Civilisation
Vauban pour toujours
1692, le duc de Savoie franchit le col de Vars, emporte Embrun, puis Gap. Louis XIV demande à Vauban de fortifier le Queyras.
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Le Nil est devenu d’une pitoyable saleté. Les files de taxis obstruent toutes les artères, condamnant les déplacements à la lenteur et l’air à la corruption. Des beautés d’autrefois, du charme qui enchanta les soldats de l’armée d’Égypte, si peu subsiste encore. Le Caire n’est plus Le Caire, et le visiteur sans le sou peut loger à Alexandrie dans les palaces déchus d’une lointaine aristocratie d’autrefois. Bienvenue en Égypte, joyau oriental en déshérence.
Bien plus qu’un nid d’espions, Le Caire est une triste fourmilière, où des métros bondés transportent des femmes en noir, des mendiants et la cohorte des travailleurs. Ils ne rejoignent certainement pas les hôtels vides où quelques anciens grooms aimeraient maintenir l’art de l’accueil. Ils ont peut-être participé à la première révolution qui aboutit à la terrible présidence Morsi, victoire des idées et des hommes des Frères Musulmans, bien aidés par les gouvernements occidentaux, ou à la deuxième, particulièrement soutenue par les Coptes, qui permit la victoire du maréchal Sissi, protecteur de l’armée et dirigeant autoritaire, qui a évidemment contre lui les relais européens des Frères Musulmans et ceux qui aimeraient que les émotions arabes servent de répétition de la guerre d’Espagne. Les rouges prendraient l’oripeau des droits de l’homme.
L’Égypte est au bord du chemin. Si elle a su conserver une élite formée et capable, elle est prisonnière des errements idéologiques passés, du nassérisme dont les lourdeurs administratives continuent de miner toute velléité de développement économique, de l’analphabétisme, qui toucherait encore 40% de la population, et de l’islamisme, qui gangrène les rapports sociaux et a déjà eu la peau des juifs d’Égypte comme l’évoque le beau roman de Waguih Ghali, Les Cigarettes égyptiennes. Si une partie du monde musulman se retrouve en effet dans l’enseignement religieux proposé à l’Université Al-Azhar, cette dernière peine à réformer les enseignements et les manuels insultants pour les chrétiens dans les écoles. Peut-être se réformerait-elle plus promptement si le Vatican était plus exigeant dans ses relations avec les différents recteurs ?
Celui qui aura terminé la visite du somptueux musée copte pourra penser au tragique de la rencontre de l’Égypte avec l’Occident. Un tragique qui se joua en juillet 1798 avec le débarquement de Napoléon Bonaparte qui, « s’il planta ses étendards sur le berceau du monde », eut toutes les peines à comprendre les sectes islamiques et les éruptions de violence de la rue. Ce fut une rencontre entre deux civilisations qui s’ignoraient bien avant la conquête algérienne par les troupes de Charles X. Ce chaos des rencontres et de leurs longues conséquences est au cœur du passionnant ouvrage de Robert Solé, Ils ont fait l’Égypte moderne. De l’instituteur Hassan al-Banna formant le creuset de l’islamisme contemporain, avant de mourir assassiné en 1949, à l’obèse roi Farouk, délaissant son pays pour les plaisirs, c’est la difficulté de survivre à la rencontre avec l’Occident qui posa question à l’Égypte.
Les Coptes souffrent en silence d’une situation où la tension militaire, la haine d’une large partie de la communauté musulmane égyptienne et les attentats ponctuent leur quotidien. Port-Saïd, Damiette, Ismaïlia, ces villes qui firent rêver tant de Français sont embourbées dans l’islamisme. Et la péninsule du Sinaï continue d’être une zone militaire, souvent interdite d’accès même pour visiter les monastères chrétiens. Une chapelle attenante à leur complexe patriarcal porte encore les stigmates de l’attentat de 2017 qui coûta la vie à des dizaines de femmes qui assistaient à la messe du soir. Sur les piliers de marbre certaines traces ont plusieurs centimètres de profondeur. Chaque année, des prêtres sont assassinés dans la rue et des cars de pèlerins fusillés.
En face des pyramides de Gizeh, des restaurants louent leurs terrasses pour profiter des animations sans payer l’entrée. L’effet est splendide. Le froid de la nuit contrarie néanmoins le spectateur économe. Qu’il ne jette pas un regard à sa droite : des gosses gardent un cheval famélique qui se nourrit d’ordures.