Le Liban a un nouveau président de la République depuis le 9 janvier 2025. Joseph Aoun, entré à l’académie militaire libanaise en pleine guerre civile, a gravi tous les échelons de l’institution dans laquelle nombre de ses compatriotes ont placé leurs derniers espoirs.
Réputé pour sa probité et sa capacité à entretenir des relations diplomatiques cordiales, le jeune sexagénaire a reçu 99 voix sur 128 lors d’un vote du Parlement. Son nom circulait depuis des mois parmi les spécialistes du pays du Cèdre, alternant entre le statut de favori et de premier déçu. Alors qu’il n’était initialement pas le candidat de la France, Joseph Aoun a fini par réunir un très fort soutien international, l’Arabie Saoudite et les États-Unis intensifiant leurs pressions pour que l’exécutif libanais ne soit plus vacant. L’élection de Joseph Aoun a indéniablement provoqué une vague d’espoir chez de nombreux Libanais, notamment chrétiens, qui espèrent que sa réputation de haute tenue se confirmera en face des défis éminents que l’hôte du palais de Baabda devra affronter.
Sur le front militaire, Joseph Aoun fait déjà face à l’épineuse question du respect de l’accord de cessez-le-feu par Israël. Signé le 27 novembre 2024, il donnait jusqu’au 26 janvier aux forces de Tsahal pour évacuer le Liban. Il a finalement été prolongé au moins jusqu’au 18 février. Cette situation constitue déjà un rapport de force délicat pour le président de la République : il doit faire respecter l’intégrité territoriale et la souveraineté du Liban, et face à son voisin du Sud, et face aux forces qui voudraient faire la preuve de leur résilience en réinvestissant bruyamment les zones aujourd’hui occupées. Comme tous les présidents libanais, Joseph Aoun se trouve donc sur une ligne de crête infiniment éprouvante, face à deux ennemis jurés qui pourraient à tout moment faire le choix d’anéantir par les faits son autorité.
Un très fort soutien international
Pour le moment, le président de la République semble opérer avec une dextérité que nul ne lui conteste réellement. Cette tension n’est cependant pas propice à l’avancement apaisé de l’autre dossier essentiel du président libanais : la composition du prochain gouvernement. Si le premier ministre sunnite est déjà connu puisque Nawaf Salam, diplomate et ancien président de la Cour Internationale de Justice de Le Haye, a été nommé le 14 janvier, les groupes politiques représentés au parlement libanais doivent désormais s’entendre pour former un gouvernement obéissant aux savants équilibres confessionnels et politiques du pays, le tout, évidemment, au milieu des aimables sollicitations des partenaires internationaux du Liban qui ne manquent pas de pousser leurs poulains.
Cette équipe gouvernementale aura-t-elle suffisamment d’assise politique et de cohérence interne pour mener le redressement politique et économique que réclament les Libanais ? C’est certainement le doute principal qui peut miner l’espoir des observateurs. En effet, face à un pays envahi par les réfugiés syriens, où un national sur trois vit dans la pauvreté d’après l’ONU, et au milieu d’un voisinage aux intentions encore largement incertaines, les serviteurs de l’État auront bien des chantiers à entamer.
Alors que le coût de la reconstruction des zones frappées par Israël frôle les 10 milliards d’euros, le gouvernement n’aura pas le droit à l’échec s’il ne veut pas voir des acteurs non étatiques le suppléer pour le supplanter. C’est un message que les aimables conseillers du Liban devraient entendre : ils ont misé sur le nouveau président Joseph Aoun et sur un nouveau gouvernement, ils doivent désormais tout faire pour faciliter la reconstruction du pays. Il n’y a pas de grands conseils sans grands devoirs.