Rien n’avait été calme depuis le conflit de l’automne 2020. Ceux qui voulurent ignorer les combats constants depuis le cessez le feu s’en contentèrent.
Escarmouches, désinformation arménienne, erreurs. Toutes les drogues de l’ignorance furent prodiguées aux amis distraits de l’Arménie. Amis partisans, amis de banquets, amis surtout de campagnes électorales, empressés d’oublier leurs déclamations une fois aux affaires. Tous, à droite, au centre et à gauche, promirent à Erevan une fidélité absolue, tôt remisée une fois que Bakou haussait un peu le ton diplomatique.
La période estivale fut le délice de ceux-là. Un nouvel épouvantail était apparu avec la guerre en Ukraine et les effusions de solidarité purent dégouliner ailleurs, sans grande stratégie humanitaire mais avec une puissante portée politique. Du gaz russe, il fallut subitement se détourner dans un unilatéralisme qui a peu à voir avec la pensée stratégique ni économique mais bien avec la folie collective. Les ressources naturelles ont cette particularité qu’elles existent là où elles sont et qu’on ne plante ni le gaz, ni le pétrole, ni demain le lithium et les terres rares. Alors, les capitales européennes redoublèrent d’ingéniosité pour séduire les capitales démocrates alentours : Doha, Alger, Bakou. Comme un triptyque. Comme un symbole.
Le gaz de l’Azerbaïdjan
L’Union européenne a toujours eu un faible pour l’Azerbaïdjan, considéré comme l’un des bons élèves du Partenariat Oriental, à la différence de son voisin arménien, suspect d’une russophilie peu en cours à Bruxelles. Si bien que la présidente de la Commission européenne et le président du Conseil européen ne se firent pas prier pour louer les mérites d’un nouveau partenariat gazier avec un pays qui n’avait pourtant pas réellement posé les armes à la frontière de l’Arménie. Ce fut une grande séquence de presse le 18 juillet, où Ursula Von der Leyen décrivit le président Aliyev comme un « partenaire de confiance », ou encore Charles Michel proclamant le 31 août son optimisme pour la paix dans le Caucase, dix jours avant la reprise de la guerre. Une telle prescience impressionne, ne doutons pas que la stratégie de diversification énergétique de l’UE sera du même acabit.
Pour SOS chrétiens d’Orient, la période fut à la mobilisation. Notre antenne de Goris, providentiellement vide le jour de l’invasion, ne fut pas touchée. Dans la ville de Vardenis, où les efforts conjoints de nos volontaires et de nos donateurs permirent de réhabiliter une école, nous fûmes longtemps dans la crainte de sa destruction. Providence encore, elle resta indemne. L’heure, sinon, était à la crainte : l’Azerbaïdjan ne réclame plus seulement la province du Karabagh mais voudrait accaparer des portions du territoire arménien internationalement reconnu. Ligués avec Bakou, Israël et la Turquie assurent au pays une supériorité militaire difficilement contestable. L’Arménie, piégée dans le jeu des puissances à l’œuvre dans la guerre en Ukraine, est aussi isolée que soutenue dans les oraisons jaculatoires des politiques français ou américains.
Face à l’énormité de ces enjeux, nos volontaires ne baisseront pas les bras. Minuscules parcelles de courage dans les drames transcaucasiens, les bénévoles de SOS chrétiens d’Orient montreront qu’il est des Français encore pour se tenir droit auprès des montagnes, sans illusion, à leur devoir. Il n’y a plus que la vertu pour sauver l’Arménie.