. Il est équidistant de l’encyclopédisme aussi foisonnant que superficiel, cumulatif et naïf de l’instituteur que de l’érudition et de la culture de classe des lycées d’avant 1968. Il apparaît disparate, de sources diverses de nature, très variable au plan de l’étendue et de la profondeur, dépourvu de prétention à l’exhaustivité, moins dogmatique et plus ouvert que celui du maître d’autrefois.

Et l’idéal-type de l’homme de savoir auprès des élèves et étudiants actuels et de la plupart des adultes de moins de quarante-cinq ans n’est plus ni le savant ou l’érudit coupé du siècle, clerc régulier formé par l’Université, détenteur d’un savoir immuable, ni l’instituteur, mais plutôt le « chercheur », entendu non certes comme le docteur d’État de naguère, mais comme l’intellectuel ou l’homme de science qui considère la connaissance comme une quête indéfinie évoluant par le surgissement constant de problèmes dont la définition et la résolution suscitent le débat et enrichissent un savoir considéré comme toujours inachevé et multiforme de par son interdisciplinarité constitutive comme de par la nature de ses sources et les supports de sa transmission. Et un homme ou une femme de ce profil peut tout à fait contribuer au développement de la connaissance scientifique ou du savoir érudit et les transmettre à des jeunes. De ce point de vue, on peut dire que la conception du savoir a quelque peu perdu de sa solennité dogmatique et académique, et a subi un infléchissement « libéral » et « anglo-saxon », voire « américain » (horresco referens).

Une nouvelle culture scolaire

Le rêve des fondateurs de notre système scolaire depuis Ferry (voire Guizot), d’un peuple sachant lire, écrire et compter, connaissant les grandes dates et les grands personnages de l’histoire de France et possédant des rudiments de géographie et de sciences, et d’une élite formée par les lycées et facultés ou les grandes écoles, et, pour les plus doués des enfants d’humble origine, de passerelles entre primaire et secondaire ou de possibilités de promotion grâce aux écoles normales d’instituteurs ou aux écoles professionnelles, est révolu. La massification des études secondaires et supérieures a fait son œuvre, portée par toute l’évolution sociale et culturelle du XXè siècle. A la différence de leurs ascendants de la fin du XIXe siècle et de la première moitié du XXe, tous les jeunes et les adultes d’âge mûr d’aujourd’hui possèdent – certes mal dans nombre de cas – des notions d’anglais, voire d’une deuxième langue vivante, d’histoire et de géographie, de sciences, de philosophie (même si cela se limite à Cogito ergo sum, à la distinction noumène/phénomène, à « thèse-antithèse-synthèse »), de sciences humaines, d’arts plastiques et de musique. Le savoir de Monsieur Tout le Monde, tient du primaire et du secondaire . Et il s’agit là du bagage intellectuel minimal (certes maigre, mais celui des élèves de la communale et du primaire supérieur ne l’était-il pas également ?) que doit posséder tout citoyen d’un pays développé.

Une école primaire en Finlande.

Une école primaire en Finlande. Jusqu’à la 3e, il n’y a aucune « sélection ».

Les Finlandais l’ont bien compris, qui prohibent toute sélection avant la fin de la troisième. Que nous le voulions ou non, l’évolution a fait disparaître la séparation rigoureuse d’autrefois entre primaire et secondaire. Tous deux forment désormais l’ « enseignement scolaire », relevant du ministère de l’Éducation nationale, cependant qu’existe un ministère spécifique pour la gestion du supérieur. L’Université napoléonienne, séparée du primaire et unissant lycées et facultés a disparu.

Le marasme de notre institution scolaire qui produit des jeunes illettrés, des jeunes qui connaissent l’échec au lycée ou à l’université, et des diplômés pourvus de titres dévalués est, certes, une réalité dramatique, mais son remède ne se trouve pas dans un impossible retour à la situation antérieure à l’explosion scolaire de la seconde moitié du XXe siècle.

Nécessité de la désétatisation et de la dépolitisation

En réalité, il n’existe pas, pour remédier au mal scolaire français actuel, de solution politique au sens où nous l’entendons habituellement, c’est-à-dire émanant de l’Etat.

Car ce n’est pas des changements pédagogiques, des mutations culturelles, que souffre en premier lieu notre système scolaire, non plus que de l’Europe ou du néolibéralisme, mais bel et bien de sa constitution, depuis plus de deux siècles, en enjeu politique et en « affaire d’Etat », pour reprendre une expression de Christian Nique, de la création en deux temps (l’Université napoléonienne en 1808, puis de l’école primaire publique en 1833) d’une institution monopolistique et centralisée qui a ouvert la voie à la contestation permanente, à la revendication jamais satisfaite et à l’idéologisation de l’analyse et de la critique. En un tel système, tout se dégrade : le souci de dégager une élite devient élitisme, la recherche de plus d’égalité tourne à l’égalitarisme, et l’innovation pédagogique engendre le pédagogisme. Et, non seulement ces dérives sont inévitables, mais il est impossible d’accorder une attention particulière à une option sans sacrifier les autres : ainsi, le souci de l’aide aux élèves faibles obère la qualité générale de l’enseignement, le souci de la pédagogie provoque la relégation au second plan de la transmission des savoirs.

En France, il est impossible d’entreprendre sereinement et avec succès une réforme de fond comme l’a fait la Finlande de 1968 à 1977. Parce qu’il est on ne peut plus étatique, monopolistique et grevé de passions partisanes et d’idéologies, parce qu’il a été institué en maître absolu du destin social et de la dignité de chacun et qu’il exacerbe ainsi les ambitions et revendications de tous, notre système scolaire est irréformable. Tout débat s’y transforme spontanément en une querelle des anciens et des modernes.

C’est pourquoi le remède au marasme actuel implique une désétatisation de notre système éducatif. Seul le dessaisissement de l’État de ses prérogatives en matière éducative rendra possible la dépolitisation et la désidéologisation de l’enseignement indispensable à son adaptation aux exigences de la société et aux aspirations et intérêts des jeunes. L’innovation pédagogique n’est pas fatalement délétère. Ce qui la rend délétère, c’est la volonté de lui faire servir quelque projet utopique au lieu de la mettre au service de l’indispensable adaptation du système éducatif aux exigences du présent et aux nécessités prévisibles de l’avenir.

Le modèle de l’École des Roches

C’est ce qu’a bien compris Edmond Demolins à la charnière des XIXe et XXe siècles. L’École des Roches qu’il fonda en 1898 à Verneuil-sur-Avre (Eure), promouvait un modèle éducatif fondé sur l’écoute des élèves, l’apprentissage de l’autonomie et de la responsabilité, le caractère convivial et familial des rapports entre les maîtres et les jeunes, la polyvalence disciplinaire des enseignants, le contact avec le monde environnant, une place importante accordée aux langues vivantes et aux sciences, au sport, aux activités manuelles, aux excursions, aux visites de fermes et d’usines.

Catholique et traditionaliste, Demolins a eu le mérite de faire justice de l’opposition entre individu et société, entre innovation et tradition. Il a montré, par son action et ses écrits qu’une société pouvait, devait même, être étayée sur ses traditions tout en dispensant à ses membres une éducation propre à tirer de leur richesse singulière et de leur capacité d’initiative le meilleur parti possible dans leur intérêt comme dans celui de la communauté, qui, loin d’être ennemis, s’accordent. Il a montré que la tradition ne se maintient qu’en se régénérant en permanence par les apports individuels et en intégrant la nouveauté, et qu’une communauté ne maintient sa cohésion, sa puissance et son rang qu’en puisant dans les capacités à concevoir et à agir des personnes qui la constituent.

A partir du moment où on a compris cette complémentarité fondamentale de l’individu et de la société, les a priori idéologiques qui empoisonnent le débat sur l’école tombent d’eux-mêmes. Il n’est plus question de révolution ni de réaction, ni de conservation, ni de rupture. Il n’est plus question de devoir choisir entre innovation et routine, entre tradition et modernité, entre autorité magistrale et autonomie des élèves, entre initiative personnelle et travail collectif. Le débat sur l’enseignement se trouve décrispé et ramené sur le terrain du réel, de la saine raison et du bon sens. Dès lors, on n’innove pas par lubie et afin de « changer la société pour changer l’école, changer l’école pour changer la société », mais parce que l’innovation apparaît comme nécessaire tant pour l’élève que pour l’École et la société. Et, inversement, on ne s’attache pas à la tradition par misonéisme ou par égoïsme de classe, mais parce que la tradition garantit l’identité, la cohésion, la cohérence de l’individu comme de la société, parce que sans elle, l’individu ou le groupe ne sait plus qui il est, où il va, ni même ce qu’il veut, et, privé de références, se comporte comme un bateau démâté balloté par tous les vents.

En matière d’éducation et d’enseignement, il n’est pas de saine conception « révolutionnaire » ou « réactionnaire », « de gauche » ou « de droite », « républicaine » ou « pédagogiste ». Cela, les pays anglo-saxons l’ont compris depuis longtemps, pas nous qui demeurons prisonniers de l’infernal dilemme École républicaine/pédagogisme.

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