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2025 : LA BOÎTE A SURPRISES !
La remise en cause mondiale des “équilibres” est la seule certitude. L’élection de D. Trump accélère une recomposition générale aux dynamiques complexes et aux possibilités largement ouvertes.
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Il y a 25 ans, le 26 mars 2000, Vladimir V. Poutine est élu président de la Fédération de Russie dès le premier tour de l’élection présidentielle anticipée, avec 52,94 % des suffrages contre 29,21 % pour le communiste Guennadi Ziouganov et 5,80 % pour Grigori Iavlinski du parti Iabloko (centre gauche). Vladimir Jirinovsky, l’ultra-nationaliste du PLDR, n’obtient que 2,72 %. Le jour de l’an précédent, à la surprise quasi générale, Boris Eltsine, épuisé par des bien des excès, avait annoncé sa démission. L’homme qui fit tomber Gorbatchev et mit fin à l’Union soviétique ouvrait ainsi la voie à son successeur désigné, dont une des missions est d’assurer l’impunité du président sortant empêtré dans des scandales financiers.
À 47 ans, Vladimir Poutine est un quasi inconnu tant son ascension fut rapide. Diplômé en droit de l’université de Léningrad, ville dont il est originaire, l’homme fait carrière dans les services extérieurs du KGB. Germanophone, il est en poste en RDA quand éclatent les mouvements qui conduisent à la disparition de l’Allemagne de l’Est. De retour dans sa ville, il entre à la municipalité, dirigée par le sémillant Anatoly Sobtchak, comme responsable des relations internationales.
À cette date, la Russie nouvelle est plongée dans une crise d’une ampleur inédite. La sortie du communisme, si elle ne tourne pas au carnage comme en Yougoslavie, est particulièrement rude. L’espérance de vie s’effondre (jusqu’à 58 ans pour les hommes en 1995), l’inflation est à quatre chiffres (le jeton de métro passe de 5 kopecks à 100 roubles en trois ans, soit 2000 fois plus), on meurt de faim (mais oui) dans les rues des grandes villes, le crime est partout, une partie de la population fuit le pays. Ce qui reste de l’industrie soviétique et des terres agricoles tombent aux mains d’oligarques, véritables chefs mafieux. À Moscou, il y a plus de « banques » que de pharmacies. La prédation, au profit des Berezovski, Khodorkovski et autres Fridman, est considérable et l’Occident trouve son compte dans ce gigantesque trafic de ressources. Le pillage est à l’ordre du jour.
L’ère Eltsine a permis la fameuse « transition démocratique » (le mot est à la mode) dans ce chaos. Mais à quel prix ! Le libéralisme, dans une société qui n’a jamais connu la propriété privée, est un remède dangereux. En 1998, une crise financière violente secoue le pays. À la périphérie, la guerre de Tchétchénie s’enlise. Le président du conseil, Primakov, ancien chef du KGB, qui avait réussi à stabiliser les institutions et à trouver des compromis politiques, est contraint à la démission. En août 2000, le jeune Poutine, récent chef de l’administration présidentielle (1998), semble l’homme idoine pour présider le gouvernement et préparer les élections législatives de décembre 1999. À Léningrad, redevenue Saint-Pétersbourg, il a remporté bien des succès politiques sous l’administration Sobtchak. Les législatives sont gagnées et sauvent la mise à Eltsine, d’autant que les opposants comme Primakov rejoignent Poutine. Eltsine a donc pris de vitesse toute la classe politique, les gouverneurs des régions fédérées et les oligarques en plaçant son dauphin sur orbite.
Dès son élection, le nouveau président va vite, très vite. Intelligent, cultivé, tenace, et surtout bien informé, il s’est rapidement attelé à la tâche. En quelques mois il présente un plan économique libéral inspiré par son conseiller, German Gref, apprécié des milieux financiers internationaux, qui permet de stabiliser les finances du pays ; il parvient à faire adopter par le Parlement une ambitieuse réforme fiscale que Boris Eltsine n’avait jamais réussi à imposer. Surtout Poutine entreprend une mise au pas des gouverneurs qui dirigeaient leur région comme un fief privé. Ses principaux rivaux sont éclipsés ou disparaissent brutalement comme le général Lebed et bien d’autres. En Tchétchénie, la guerre atteint son paroxysme en 2000, et le conflit perdure jusqu’à l’installation du dictateur Kadyrov. Mais la stabilisation est en marche. Les nouveaux mots d’ordre sont : « la dictature de la loi » et « le rétablissement de la verticale du pouvoir », à bon entendeur…
Sous le regard de Pierre le Grand, un portrait de l’empereur qu’il a fait accrocher dans son bureau, le nouveau président s’attelle à une redéfinition de la politique étrangère russe. Le principe de « l’étranger proche » est posé. La Russie veut un lien privilégié avec les pays de l’ex-URSS dont la CEI était le pâle successeur. À l’égard de l’Occident, la prudence est de mise, surtout après le bombardement de Belgrade et le redécoupage des frontières au Kosovo par l’OTAN. Une méfiance s’installe. La déclaration de Munich en 2007 fait tomber les masques, Poutine annonce le retour de la puissance russe.