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La guerre en Ukraine sera-t-elle le seuil d’un grand basculement géopolitique ?

L’empire américain n’a jamais renoncé à s’étendre, surtout au détriment de la Russie. Mais depuis 2014, le Kremlin a progressivement renoncé à l’attentisme, et les pays non-alignés se sont décidés à plus d’autonomie politique et économique. Va-t-on enfin vers un monde multipolaire ?

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La guerre en Ukraine sera-t-elle le seuil d’un grand basculement géopolitique ?

Il y a des guerres qui confirment des tendances, d’autres qui clôturent des cycles, certaines enfin qui en ouvrent. La guerre en Ukraine pourrait bien être tout cela à la fois. Assurément elle confirme une tendance, celle du refus par la Russie de continuer à subir l’encerclement de son territoire par les Américains, via l’Otan. Les Russes, Poutine en tête, se souviennent avec amertume des années Eltsine (1991-2000) qui ont vu les Américains organiser l’affaiblissement de leur ennemi vaincu, les futurs oligarques achevant le travail par un pillage éhonté des richesses naturelles du pays. Entouré de conseillers ultra-libéraux, souvent formés par les Anglo-Saxons, Eltsine laissa l’économie russe péricliter tandis qu’une petite caste s’enrichissait dans des proportions indécentes.

Ce n’était guère mieux sur le plan politique. Une fois le calme revenu après les différentes tentatives de coups de force fomentées par les communistes tant à la Douma que dans l’armée, la popularité d’Eltsine s’effondra rapidement. Le Président distribuait les cadeaux et naviguait à vue. Son alcoolisme était bien connu. Une image fit le tour du monde : Eltsine prenant la parole en état d’ébriété et à côté de lui, Bill Clinton, le président américain, pris d’un fou rire inarrêtable.

Toute la Russie fut consternée par ce spectacle lamentable et n’aspira plus qu’à une chose : l’arrivée au pouvoir d’un homme qui lui rendra sa fierté. Cet orgueil national, que l’on peut aussi qualifier d’amour de la patrie, est une donnée intrinsèque à ce pays si différent au fond de l’Occident. Le Russe peut souffrir, supporter bien des choses, sauf une : que sa patrie soit envahie ou même humiliée. C’est un état d’esprit bien éloigné des préoccupations occidentales actuelles, françaises en particulier, et qui explique bien des choses. La popularité d’Eltsine était si basse que le communiste Ziouganov est donné gagnant à l’élection présidentielle de 1996. L’occident s’affole : Kohl, Juppé se rendent à Moscou pour aider le sortant. Clinton manifeste un bruyant soutien et le FMI consent un prêt à sa demande (sur son ordre en réalité). Eltsine réussit à inverser la tendance et est réélu mais de lourds soupçons planent encore sur l’honnêteté du résultat.

L’Otan, vecteur américain

L’Occident est soulagé mais le défaut de paiement de la dette russe en 1998 fait comprendre à tous que la situation n’est plus tenable. Les premiers ministres se succèdent en vain et le dernier d’entre eux, Vladimir Poutine, nommé en 1999 à l’instigation des oligarques, va tout changer au grand dam de ceux-ci. La stratégie du Guépard, « il faut que tout change pour que rien ne change » n’a pas fonctionné : tout a changé. L’Otan n’est pas restée inactive pendant tout ce temps. Elle aurait pu s’autodissoudre comme le Pacte de Varsovie mais que nenni, l’occasion était trop belle d’étendre l’hégémonie de l’Empire américain.

C’est ainsi que l’Otan accueille de nouveaux membres pour la première fois depuis 1982 (Espagne) : la Hongrie, la Pologne et la République tchèque y font leur entrée en 1999, année de la nomination de Poutine au poste de premier ministre. Comme un symbole. D’autres vagues suivront, inexorables : 2004 avec la Bulgarie, l’Estonie, la Lettonie, la Lituanie, la Roumanie, la Slovaquie et la Slovénie ; puis 2009 avec l’Albanie et la Croatie, 2017 pour le Monténégro et 2020 pour la Macédoine. La Suède et la Finlande, rompant avec une longue tradition de neutralité, finalisent leur adhésion. À quand le Kosovo ?

Les promesses de non-extension à l’Est sont balayées et la Russie ne réagit pourtant oralement qu’en 2007, Poutine ayant longtemps espéré une bonne entente avec l’Europe. Mais cette dernière a préféré la tutelle américaine. Dans son célèbre discours de Munich, il a fustigé cet encerclement et prévenu : « L’Otan rapproche ses forces avancées de nos frontières tandis que nous ne réagissons pas ». Il n’a fallu attendre que l’année suivante pour assister à la première contre-attaque russe. C’était d’ailleurs un cadeau offert par le président géorgien Saakachvili qui envahit soudainement l’Ossétie du sud, cette petite enclave autonome protégée par la Russie. On n’a jamais su si le fantasque (pour être poli) ami des Américains avait eu leur feu vert pour cette opération vouée à l’échec, mais la réaction russe fut foudroyante et, en cinq jours, balaya la petite armée géorgienne, pourtant préparée par l’ami américain.

Encore soucieux de préserver ses relations avec l’Occident, Poutine n’alla pas jusqu’à Tbilissi et l’armée se retira tout en renforçant la protection de l’Ossétie du sud. Saakachvili, poursuivi pour corruption, se réfugia en Ukraine où il fut promptement naturalisé puis nommé gouverneur d’Odessa. Comme le monde est petit. Il est depuis retourné en Géorgie pensant être accueilli en triomphateur mais a été arrêté et dort actuellement en prison. Après cette promenade militaire géorgienne, les tensions s’apaisèrent en apparence mais les Américains n’avaient pas renoncé à leur grande ambition : mettre la main sur l’Ukraine.

C’est ainsi qu’arriva le coup d’État de Maïdan. Le président Ianoukovitch fut renversé et déchu par un vote du Parlement après des semaines de manifestations orchestrées par les Américains : Victoria Nuland, un des piliers des néoconservateurs, tout comme John McCain, y furent présents et très actifs. En plus des néoconservateurs américains, Soros (pour le financement), BHL (pour les médias et sa promotion personnelle) et tant d’autres passèrent quelques heures ou quelques jours. Être à Maïdan était du dernier chic. Ce coup d’État réussit et la guerre actuelle en est une des conséquences directes.

La Syrie, révélation russe

La Russie réagit en organisant le retour par référendum de la Crimée dans le giron russe (et non en l’annexant) et soutint les séparatistes du Donbass qui refusaient l’ukrainisation forcée de leur territoire. Compte tenu des évènements ultérieurs, on peut légitimement se demander pourquoi Poutine n’a pas alors voulu pousser l’avantage et déclencher l’opération militaire qu’il ordonna en 2022 ? C’est un mystère auquel l’Histoire apportera peut-être une réponse un jour. Peut-être espérait-il encore obtenir par la diplomatie ce qu’il n’a ensuite cessé de réclamer pendant huit ans : la neutralisation de l’Ukraine et l’organisation d’une nouvelle architecture de défense en Europe.

N’ayant rien obtenu et assistant à « l’otanisation » progressive de l’Ukraine, il a estimé que la sécurité de la Russie était menacée et a ordonné l’opération que l’on connaît. Peu d’observateurs pensaient que Poutine irait jusqu’au bout de sa logique, compte tenu des risques considérables que cette guerre comporte et nul ne peut dire si la Russie en sortira renforcée ou affaiblie. Ce qui est certain c’est qu’elle n’est que l’aboutissement somme toute logique de vingt ans d’histoire. Cet aboutissement marque clairement la fin d’une époque : celle où la Russie était seule face à l’armada otanesque. Impuissante devant les agressions contre la Serbie (1999) et l’Irak (2003), elle entreprit patiemment de reconstruire un pays et une armée. La seconde guerre de Tchétchénie (1999-2000) puis les opérations en Géorgie (2008) et surtout en Syrie (2015), marquèrent le retour de la Russie en tant que puissance que les Américains ne pouvaient plus mépriser. Certes, dans l’intervalle, il y eut l’attaque franco-anglo-américaine contre la Libye (2011) où les Russes se firent berner. Onze ans après, l’absurdité de cette opération laisse encore rêveur et, accessoirement, Poutine comprit ce que valait la parole occidentale.

Mais c’est bien sûr l’intervention en Syrie, parfaitement réussie, qui mit Russie et Amérique presque face à face. Saoudiens et Qataris comptaient beaucoup sur le renversement du régime alaouite impie non seulement pour le transport terrestre de leur gaz et leur pétrole, mais aussi pour faire du Proche-Orient un monde sunnite où l’Iran chiite serait isolé. Les gouvernements occidentaux et leurs services secrets, CIA en tête, furent très actifs pour faire réussir ce joli plan mais l’intervention russe détruisit ces glorieuses perspectives. Sans être tout à fait seule (de nombreux pays africains furent ulcérés par l’affaire libyenne), la Russie ne pouvait compter que sur elle-même pour rompre son encerclement et contrecarrer l’hégémonie américaine. L’invasion de l’Ukraine semble clôturer cette période pour en ouvrir une autre : l’apparition, enfin, d’un monde multipolaire.

BRICS : les continents rétifs

Aujourd’hui, il est de bon ton de se gausser de la stratégie de Poutine. D’obscurs galonnés en retraite se succèdent sur les chaines d’infos pour nous expliquer avec jubilation que l’invasion russe (il faut dire agression sinon on n’est plus invité) aboutit au résultat inverse de celui recherché : elle a soudé l’Ukraine et réveillé l’OTAN. C’est un prisme, mais on peut en avoir un autre : la Russie reconquiert la partie russophone d’un pays qui, au fond, n’a jamais existé car issu de deux mondes trop différents, voire hostiles, et qui n’ont ni la même histoire, ni la même langue, ni la même religion. Par ailleurs, l’OTAN est une machine de guerre exclusivement américaine et l’Europe a encore perdu une belle occasion d’être autre chose que le larbin de Washington.

Mais au-delà de ces analyses divergentes auxquelles seul l’avenir apportera une réponse sûre, il faut observer avec attention l’attitude du reste du monde, hors de l’autosatisfaction occidentale. Trente-cinq pays ont refusé de voter la condamnation de l’invasion et douze n’ont pas pris part au vote. De nombreux autres l’ont votée du bout des lèvres mais comptent bien ne pas se mêler d’un conflit européen qui ne les concerne pas. Les continents rétifs sont essentiellement l’Afrique et l’Asie. Le même phénomène s’était produit en 2014. Mais il y a cette fois des éléments nouveaux.

Concernant l’Afrique tout d’abord. Depuis dix ans, Russes, Chinois et Turcs ont considérablement augmenté leurs implantations tant économiques que militaires. Pendant ce temps, les Américains n’ont jamais été aussi absents (ils n’ont de toute façon à peu près rien compris à l’Afrique) et les Français sont en perte de vitesse. L’échec de l’opération Barkhane (car il faut bien parler d’échec) va coûter cher. De plus, les Africains en ont assez des leçons de morale occidentales sur les droits de l’homme, concept à géométrie extrêmement variable qui n’émeut plus personne quand il s’agit de parler affaires avec l’Arabie Saoudite ou le Qatar. Quant aux leçons sur la corruption, elles n’ont plus aucun sens après l’aide massive à l’Ukraine…

Ce n’est guère mieux en Asie : le Proche-Orient se sent moins protégé par le parapluie américain et contre qui finalement ? L’Arabie Saoudite parle beaucoup avec la Russie (qui n’évoque jamais l’assassinat de l’opposant Khashoggi) et le Qatar ne s’entend pas si mal avec l’Iran avec qui il partage un immense gisement de gaz. Les Émirats Arabes Unis, de leur côté, ont leur propre diplomatie, très indépendante de Washington. Ce n’est guère mieux dans le reste de l’Asie si l’on met à part le Japon et la Corée du sud, indéfectibles alliés des Etats-Unis.

Mais l’évènement le plus important concerne la montée en puissance des BRICS. Cette alliance encore perfectible regroupant le Brésil, la Russie, l’Inde la Chine et l’Afrique du Sud, a elle aussi connu un coup de fouet comme l’a confirmé le sommet du mois de juin organisé en Chine. La Russie renforce ses exportations de gaz et de pétrole pour contourner les sanctions et surtout l’axe Moscou-Pékin y prend une consistance inédite. Certes le Brésil est un maillon faible, avec un Bolsonaro très pro-américain, surtout depuis qu’il est devenu évangélique pour se faire élire, reniant ainsi sa foi catholique.

Mais l’Iran frappe à la porte tout comme l’Algérie. À terme, les BRICS pourraient devenir le pendant du G7 occidental, c’est en tout cas son ambition. Mais pour cela, il doit accomplir une tâche immense, clé de voûte d’un éventuel succès : la dédollarisation de ses échanges. L’objectif est là, il faut maintenant le concrétiser. Une transaction de gaz entre l’Iran et la Chine a été récemment payé en yuan, et c’est une première. C’est ainsi que d’un monde unilatéralement dominé par l’Amérique depuis la chute du Mur, il sera peut-être possible de passer à un monde plus équilibré, peut-être multipolaire mais peut-être pas finalement : en face de Washington et ses alliés, un axe Pékin-Moscou peut s’enraciner et entraîner beaucoup de pays. Un monde bipolaire donc, inédit celui-là.

 

Illustration : En 2014, les États-Unis étaient à la manœuvre pour changer le régime ukrainien et forcer la main à l’Union européenne. Victoria Nuland, alors sous-secrétaire d’État pour l’Europe et l’Eurasie d’Obama, exprimait le souhait de « baiser l’Union européenne » [« Fuck the EU »], le 4 février 2014, en discutant de la composition du prochain gouvernement ukrainien… Elle est devenue, le 3 mai 2021, sous-secrétaire d’État pour les Affaires politiques de Joe Biden.

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