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Indispensable science-fiction

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Indispensable science-fiction

Lorsqu’elle est contre-utopique, la science-fiction est particulièrement révélatrice des angoisses d’une époque, consacrant à l’écran ou sur papier la peur de la tyrannie. Elle s’est heureusement bien souvent trompée mais, paradoxalement, c’est son rôle.

On parle beaucoup de « prophétie auto-réalisatrice » : à force de présenter un avenir comme déterminé, il finit parfois par se réaliser, du moins en partie (par exemple, annoncer une pénurie de telle marchandise provoque une ruée sur celle-ci). Mais ce qui est prévu, anticipé, exorcisé, conjuré ne se réalise jamais exactement. C’est ce que l’on appelle une « prophétie auto-destructrice ». Marcel Proust l’avait dit de la vie humaine. Il suffirait d’imaginer avec précision un avenir déplaisant pour qu’il ne se produise pas. C’est également vrai de la destinée collective.

Le rôle utile de la SF

Depuis le début de l’ère moderne, les grandes contre-utopies, les dystopies, remplissent peut-être cette fonction, ô combien utile. Elles sont le reflet inversé du Progrès optimiste et naïf, et jouent un rôle « proustien » collectif, de maintien à distance de l’horreur, qu’elles accompagnent pas à pas, comme dans Le Meilleur des mondes d’Aldous Huxley (1931), 1984 de George Orwell (1948) ou Fahrenheit 451 de Ray Bradbury (1953). Des films comme Brazil, Minority report, ou Bienvenue à Gattaca jouent également ce rôle, en compagnie d’innombrables bandes dessinées.

Contrairement à ce que l’on dit souvent, 1984 et Le Meilleur des mondes ne se sont pas réalisés. Ils représentent deux avenirs potentiels de l’humanité, également effrayants, mais inverses et en réalité incompatibles. Le roman 1984, comme le film Brazil, nous offre un cauchemar formé de pauvreté, de privations, de tristesse, d’espionnage généralisé de la vie privée et de haine collective. Le meilleur des mondes, comme son nom l’indique, nous fait voyager dans un trop-plein de bonheur, de consommation de plaisir charnel – pour les catégories supérieures, il est vrai. Aucune société ne pourrait être à la fois l’une et l’autre de ces dystopies rivales. Or elles sont « vraies » toutes les deux, au sens où l’une et l’autre incarnent quelque chose de la modernité. L’humain est parvenu à les éviter, en les exorcisant, pourrait-on dire. Fahrenheit 451 – c’est la température exacte à laquelle un livre se consume–, avec son histoire terrifiante de pompier brûleur de livres, apporte un contrepoint utile à ces deux premiers classiques. Si les écrivains et les intellectuels ne jouent pas leur rôle dans la société d’abondance matérielle ou d’espionnage généralisé, celle-ci tuera l’humanité.

Parfois, une contre-utopie ne remplit pas son rôle. Dans Paris au XXe siècle, chef-d’œuvre posthume de Jules Verne, écrit en 1863, au début de sa carrière, Paris, mégapole vouée à l’électricité-reine, à la technologie, aux robots, tourne le dos à toute forme de culture littéraire et artistique. C’est la première science-fiction de combat moderne. Mais leur devancière du XIXe siècle ne fut pas publiée du vivant de l’auteur mais à la fin du XXe seulement . Hetzel avait refusé le manuscrit, ne voulant pas faire ombrage à l’épopée progressiste de Verne, déjà entamée, dont la suite était exigée à grands cris par une clientèle bourgeoise enthousiaste. Entre-temps, cette sombre prophétie ne s’est-elle pas réalisée ?

Des dystopies auto-destructrices

D’autres dystopies cherchent à être auto-réalisatrices et sont heureusement plutôt auto-destructrices. C’est le cas d’Atlas Shrugged, le best-seller américain d’Ayn Rand (La grève, en français ). Dans ce roman, quelques individus prédestinés, n’ayant plus d’autre Dieu qu’eux-mêmes, s’estimant exploités par la multitude, décident de « stopper le moteur de la société ». Ils se mettent « en grève », pour pousser le reste de la société à la faillite. Dites qu’une telle vision ne mènerait qu’à une jungle dominée par quelques prédateurs et qu’elle nous ferait retomber rapidement dans la barbarie, et vous serez taxé de « communisme », voire peut-être accusé d’être « frenchie », ce qui est bien pire, par les nouveaux puritains névrosés du Tea Party. Car Atlas Shrugged n’est pas une dystopie, une vision de cauchemar qui pousse à réagir. Non, c’est un idéal de vie, qui a fait fantasmer des millions d’Américains, persuadés d’être du camp des Saints, des prédestinés.

Certains récits peuvent être aussi un subtil mélange de prophéties auto-réalisatrices et auto-destructrices. Dans L’étoile mystérieuse, l’album des aventures de Tintin, le savant Calys qui avait prévu la fin du monde est furieux que la collision de la terre avec un aérolithe géant soit finalement évitée de justesse, contrairement à ses calculs. Ainsi des savants d’aujourd’hui, qui tiennent à leur scénario catastrophe, quitte parfois à noircir le tableau. Ainsi, dans l’album, le savant fou Philipulus, prophète de malheur, et néanmoins ancien scientifique, appartient à la fois à la réalité de l’histoire et au cauchemar de Tintin, conséquence d’une vraie chaleur excessive. Il existe une fausse menace, l’araignée dans le télescope, mais également une vraie, la boule de feu qui se dirige vers la terre. Celle-ci provoque finalement une vraie collision, mais d’une gravité toute relative, et, frôlant la terre, provoque la création d’une île nouvelle, recelant un métal nouveau, le calystène, qui déclenche à son tour la convoitise d’affairistes sans scrupule, comme la curiosité des scientifiques.

Cette structure en abîme du récit d’Hergé reflète la complexité du problème de l’avenir de la planète, avec ses hypothèses à tiroir, dans lesquels, nous dit-on, si l’homme prend conscience de la gravité de la situation et change d’attitude, la planète pourrait être sauvée…

Continuons à exorciser l’enfer et à rêver d’un monde meilleur. C’est ainsi que les grands auteurs nous aideront à préserver notre liberté, entre utopie et contre-utopie, afin d’échapper à tous les déterminismes historiques et à toute prédestination personnelle. Dans Minority report, le héros (pourtant joué par Tom Cruise, un très dangereux scientologue dans la vie) parvient à écarter ce dernier piège. Il démontre que la soi-disant prédestination de certains hommes au crime n’est qu’un leurre pseudo-scientifique, destiné à camoufler les vrais crimes de personnages haut placés. Grâce à Dieu, l’homme est toujours libre du bien et du mal. Il est en outre capable de mettre en scène son libre-arbitre. C’est le vrai moteur de toute vraie tragédie, de toute littérature valable, de tout grand art : de toute œuvre de « fiction » crédible, depuis toujours. Le préfixe « science- », pour l’essentiel, ne change rien à l’humaine condition.

Dernier livre paru : apocalypse du progrès, Perspectives libres, 253 p., 22 euros.

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