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François Hollande, la rose ou l’épine

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François Hollande, la rose ou l’épine

Jamais le système politique français n’a paru plus extravagant que dans ces temps d’échéances électorales. François Hollande peint l’avenir au couleur de sa rose, mais ce qui s’annonce, c’est un paquet d’épines.

François Hollande s’est déclaré à la nation française : il veut l’épouser. Il l’a dit solennellement au Bourget, le dimanche 22 janvier, devant  un parterre socialiste savamment rassemblé. Il a affirmé vigoureusement qu’il se montrerait apte à remplir sa fonction. Il a décliné son pédigree ; il a affiché son passé ; il a su convaincre qu’en dépit de l’envie, dans la conduite de sa vie, se lisait clairement la ligne de son destin  : oui, son destin ! Maintenant quel doute serait permis ? Depuis l’origine, c’était prévu. Est-il besoin de préciser que ce qui était  prévu, c’était que François Hollande était prévu ? Exactement comme naguère apparut François Mitterrand, cette figure exemplaire, à jamais tutélaire, dont il recueille aujourd’hui l’esprit, emprunte l’itinéraire, imite les formules et jusqu’aux gestes et jusqu’à la voix. Il en a les accents épiques qui étonnent le monde et qui cependant détonnent dans cette bouche aux nonchalances bourgeoises qu’on croyait plus  habituée aux bons restaurants et aux bons mots des discours de compromis. Après tant de mois de luttes fraternelles, c’est acquis : François  Hollande qui était pris pour un benêt diplômé, un mou sans envergure, est l’homme que les circonstances imposent, que la République  veut, qui va s’unir à elle. C’est une révélation: le mot a été employé.

LA GAUCHE ÉTERNELLE

Son éloquence en a gagné une violence virile qui effarouche et enthousiasme, le but recherché ! Comme Mitterrand. Il se dresse face à  l’histoire dans une posture à la fois protectrice et vengeresse. Comme Mitterrand. Il invective ce qu’il dénonce comme son seul ennemi  personnel, la finance, l’argent, « le gros argent ». Sa véhémence alors touche à cette indignation presque sincère où excellait le vieux  Mitterrand. Les compagnons et anciens concurrents interloqués en sont venus, au pied du tréteau, à se regarder : l’art du disciple  l’égalerait-il au maître ? Lui qui a toujours vécu à son aise et sans scrupule en se pliant d’instinct à toutes les roublardises du politicien, et  qui par principe ne connaît pas de principes puisqu’il s’est plu à transgresser les mœurs bourgeoises, se hausse ainsi par la parole jusqu’à  cette vertu rhétorique qui a toujours fait le succès des agitateurs d’opinion. Lui aussi, toujours comme Mitterrand et comme tant d’autres  hiérarques du socialisme à la française, il vient d’une bonne famille où lui ont été inculqués et le souci de la vérité et les règles de l’honnêteté. Un aiguillon intime l’a poussé à la rupture. Ce fut avec détermination qu’il a résolu de se façonner une personnalité de gauche.  Il l’a confessé au Bourget : il l’a fait contre son père. Comme d’autres, bien connus, de tout ce petit monde des hauts dignitaires socialistes.  Qui ne compâtirait ? Ce n’est ni la faim, ni la soif, ni la misère, ni la vue du dénuement, ni le dévouement aux misérables, ni la dureté de la  vie, ni le besoin d’amour et de solidarité qui l’ont rendu socialiste. Non, c’est l’épreuve d’une conviction personnelle qui a su très vite repérer que la voie socialiste était celle de sa réussite politique et qui s’est heurtée – avec quel courage – à la tradition de ses pères ! Douloureuse  épreuve et qui mérite sa récompense. Des journalistes émus ont su noter qu’il a évoqué cette souffrance avec pudeur et discrétion. Comment ne pas être sous le charme d’une telle vergogne qui interdit le moindre sourire ? Il n’est pas douteux que, de telles épreuves, ne peuvent  sortir que des personnalités trempées.

LE PROJET

Aussi l’homme adhère-t-il au « projet ». Il ne fait qu’un avec lui. Le « projet » ! Répété à l’infini, ce mot est sacré. Voici qu’il l’endosse  comme un ornement sacerdotal ! Oui, « le projet » investit toute sa personne et l’élève à une dignité inviolable. Cependant il a précisé à  l’entourage que ce « projet » était sien, même, bien sûr, et pourtant autre que le « projet » confectionné par le parti et les partisans. L’ambivalence du propos embrasse toutes les nuances du programme, de la rigueur la plus nette au laxisme le plus coulant. La conception  générale, d’une générosité débordante, englobe tout le système qu’il ne s’agit que de régénérer, ce bon vieux système républicain qu’il a appris à aimer lors de son ambitieuse jeunesse, mis à mal aujourd’hui non par l’usure du temps, ni par la vieillerie de ses rouages trop  compliqués, ni par la tempête actuelle qui secoue sa carcasse démantibulée, mais uniquement, exclusivement – il le répète – par les  agissements irresponsables et criminels du président en exercice. Aussi se fait-il fort de le remettre en état et en marche, de lui redonner brillant et dynamisme. Il a certifié avec ce sourire qui lui est si caractéristique et qui se veut finaud, que ce serait tâche facile. Il résoudra  tous les problèmes existants ; mieux encore : il les résoudra sans problème. Dans cette aisance se reconnaît cette force tranquille qui  revendique « la normalité » et devant laquelle toutes les difficultés s’aplanissent. Il y a du prophétisme dans pareille assurance : égaliser les chemins, tous les chemins, c’est bien ce à quoi appelle cette voix qui crie son message de salut. Et aussitôt qui ne sent que le désert va fleurir ? Aucun roman d’anticipation n’a fait rêver pour la société à venir d’une plus parfaite platitude : tout sera raboté ; pas le moindre monticule sera épargné. Le nouveau messie peut passer. Cette égalité universelle à laquelle la France et l’Europe et le monde sont appelés par la voix exigeante de l’homme qui a su s’identifier à cette suprême loi morale, est devenue la norme absolue qui uniformise et harmonise toutes ses fameuses propositions aussi longues que larges : les deux barres du signe « égal » deviennent son logo de campagne. Il a même décidé, d’avance, de rabaisser sa rémunération de président. Qui fait mieux ?

L’AVENIR EN ROSE

Aucun obstacle ne saurait résister à pareille détermination. C’est déjà tout vu, tout dit, tout chiffré. La crise de la dette sera résorbée en cinq  ans, calcul à l’appui. Toute la question de l’Éducation nationale sera traitée d’un seul coup en y mettant les moyens et les emplois qu’il faut et sans coûter un sou de plus. Il n’y aura plus de problème de logement : l’offre sera multipliée, les prix encadrés, les mairies des « riches » contraintes à bâtir sous peine d’amendes. Travail, chômage, tout sera réglé par de nouvelles lois qui donneront au code du travail ce poids supplémentaire qui lui permettra d’écraser définitivement les problèmes sociaux. La Sécurité sociale trouvera naturellement les recettes suffisantes pour que ses avantages soient garantis indéfiniment et étendus, même au-delà de nos frontières, le modèle français ayant une vocation à l’universalité. Mais en même temps les PME seront soutenues : des fonds seront créés à cet effet. L’immigration sera conçue comme le régime normal d’accès à la citoyenneté, ce qui enlèvera tout prétexte de se manifester aux émeutiers et aux incendiaires. Il est certes reconnu que les chefs socialistes qui n’ont pas le privilège de vivre dans les zones de non-droit et de goûter les plaisirs raffinés qui s’y pratiquent, n’ont pas su évaluer l’importance de la sécurité pour « les petites gens ». Pour eux, par condescendance, il est admis que la sécurité doit aussi avoir la séduction d’une certaine rigueur. Cette audace du candidat n’a pas manqué d’être saluée. 150 000 emplois-jeunes viendront dynamiser les zones de pauvreté. L’argent sera pris sur les familles françaises qui sont toutes soupçonnées à fort juste titre d’être riches. Impôts, taxes, prix des services, tout sera établi au prorata des revenus et des patrimoines qui seront par conséquent constamment vérifiés, inspectés, contrôlés, pesés. Nicolas Sarkozy ayant disparu et François Hollande étant au gouvernail, la croissance sera immédiatement au rendez-vous. Evidence incontestable et qu’il n’est pas besoin de démontrer. L’Europe subjuguée se convertira aux recettes hollandaises ; les traités seront révisés pour enregistrer ces merveilleuses trouvailles dans une unanimité telle que les sommets ne seront plus que de convention. L’Amérique, la Chine, les pays émergents dont le masochisme est bien connu, se mettront avidement à l’école du nouveau président de la République française qui les flagellera de ses règles dont le nombre incalculable les fera gémir de volupté. Les islamistes n’auront pour la France que des sourires : ils n’auront plus à conquérir ce qui leur sera gracieusement offert. Par anticipation, l’islam sera reconnu comme la religion majoritaire en France. Il n’y aura donc plus de terrorisme et de guerre. La France retirera ses troupes d’à peu près partout et le budget de la Défense, déplacé vers l’Éducation nationale, ne sera maintenu que pour le minimum du défilé du 14 juillet. Les réformes sociétales, dans une conception hardie de l’écologie, favoriseront tout ce qui est contre nature, et comme il convient, au nom d’une implacable liberté, interdiront non seulement d’encourager mais même de penser le contraire !

L’ÉPINE

Toute la presse soutenue, payée par « le gros argent » de gauche – inutile de donner les noms – et pour qui curieusement Hollande n’éprouve que de la sympathie, fera campagne pour lui ouvertement. À l’heure actuelle, sauf, renversement de tendances, c’est le candidat qui est donné vainqueur. Mélenchon, malgré ses coups de gueule, lui donnera ses voix, quitte à les monnayer pour les législatives. Dans cette hypothèse, la France se retrouvera intégralement à gauche, de haut en bas, alors qu’elle n’est pas de gauche ; elle l’est artificiellement, les vrais politologues le savent bien. Nicolas Sarkozy, dimanche soir 29 janvier, après que ces lignes seront écrites, expliquera les réformes qu’il propose pour essayer de sortir de la crise mais dont les effets ne pourraient que s’étaler dans le temps. Et le temps lui manque ! Et son bilan, c’est ainsi en France, ne plaidera pas pour lui. Il est mal pris dans une mécanique institutionnelle qui le broie : plus il en fera pour se montrer actif jusqu’au dernier moment, plus l’opinion le critiquera, et s’il n’en fait pas assez – et cette même opinion jugera que, vu les circonstances, il n’en fait pas assez ! – il sera tenu pour responsable de tous les échecs. À quoi s’ajoute l’écrasement impitoyable d’un étau électoral : François Bayrou qui joue maintenant le patriote, lui rafle le centre droit, avec des airs de juge et de maître, et Marine Le Pen ramasse à pleines pelletées un électorat populaire qui n’en peut plus d’une situation dont la classe politique est considérée comme responsable. Que peut-il sortir d’un pareil imbroglio, alors que l’affaire grecque pourrit la finance européenne, que malgré les 400 milliards avancés par la BCE aux banques, en attendant l’équivalent bientôt, ni le problème portugais, ni le problème italien, ni le problème espagnol ne sont réglés, loin s’en faut ? Quant à la France, elle a beau protester contre les dégradations de ses finances et de ses institutions financières, elle est dans une situation qui la livre au bon vouloir allemand, lui-même, malgré les apparences, fort fragile. Les élections présidentielles et législatives ne résoudront rien. S’il est une solution, elle est ailleurs. C’est d’abord d’une autre conception politique que la France a besoin. À quand un État qui soit capable de dominer les évènements ?

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