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Mikhail Gorbatchev : héritage sous bénéfice d’inventaire

On célèbre un Gorbatchev imaginaire. Il ne fut l’allié de l’Occident que parce qu’il gouverna mal l’URSS, détruisant le Parti sans le remplacer, supprimant l’Union sans régler les rapports entre les Républiques, libéralisant l’économie sans garde-fous, et ne réussissant qu’à renforcer la mainmise des États-Unis sur l’Europe.

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Mikhail Gorbatchev : héritage sous bénéfice d’inventaire

Le décès de Mikhail Gorbatchev a provoqué dans tout l’Occident une effusion lacrymale. Incontestablement, en octobre 1989, il a ordonné à l’Armée rouge en RDA de rester dans ses casernes alors que ses militaires, paraît-il, étaient prêts à en sortir. Incontestablement, après une série de leaders soviétiques de plus en plus âgés et ossifiés, il apportait un vent nouveau. Incontestablement, il était entouré d’équipes de remarquables conseillers, qui avaient compris, depuis la crise tchèque de 1968, que le système était entré dans une impasse ; et qui avaient perçu que sur le plan international l’ancienne pensée et la langue de bois ne fonctionnaient plus.

Mais Gorbatchev ne les a qu’imparfaitement compris et que très partiellement suivis. Ce n’est pas seulement une question d’intérêt historique : je pense que les problèmes actuels de la Russie, et ceux qu’elle pose au reste du monde, découlent largement de ce que Gorbatchev n’a pas réussi à faire, ou seulement en partie, mais aussi beaucoup, cela on le dit moins, de ce qu’il aurait voulu faire.

Certes, il n’a pas fait tirer en Allemagne en 1989, mais il a essayé de mater la volonté d’indépendance des Pays baltes en 1990 par la force, très brutalement. Si ceux-ci ont alors gagné leur indépendance, ce ne fut pas grâce à lui. Ajoutons que les États-Unis, pour leur part, n’avaient jamais reconnu l’annexion des Pays baltes par Moscou en 1940 (les cartes américaines précisaient toujours ce point). Ces deux facteurs contribuent à expliquer l’atlantisme des pays baltes, élément essentiel dans la crise ukrainienne.

L’origine de la crise actuelle

Gorbatchev ne voulait pas supprimer le communisme et l’URSS mais les réformer (c’était la « Nouvelle pensée »). Mais il s’y est très mal pris. Il a supprimé le Gosplan (la planification gouvernementale) sans vraiment le remplacer, sans mettre sur pied les structures juridiques et économiques d’une économie libérale : le pays n’est pas passé à l’économie de marché, mais au désordre, à la corruption (déjà présente depuis les origines !), à la crise, à une privatisation mafieuse des entreprises, à l’appauvrissement de la population dans des proportions dramatiques.

Il a mis le Parti à l’écart alors que celui-ci, derrière la fiction de la constitution stalinienne de 1937, faisait tout tenir ; et que c’était le seul ciment de l’URSS, puisque la constitution reconnaissait le droit de sécession aux Républiques ! Gorbatchev ne mit pas en place des instruments constitutionnels et juridiques permettant d’avoir là des garanties (pas même sur le sort des 25% de la population russe vivant dans les autres Républiques).

Après la tentative de coup d’État d’août 1991, qui montra l’absence de soutien réel pour Gorbatchev, Boris Eltsine, président élu au suffrage universel de la Fédération de Russie, ce que n’était pas Gorbatchev (certes élu président de l’URSS en mars 1990, mais par le Congrès des députés), supprima l’Union soviétique, en fait pour se débarrasser de Gorbatchev. Mais sans vraiment régler les rapports avec les autres Républiques, pour lesquels d’ailleurs Moscou ne disposait plus de moyens constitutionnels et juridiques. On établit certes une « Communauté des Etats indépendants » mais très peu structurée, marquée par les copinages et la corruption, tandis qu’éclataient de nombreux conflits locaux.

En particulier, ni Gorbatchev ni Eltsine ne prévirent la moindre disposition pour la Crimée, alors que celle-ci était russe depuis le XVIIIe siècle et n’avait été attribuée à l’Ukraine par Khrouchtchev qu’en 1954. Kiev devait certes consentir à la Russie un bail pour la base navale de Sébastopol, mais jusqu’en 2042. Or cette base, ainsi que la Mer Noire en général, représentent pour Moscou des enjeux essentiels, qui ne disparaîtront pas avec Poutine. Peut-être Gorbatchev et Eltsine pensaient-ils que de toute façon l’Ukraine resterait dans l’orbite russe ? Mais c’est dans ces erreurs de prévision et ces maladresses que réside l’origine de la crise actuelle.

Tentative de démocratisation libérale

Ensuite, la Russie a connu une tentative de démocratisation libérale jusque vers 1995. Mais celle-ci allait au-delà de ce qu’avaient eu en tête les conseillers de Gorbatchev, plus prudents en particulier en ce qui concernait l’économie, qui se retrouva avec Eltsine soumise à un capitalisme « dérégulé », sauvage, avec l’importation sans précaution de l’enseignement ultra-libéral des économistes américains à la mode, les « Chicago Boys ». Cela entraîna une crise grave, salaires et retraites ne furent plus versés régulièrement, alors que les Russes devaient désormais payer leur loyer, leur énergie, etc., au tarif fort, au lieu des versements symboliques de l’ère soviétique…

La première guerre de Tchétchénie en 1994 acheva le tableau, avec une armée russe en état de déliquescence évidente. En fait l’arrivée au pouvoir de Poutine en 1999, comme président du conseil puis comme président de la Fédération de Russie, marqua, derrière les textes, un retour aux méthodes de l’administration soviétique d’avant 1991, même si les coordonnées internationales et les objectifs évoluaient. Les visiteurs réguliers à Moscou pouvaient percevoir dès le milieu des années 1990 ce désir de restauration. Et dès 1999, lorsque Vladimir Poutine devint premier ministre, ce fut éclatant : les interlocuteurs russes ne cachaient pas leur soulagement de se retrouver en terrain connu, et de constater que les affaires reprenaient.

Si Gorbatchev et Eltsine avait désoviétisé la Russie et liquidé le PCUS et son idéologie, ils n’avaient pas vraiment remplacé ceux-ci. Or le marxisme « scientifique » présentait un avantage, si on ose dire : comme la victoire finale du communisme était « scientifiquement » certaine, on pouvait se montrer relativement patient. Mais ce frein n’existe plus : Poutine est un homme pressé. Et le processus de décision à Moscou, à la différence de l’époque soviétique où, après Staline, le secrétaire général devait tenir compte de l’avis de ses collègues, n’est plus collégial. Or cela entraînait un immobilisme certain, mais aussi une prudence relative…

À la fin de la Guerre froide, l’affrontement idéologique libéralisme/communisme a pris fin, davantage même que ne le souhaitait Gorbatchev, qui voulait le réorienter, le rationaliser plutôt que de le faire disparaître (c’était tout le sens de la « Nouvelle pensée » et de la Glasnost, qui signifie en fait davantage « volonté de communication » que transparence, contrairement à une traduction courante).

Priorité à l’entente avec l’Occident

Certes, la rencontre Bush-Gorbatchev au large de Malte début décembre 1989 posa les bases de la suite : Gorbatchev acceptait que le problème des démocraties populaires, à commencer par la RDA, soit résolu pacifiquement. En échange, les États-Unis lui promettaient (verbalement seulement, notons-le) que l’OTAN ne serait pas élargie vers l’Est et que la Russie serait intégrée dans les grandes organisations occidentales, FMI et G7.

Et Gorbatchev, en 1990-1991, donna la priorité à l’entente avec l’Occident et accepta que les États-Unis écrasent l’Irak, vieux client de Moscou, sacrifiant ainsi des positions russes essentielles au Moyen Orient. Mais on a pensé trop facilement à l’Ouest que Moscou acceptait le « Nouvel ordre mondial » proclamé par George Bush en 1991. En fait il y avait à Moscou des résistances : dès 1991, un hiérarque soviétique spécialiste du Moyen Orient, Primakov (qui deviendra plus tard ministre des Affaires étrangères), tenta de soutenir Saddam Hussein contre la coalition organisée sous l’égide de l’ONU, avec évidemment l’accord de nombreux cercles moscovites. Dès le début l’orientation à l’ouest voulue par Gorbatchev suscitait des résistances.

Pour l’Europe aussi Gorbatchev avait une stratégie : la « Maison commune européenne ». Il s’agissait d’échanger la libéralisation de l’Europe orientale et la réunification de l’Allemagne contre la mise en place d’un grand ensemble européen, où l’URSS aurait toute sa place (avec l’arrière-pensée de dévaluer ainsi l’Alliance atlantique). Comme on le sait, cette politique, en fait encore assez offensive, échoua. Il en resta quand même quelque chose : les bons rapports entre l’Allemagne réunifiée et la Russie, débouchant même sur une imbrication économique croissante (pétrole et gaz russes contre voitures et machines allemandes) et sur une véritable forme de dépendance, pas seulement énergétique mais psychologique, de Berlin envers Moscou.

Les responsabilités de Gorbatchev dans les ambiguïtés de son héritage, par commission et encore plus par omission, sont donc grandes. Mais sa partie la plus valable, l’étroite relation avec la RFA, vient d’être dilapidée par Poutine. 

 

Illustration : Mikhaïl Gorbatchev, secrétaire général du Parti communiste (1985-1991), dernier chef d’État de l’URSS (1988-1991), avec le Premier ministre britannique Margaret Thatcher, Baroness Thatcher,  lors d’une visite au Royaume-Uni. M.Thatcher avait dit de lui : « J’aime bien M. Gorbatchev, nous pouvons faire des affaires ensemble. »

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