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De la pénalisation des idées

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De la pénalisation des idées

Pour son dernier essai, c’est une véritable bombe que lance le fin analyste des idées politiques Philippe Nemo. Longtemps happé par ses recherches historiques sur l’Europe et le monde, l’auteur s’attache depuis quelques années au cas de son propre pays. Son diagnostic détonne.

On savait que la vigueur du débat intellectuel dans la France contemporaine n’avait rien de semblable avec ce qu’on pouvait observer au XIXe siècle ou dans la première moitié du XXe. Ce qu’on sait moins, c’est que plusieurs lois votées ces quarante dernières années sont l’une des causes directes de ce que Philippe Nemo appelle ni plus ni moins une «régression intellectuelle de la France» (titre de son ouvrage). Le grand historien des idées politiques affirme que le changement récent du code législatif pénalise tout simplement des pans entiers de la liberté d’expression, et qu’il attente gravement à la loi sur la liberté de la presse de 1881.

Exagéré ? Pris un par un, les faits avancés par l’auteur semblent difficilement contestables.

Premier changement législatif mis en avant par l’auteur, la loi Pleven de 1972. Elle introduisait ainsi des poursuites potentielles pour «provocation à la haine» (raciale ou nationale), provoquant une rupture avec le droit classique. «La haine, en effet, est un sentiment, ce n’est pas un acte, elle n’a pas d’effets extérieurs visibles. Elle ne peut donc être, par elle seule, un délit». Or, «les sentiments intimes ont été placés hors de portée du droit pénal depuis le XIIe siècle», précise l’auteur.

Autre changement du code législatif, celui des lois mémorielles (Gayssot en 1990, Taubira en 2001…). Elles rétablissent ce qu’il faut bien appeler un délit d’opinion en punissant jusqu’à la prison quiconque conteste la version légale d’évènements historiques définis comme des crimes contre l’humanité. Ces lois n’ont-elles pas provoqué la colère de grands historiens, qui s’insurgent de ce que l’Etat tranche le vrai du faux en matière historique ? (voir la pétition du collectif Liberté pour l’histoire, consultable sur le net).

L’idée avancée par Philippe Nemo n’est ici pas historique, mais sociétale : un Etat d’un pays démocratique et libéral peut-il criminaliser de simples propos, voire des sentiments intimes ? La violence tout comme l’incitation à la violence (qui flirte déjà avec la ligne rouge en matière de droit) ou la diffamation publique (laquelle s’apparente à un mensonge) font déjà partie du code législatif depuis fort longtemps. Les innovations juridiques citées plus haut visent autre chose.

Pour l’historien des idées politiques, ces lois «rompent avec la tradition d’un droit pénal objectif jugeant à propos d’actes et de faits objectifs et s’immiscent dans la sphère des idées où le droit n’a que faire». En outre, la loi Pleven autorise le déclenchement de l’action judiciaire non plus seulement par la victime ou le ministère public mais par des tiers (associations). C’était une rupture par rapport à des principes remontant au droit romain».

Cependant, depuis 1993, l’Etat ne se contente pas d’intervenir seulement dans l’Agora, «cet espace qui se définit par le fait que toutes les informations qui y circulent deviennent publiques, c’est-à-dire non pas seulement connues de tous, mais telles que tout le monde sait que tout le monde les connaît».

Il y a dix-neuf ans, il initia le nouveau code pénal, qui par l’article R. 625-7 créa les infractions de diffamation et de provocation à la discrimination non-publique. Où se trouve la nouveauté juridique? Dans le caractère «non-publique» des propos tenus et susceptibles d’être porté au pénal. Dit autrement, l’Etat s’arroge le droit d’intervenir dans le contenu même des conversations privées.

Dans son essai, Philippe Nemo juge ces lois néfastes pour deux raisons. La première réside dans un détournement du droit (voir plus haut). La seconde est qu’elles créent selon lui une profonde insécurité juridique. Ainsi, ces lois «imposent aux juges une mission de discernement idéologique parfaitement étrangère à leur vocation et à leur formation». On leur demande en effet «d’estimer la potentialité de nuisance sociale des propos incriminés, comme si ces propos pouvaient être par eux-mêmes la cause du mal ». Pas de faits avérés, de simples propos à interpréter : ce verdict procède alors des convictions profondes du juge, ce qui dissout l’idéal d’impartialité de la loi.

En conclusion de cet essai très incisif, Philippe Nemo s’interroge sur le sens profond d’un tel changement juridique.

Il perçoit en premier lieu un caractère crypto-religieux : «on n’oppose pas d’autres faits ou d’autres arguments, mais une fin de non-recevoir». Sans arrière-pensée, il établit une analyse comparative entre le nouveau code pénal et le tribunal d’Inquisition mis en place il y a quelques siècles. Il y voit un point commun: la peur de laisser des membres de la communauté s’exprimer ou même couver en leur cœur des idées hérétiques pour ne pas exposer ladite communauté à un danger inconnu.

Pour l’époque qui nous concerne, ne pourrions-nous pas trouver racine de ces lois dans un traumatisme, les deux guerres mondiales et la destruction de l’Europe qui y est associée ?

Pour autant, Philippe Nemo pense qu’il y a une autre raison à ce remaniement inédit de la législation. Quelque chose comme une volonté de changer les mentalités. S’exprimer, c’est penser. L’interdire, c’est étouffer les idées et la capacité d’analyse. «Or les problèmes, en tous domaines, ne peuvent être réglés s’ils ne sont d’abord posés».

La régression intellectuelle de la France, de Philippe Nemo – Ed. Texquis (16 euros)

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