Recevez la lettre mensuelle de Politique Magazine

Fermer
Facebook Twitter Youtube

Article consultable sur https://politiquemagazine.fr

Guillaume de Prémare, Eric Letty : « La résistance doit être métapolitique »

Facebook Twitter Email Imprimer

PMA, GPA, théorie du genre, promesse d’immortalité… Avec Résistance au Meilleur des mondes, le journaliste éric Letty et le président d’Ichtus et ancien président de la Manif pour tous Guillaume de Prémare, en appellent à résister à l’avènement d’une utopie reposant sur un changement radical de paradigme anthropologique.

1984 et Le Meilleur des mondes sont les références les plus fréquemment utilisées pour qualifier le type de société que certains voudraient imposer. Pourquoi avoir choisi la référence à Huxley plutôt que celle à Orwell ?

Guillaume de Pémare : Il nous a semblé que la tendance actuelle était d’aller vers une forme de « despotisme mou », comme disait Tocqueville, relevant plus de « big mother » que de « big brother ». « Big mother », c’est l’univers maternant décrit par Huxley dans le Meilleur des mondes : une société eugéniste où des individus isolés sont pris en charge par une administration mondiale censée régler tous leurs problèmes, en particulier par l’intermédiaire de la science et de la technique.

Eric Letty : L’une n’exclut pas l’autre. Huxley, c’est l’état-providence qui s’occupe de tout dans les moindres détails, jusque dans l’intimité des personnes. Orwell, c’est notre société sous surveillance et sous écoute, c’est la novlangue et la pensée unique. En revanche, Huxley a pressenti le glissement progressif de la modernité vers l’utopie d’une société eugéniste engendrant un homme reconfiguré, privé de son humanité. On en voit aujourd’hui les effets dans l’idéologie transhumaniste qui travaille à faire advenir un homme nouveau, autonome, « libre » de tout lien – ce qui, précisément, est une aliénation puisque que ce qui structure l’homme ce sont les réalités concrètes de son existence. Couper l’homme de ses racines, c’est lui ôter son identité. D’où l’exaltation par les « forces de progrès » de l’individu, sans attaches, sans famille, sans filiation. Réduit à ses propres forces, entretenu dans l’illusion du bonheur, l’homme n’en sera que mieux manipulable par des forces qui le dépassent.

Quel est le fondement du Meilleur des mondes ?

G.P. : Le Meilleur des mondes est l’enfant malade de l’idéologie du progrès dont l’échec philosophique est désormais patent. Pour réaliser les promesses non tenues de bonheur et de prospérité, promises depuis le xviiie siècle, la postmodernité fait aujourd’hui appel à la technologie : grâce à la science, elle entend, ni plus ni moins, créer un homme nouveau.

Mais le propre de l’utopie n’est-il pas justement de ne jamais se réaliser ?

G.P. : Le terme « utopie » a été inventé au xve siècle par Thomas More. Il signifie « lieu qui n’existe nulle part » et relève, en effet, de la virtualité. Ce n’est donc pas tant l’avènement en lui-même de l’utopie qui nous inquiète, ce sont les moyens mis en œuvre pour y parvenir. Si nous avons voulu mettre en perspective l’évolution de nos sociétés avec l’univers imaginé dans le Meilleur des mondes, où l’homme est créé et conditionné en laboratoire, où famille et mariage n’existent plus, où la maternité est proscrite, c’est aussi parce que l’on sait aujourd’hui qu’Huxley n’a pas seulement écrit une œuvre de science-fiction mais qu’il a voulu montrer quelle pourrait être l’influence de la technologie sur l’esprit et la chair de l’être humain.

E.L. : Notre livre est une mise en garde contre cette utopie promue par des institutions internationales et toutes sortes de lobbies de « déconstruction » et de puissances d’argent aveugles. Une utopie, certes, souriante, qui promet bonheur, liberté et même immortalité, mais une utopie qui est un changement radical de paradigme anthropologique.

G.P. : Par la science et la technique, elle est au fondement même du transhumanisme mais elle imprègne également, par exemple, les théories du soft power, ou « puissance douce », cette façon d’influencer indirectement les comportements à travers des moyens non coercitifs comme la culture ou les idées. On parle également beaucoup du care qui est une éthique totalement individualisée, fondée sur aucune norme objective. Ces conceptions sont aujourd’hui celles de l’oligarchie dominante.

E.L. : Au cœur de ce processus, il y a la fin programmée des nations et la destruction de la famille car ce sont les deux obstacles majeurs à l’avènement de la société postmoderne qui vise à laisser l’individu seul face à l’État mondial, à la technique et au marché. Est-ce un hasard si les plus grandes firmes soutiennent les lobbies LGBT et les idéologies de déconstruction des mœurs et de la famille ?

Quel peut être la part du politique dans la « résistance », que vous appelez de vos vœux, à ce « meilleur des mondes » ?

G.P. : En perdant sa capacité d’agir, la chose publique est tombée en faillite. Nos hommes politiques passent leur temps à expliquer qu’ils n’ont pas le choix, qu’ils ne peuvent pas faire autrement, etc…. L’état, quant à lui, ne joue plus son rôle politique qui est de protéger et de favoriser les libertés individuelles même si, paradoxalement, il est omniprésent là où il ne devrait pas être. La résistance ne peut donc être que métapolitique, c’est-à-dire transpartisane : la Manif pour tous en a constitué une manifestation éclatante. Il s’agit maintenant d’en faire éclore les fruits en bâtissant des solidarités nouvelles. L’engagement local me semble, par exemple, le niveau d’action le plus efficace pour affirmer les valeurs de liberté et de responsabilité. Il y a également une résistance de nature existentielle qui passe par la famille, premier et ultime lieu de résistance au meilleur des mondes. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle il lui réserve tant de coups.

E.L. : Le meilleur des mondes est en lui-même un programme politique qui s’applique depuis les instances internationales et supra-nationales. Une des manières d’y résister serait de réintroduire de la politique à l’échelon national et, donc, de restaurer la souveraineté car la nation demeure le degré raisonnable d’organisation d’une société. Il s’agit également de s’arc-bouter sur tous les substrats dans lesquels l’homme s’enracine que sont la famille et les corps intermédiaires. Mais la politique partisane et les petites soupes politiciennes qui nous mènent tout droit au meilleur des mondes… Oublions-les !

Résistance au Meilleur des mondes, éd. Pierre-Guillaume de Roux, 213 p., 19 euros.

Facebook Twitter Email Imprimer

Abonnez-vous Abonnement Faire un don

Articles liés