Bernard Aloivine (BA) ‒ Bonjour Alison Klayman ! Le 25 septembre sort sur les écrans français « Steve Bannon – Le grand manipulateur ». Ce portrait vivant de l’ancien conseiller de Donald Trump a pour productrice Marie-Thérèse Guirguis et pour réalisatrice vous-même. Quel était son but ? Quel était le vôtre ?
Alison Klayman (AK) ‒ Marie-Thérèse (Guirguis) connaissait Steve Bannon avant son entrée en politique. Il a acheté l’entreprise de commercialisation de films d’art et d’essai où elle travaillait au début des années 2000. À cette époque, il cherchait à devenir un magnat des médias à Hollywood. Or il est devenu de plus en plus extrémiste, soutenant le mouvement Tea Party puis Sarah Palin. Ils ont fini par ne plus se parler. Quand il a rejoint la campagne de (Donald) Trump en août 2016, elle était si horrifiée qu’elle a repris contact avec lui. Je sais qu’elle lui a envoyé un courriel ou une lettre excédée dans laquelle elle lui disait qu’il l’avait beaucoup déçue, qu’il ne devait pas faire cela, que c’était une honte, qu’il pouvait aller au diable, etc. » Elle a fini par apprendre que je réalisais des documentaires. « Plutôt que de lui crier moi-même dessus quand je suis mécontente, pourquoi ne pas faire un film qui montrerait aux gens à qui ils ont vraiment affaire et à quoi ils font face quand ils veulent répliquer ? » Aujourd’hui encore, les médias disent que Bannon est raciste, qu’il est dangereux, mais aussi qu’il est brillant. N’est-ce pas ? Ils le présentent comme le cerveau de Trump, une sorte de Darth Vador, et toutes ces représentations le servent au bout du compte ! Il est plus assommant dans la réalité, moins impressionnant, vous comprenez ? Son image médiatique le sert davantage que la réalité.
BA ‒ Vous avez beaucoup travaillé puisque vous l’avez suivi pendant 13 mois. Étiez-vous libre de filmer et garder toutes les scènes ?
AK ‒ Je travaille de la même façon pour tous mes documentaires. J’ai dû établir son emploi du temps, déterminer si les personnes avec qui il avait rendez-vous me laisseraient filmer. En plus d’une année, il y a eu des mois où je tournais presque tous les jours, d’autres où c’était beaucoup moins. C’est comme pister quelqu’un. Et quand on est quelqu’un de passablement égocentrique, je crois qu’on est habitué à se dire : « Bien sûr qu’une caméra veut me suivre. Vous savez, je suis quelqu’un d’important. Il y a toujours quelqu’un qui veut me filmer ! » Je crois vraiment que son égo a été sa plus grande faille dans tout cela. C’est grâce à son égo que j’ai pu le filmer et assister à certaines scènes.
BA ‒ Vous lui parlez parfois. Quand vous êtes furieuse ? ou fatiguée ? quand ce que vous entendez ou voyez est trop révoltant ?
AK ‒ À de nombreuses reprises quand je parle, pour être honnête, je ne suis pas émue, mais je dois dire quelque chose. Par exemple, quand après la réunion avec les membres du Rassemblement national, je lui demande ce que je viens de voir, j’ai vraiment l’impression d’avoir assisté à une consultation financière donnée par Goldman Sachs à une entreprise soucieuse d’améliorer sa situation financière. Et je voulais voir s’il était d’accord. Et savoir si je pouvais l’utiliser dans le film. J’ai donc demandé : « Qu’est-ce que je viens de voir ? On dirait bien que cette réunion ressemble beaucoup à ce que vous avez pu faire chez Goldman Sachs ! Vous ne trouvez pas ? » Et il a répondu « tout à fait ! Vous savez, c’est le même discours. »
BA ‒ Lors de cette réunion avec le Rassemblement national, Bannon parle de leur donner deux millions d’euros. Est-ce un don, un prêt, un service de courtage ?
AK ‒ Il essayait de déterminer le montant de leurs dépenses mensuelles. C’est tout ce que je sais. Je n’ai pas pu obtenir beaucoup de détails après qu’il a commencé à donner des montants. Leur problème était de voir leurs avoirs gelés par la France et par l’Union européenne.
BA ‒ Le Rassemblement national a été condamné en juin 2018 à une saisie de deux millions d’euros sur ses subventions électorales, saisie réduite à un million d’euros en septembre 2018.
AK ‒ Exact. Le budget du parti était gelé à ce moment-là. Ils avaient des emprunts en Russie, ils avaient des dépenses, ils devaient arranger ça. Et ils ont mis un terme à leurs engagements financiers (avec les Russes) parce que Bannon s’employait à les aider. Je ne sais pas s’il les a soutenus ou s’il leur a trouvé d’autres sources de financement. Mais à la fin de la réunion, quand ils me font revenir, il dit « Vous savez quoi ? Reparlons-en dans quelques jours. Je vais passer des coups de fil. Mes contacts sont à Jackson Hole en ce moment. » Cela me conduit à penser qu’il parlait de gens très fortunés, c’est là que vont les gens très fortunés. Que Bannon ait trouvé de nouvelles sources de financement pour le Front national ou qu’il l’ait aidé à régler ses problèmes, le fait est qu’il est un grand propagandiste doué d’un réel sens politique et stratégique, mais il a aussi été banquier d’affaires pendant des années et il sait gérer l’argent.
BA ‒ Vous filmez en fait à deux reprises Jérôme Rivière et Louis Aliot, du Rassemblement national. Ils ont l’air très mal à l’aise. Était-ce un piège de la part de Bannon ?
AK ‒ Habituellement, quand j’entrais dans une pièce, soit la question était posée aux personnes présentes avant mon arrivée, soit (comme je crois que c’est le cas ici), j’entrais en disant « Bonjour, je suis réalisatrice indépendante, je tourne un film sur Bannon ». Et ils me répondaient « Bien ! Vous pouvez filmer. » Bannon ajoutait souvent « Il faut que vous soyez dans le film ! » Ça jouait sans doute en ma faveur en contribuant à mettre les gens à l’aise. Mais vous savez, dès qu’ils en venaient à quelque chose de sensible, vous avez vu que Bannon ne disait pas « Attendez un instant, Alison va nous laisser ! ». Les autres avaient l’air de se demander s’ils pouvaient poursuivre devant moi. Si l’on me dit de ne pas filmer, je ne filme pas. Je ne suis pas là pour jouer de vilains tour à quiconque.
BA ‒ Vous avez tout de même pu filmer beaucoup de choses ! Avant la réunion avec les membres du Front national, il y a une rencontre entre Steve Bannon et Nigel Farage. Qu’avez-vous observé ? Est-ce Nigel Farage qui a présenté Steve Bannon aux autres dirigeants politiques d’Europe ? à Mischael Modrikamen et Filip Dewinter, de Belgique ? à Jérôme Rivière, de France ? à Matteo Salvini, d’Italie ? Quel Européen a-t-il rencontré en premier ? Était-ce Nigel Farage ?
AK ‒ C’est une très bonne question. Chacune de ces rencontres a un intermédiaire différent. Je crois que Bannon a fait la connaissance de Mischael Modrikamen par l’entremise de Nigel Farage. Je crois que Farage le connaissait parce qu’à Bruxelles il avait appris que Modrikamen avait créé cette fondation appelée « Le Mouvement ». Par ailleurs, Modrikamen a écrit à Bannon. Peu de temps après la prise de fonctions de Trump, il a écrit à Bannon que Trump l’inspirait. Et il a retenu ce nom, « Le Mouvement », en référence à un discours de Trump. Modrikamen a donc écrit à Bannon lorsqu’il était encore à la Maison-Blanche. Il ne lui a jamais répondu. Mais après son départ, il a pris contact avec lui. Il semble que Farage connaissait Aliot et Rivière avant que Bannon ne les rencontre, mais j’ignore s’il les a mis en relation. Je n’en sais rien. Beaucoup de personnes que j’ai filmées à ce dîner ‒ Raheem Kassam, Jérôme Rivière, Filip Dewinter ‒, avaient pris part à une manifestation londonienne appelant à la libération de Tommy Robinson. Kassam en était l’organisateur. C’était donc ses relations. Je sais que Kassam connaissait les autres convives venus pour la manifestation et c’est pour cela qu’ils ont vu Bannon, certains pour la première fois. Pour ce qui est de (Marion) Le Pen (i. e. Maréchal), je n’ai aucune certitude ; ce pourrait être Kassam ou Farage ou quelqu’un d’autre. Kassam est affilié à l’Institut des sciences sociales, économiques et politique (ISSEP) fondé par Marion Le Pen. Tout ce que je sais, c’est que lorsque j’ai fait leur connaissance Raheem Kassam a assisté à la réunion et leur a manifesté de la sympathie. Et qu’il est affilié à Marion. Je n’ai donc rien de tangible sur les circonstances de la première rencontre entre Bannon et le Front national, mais la présence de Kassam lors de cette réunion et les liens entre Kassam et Marion me font penser que la connexion se fit ainsi.
BA ‒ Bannon progresse donc pas à pas, rencontrant telle personne qui le présente à telle autre…
AK ‒ Parfois ces partis cherchent à atteindre Bannon parce qu’à mon avis ça leur donne du cachet. Ils ne peuvent pas atteindre Trump, d’accord, mais ils peuvent toucher Bannon.
BA ‒ Évidemment tout cela est dû à la victoire de Donald Trump ?
AK ‒ Bannon n’était pas quelqu’un d’important avant qu’il ne rejoigne la campagne de Trump.
BA ‒ Pas même aux États-Unis ?
AK ‒ Non, personne n’avait jamais entendu parler de lui… Évidemment, certains avaient fait sa connaissance dans le cadre de leur vie professionnelle. Mais ce n’était, ni une personnalité importante de Hollywood, ni une personnalité importante de Goldman Sachs. Il faisait des trucs pour Breitbart, mais pour être honnête, Breitbart a pris beaucoup d’importance quand Bannon a rejoint la campagne de Trump. Les gens ne lui prêtaient pas tant d’attention. De toute évidence, Breitbart répandait beaucoup de bobards.
BA ‒ Alison Klayman, vous avez évoqué Breitbart et l’élection de 2016. La prochaine aura lieu en 2020. Steve Bannon est connu pour avoir fait de Donald Trump le président des États-Unis, mais il a été rapidement licencié de la Maison-Blanche après qu’a éclaté le scandale du Russiagate. Donald Trump s’est ensuite rapproché des Républicains « traditionnels ». Steve Bannon a produit un film de propagande : « Trump at war » (« Trump le guerrier »). On dit à présent que Steve Bannon parle à nouveau avec le Président. Pensez-vous qu’il agisse désormais sur l’ordre de Trump, quoique sans le dire ? ou pour retourner travailler avec lui ?
AK ‒ La seconde réponse me semble à prendre en considération. Durant tout le temps que j’ai passé près de lui, j’ai eu l’impression qu’il veillait à ne jamais rien dire contre Trump devant moi. Il sait qui est le président : c’est Donald Trump, qui est en définitive la source de la célébrité de Bannon. Je ne sais pas s’il aura l’occasion de collaborer avec Trump, mais si c’est le cas, je suis sûre qu’il en sera heureux parce qu’une réélection ferait les affaires de Bannon. Je ne serais pas surprise que Trump le rappelle… Et puis, regardez ce que Bannon a fait pendant les élections de mi-mandat. Il n’intervenait pas officiellement, ne travaillait officiellement pour aucune campagne ni pour les Républicains, mais il s’est astreint à lever des fonds, à tourner son film, à faire des déplacements et à agir comme en campagne électorale. Il a vraiment pris ça au sérieux sans pour autant que ce soit sa propre cause. Il l’a fait sans aucun titre officiel, tout ça pour se rendre important. Je le vois très bien le refaire. Il est vraiment bon pour recueillir des fonds.
BA ‒ Certes, il est très bon pour ça. Mais même s’il lance « Je suis sur le point de gagner ! » lors d’un de ces rassemblements, les Républicains ont perdu la Chambre des représentants en 2016…
AK ‒ Il n’est pas si bon, dans le film !
BA ‒ Il n’est pas si bon. Les eurosceptiques restent minoritaires au Parlement européen (élu en 2019). Bannon n’est pas parvenu à faire un parti républicain à l’image de Donald Trump. Pensez-vous malgré cela qu’il puisse à nouveau faire gagner Donald Trump en 2020 ?
AK ‒ Quand j’ai commencé de le filmer, et quand il a quitté la Maison-Blanche, il parlait sans cesse de lui-même comme d’un Insurgent luttant contre les Républicains de l’establishment. Il parlait de Tea Party, de Sarah Palin, et c’est ainsi qu’il voyait Trump, vous savez : Trump contre les élites, etc. Actuellement, j’ajoute qu’il n’y a plus de Parti républicain en dehors de Trump ; le Parti républicain, c’est Trump. Personne de puissant n’y lutte contre Bannon et Trump en ce moment.
BA ‒ Que faites-vous des sénateurs et représentants hostiles à Trump ? Est-ce qu’ils ne pourraient pas soutenir le candidat démocrate en 2020 ?
AK ‒ Qui ça ? Aujourd’hui, est-ce que vous pouvez citer quoi que ce soit que fasse Mitch McConnell contre Trump ? ou que fasse le Sénat ? Il n’y a rien. Rien qui mérite qu’on en parle. Et Bannon ne parle plus d’affronter Mitch McConnell. Le Parti républicain est foncièrement trumpien. On ne peut les dissocier. Bannon ne combat donc plus l’appareil du Parti républicain. Si Trump gagne à nouveau, ce sera bon pour Bannon. Il se battra donc pour ça. Je crois que le film rend service en montrant aussi comme il peut perdre. Pour quelqu’un qui aime gagner, son bilan n’est pas parfait, convenons-en ! Raison pour laquelle, quand vous le lui dites, il répond quelque chose comme « Oh mon Dieu, nous perdons la plupart du temps ! » Il adore dire ça : « Neuf fois sur dix, nous perdons. Mais nous continuons de nous battre. » C’est textuellement ce qu’il dit.
BA ‒ Alison Klayman, cet homme que vous avez suivi, est-il axé sur les questions raciales ? Pensez-vous que l’« ethno-mathématique électorale » (Bernard Lugan) l’affecte ? Certains nouveaux représentants à la Chambre sont des femmes nées au Moyen Orient dans des familles musulmanes. Est-ce un problème pour lui ?
AK ‒ C’est l’un des bonus dans le DVD et sur les plateformes, il m’a dit que l’Amérique n’était pas une nation d’immigrants. C’est une nation où les immigrants viennent et deviennent américains. Et quand je lui demande : « Qu’est-ce qu’un Américain ? », « On le sait quand on en voit un ! ». Voilà sa réponse. Je pense qu’il fait référence à des gens comme la représentante (Ilhan) Omar, la représentante (Rashida) Tlaib, je crois vraiment qu’il sait en vous voyant si vous n’êtes pas conforme d’une certaine manière que j’ignore. Je ne sais pas ce que ça veut dire, mais sa définition de l’américanité est tout sauf inclusive. Je crois donc qu’il préfère une Amérique majoritairement chrétienne et blanche.
BA ‒ C’est cela, selon vous, cette « démocratie chrétienne à l’ancienne » dont il parle lors d’un meeting en Hongrie le 24 mai 2019 ?
AK ‒ Je pense, oui. Et cela m’amène à un autre point semblable. De même qu’il sert son propre intérêt, je crois qu’il y a des choses auxquelles il croit ou qu’il veut pour le monde ; il a une vision du monde. Et je pense que l’Europe et l’Amérique doivent selon lui être très majoritairement chrétiennes. Il se bat pour ça. Il utilise toutes sortes d’euphémismes, mais je ne m’y laisse pas prendre et nous débattons. Que dit-il vraiment ? Dans le fond, il n’a pas d’autre explication. Même chose quand il dit qu’il se bat pour le petit gars. Si vous vous asseyez et que vous écoutez quand il est dans une pièce avec tous ces populistes, de quoi parlent-ils ? Vous pensez qu’ils parlent d’améliorer les soins ou de libérer les gens, ou encore d’augmenter les salaires ?! Ils parlent du taux de natalité des autochtones islamophobes. Ils parlent de migrations, de politiques frontalières. J’ai observé que cela unissait tous ces groupes. C’est ce qui inspire la vision du monde que porte Bannon, c’est son problème n° 1. Et je crois qu’il a élaboré une tactique que beaucoup de partis européens d’extrême-droite ont adoptée et qui est une tactique attrape-tout en matière économique. Mais c’est tout simplement une tromperie.
BA ‒ Alors ils se battent contre l’État administratif et lui préfèrent un État sécuritaire ?
AK ‒ Le contexte n’est pas le même en Europe et en Amérique. Pour l’Amérique, il veut très peu de régulations ou de protections. L’absence de protection de l’environnement et la déréglementation lui conviennent. Il ne veut pas augmenter le salaire minimum, des trucs comme ça. Tout ce dont on a besoin dans ma représentation du monde afin de rendre le monde meilleur pour le petit gars. Là, on s’est disputé ! Je pense que c’est astucieux parce qu’il parle des problèmes, mais si vous grattez un peu, quand vous cherchez ses solutions, elles se résument toutes à des politiques migratoires xénophobes et cruelles. Rien d’autre. Il n’est question que d’immigration. Il croit que (la fin de) l’immigration va tout résoudre.
BA ‒ Parlons d’affaires étrangères. Quelle est selon vous la principale cible du nationalisme économique de Bannon, soutenu par une sorte d’« internationale nationaliste » ? Est-ce la Russie ? la Turquie ? la Chine ?
AK ‒ Selon moi, le dossier qu’il veut traiter est le dossier chinois. Exclusivement. C’est son prochain objectif. Je crois qu’en 2018 le sujet était l’Europe de Bannon. Il a œuvré là-bas. Je crois que c’est sa politique chinoise que Bannon voudrait voir exécuter ensuite par l’administration Trump. Voilà ce qu’il veut.
BA ‒ Parce qu’il a sincèrement peur de la puissance économique et militaire chinoise ?
AK ‒ Oui. Je doute de la réalité de son expertise – ce que j’ai montré dans le film en mettant à mal sa prononciation ou en le corrigeant. Je ne suis pas non plus une experte de la Chine, mais je parle mandarin, j’y ai vécu quatre ans, j’y ai travaillé en tant que journaliste indépendante et je sais qui sont les experts. Quand il évoque ceux dont il tire ses informations sur la Chine, il nomme deux personnes : Guo Wengui (alias Miles Kwok) and John Thornton. Ce sont selon lui les meilleures sources d’information.
BA ‒ Mais Miles Kwok est chinois ?!
AK ‒ C’est aussi un homme d’affaires corrompu… Si je dis que je suis un expert de la France parce que je vous connais, est-ce vraisemblable ?
BA ‒ Bannon pense probablement que les Chinois sont de plus en plus puissants… Vous parlez de Miles Kwok. Il a donné 100 millions d’euros. Est-ce que Miles Kwok finance le Mouvement, qui soutient des partis politiques de droite dans plusieurs pays européens ? Parce qu’il y a d’autres milliardaires comme Erik D. Prince dans le film…
AK ‒ Il y a beaucoup de milliardaires dans le film !
BA ‒ … et aussi des banquiers de haut niveau comme John Thornton !
AK ‒ Je ne crois pas qu’on puisse découvrir l’usage qui est fait de l’argent de Miles Kwok. Je ne peux rien dire de plus.
BA ‒ Dans « Le Grand Manipulateur », Steve Bannon est négligé, rude, très sûr de lui, provocateur, parfois menteur, mais c’est aussi un lecteur réfléchi, assez drôle, travailleur et persévérant. Réaliser ce film a-t-il modifié votre jugement initial ?
AK ‒ J’ai dû changer d’avis sur lui au sens où mon projet consistait à partir de zéro à son sujet. Je n’en suis pas venue à faire ce film en me disant que toutes mes convictions devaient être remises en cause, ou que j’allais réévaluer toutes mes connaissances historiques, ma morale et mes valeurs. Je ne suis pas partie de zéro et je ne me suis pas effacée. Mais je ne connaissais pas Steve Bannon. Qui était-il ? À quoi croyait-il ? Je pense vraiment que mon opinion sur lui a changé parce qu’au début je ne prenais rien pour acquis. Je voulais qu’il me montre l’homme qu’il était et m’appuyer sur des faits. Le portrait que vous faites est celui que l’on peut tirer du film et correspond grosso modo à mon jugement sur lui aujourd’hui. Le film montre la personne que j’ai rencontrée.
BA ‒ A-t-il vu « Le Grand Manipulateur » ? Est-ce qu’il vous en a dit quelque chose ?
AK ‒ Il l’a vu, mais il ne m’a rien dit. Marie-Thérèse Guirgis le lui a elle-même montré, deux semaines avant la première à Sundance. Il était curieux. Les premières critiques publiées ont dit qu’il faisait surtout pitié et qu’il semblait à deux doigts de se pendre. Il n’en a plus parlé depuis. Il ne lui répond plus.
BA ‒ Merci beaucoup, Alison Klayman. Dès le 25 septembre, le public français pourra voir au cinéma « Steve Bannon – Le grand manipulateur ».
Questions, entretien et traduction par Bernard Aloivine.
Sortie du film en DVD mardi 18 février 2020.