Recevez la lettre mensuelle de Politique Magazine

Fermer
Facebook Twitter Youtube

Article consultable sur https://politiquemagazine.fr

Fiat Lux ?

Des millions de Syriens vivent de l’espoir que l’annonce de la levée des sanctions européennes et américaines changera leur vie. Pour beaucoup, le sommet de l’État importe peu tant qu’il se charge d’adoucir le calvaire économique et social qu’ils subissent depuis 2011. Le soulagement était donc palpable, le 13 mai 2025, quand Donald Trump a annoncé, depuis l’Arabie Saoudite, que les États-Unis mettraient fin à une grande partie de leurs mesures coercitives contre Damas, avant d’être suivi par le Conseil européen une semaine plus tard.

Facebook Twitter Email Imprimer

Fiat Lux ?

Il faut dire que le pays est ravagé : le taux de pauvreté est passé de 33 % avant la guerre à 90 % aujourd’hui, l’approvisionnement en eau, le système électrique, le système de santé, tout est est à terre, et l’arrivée de l’ancien chef d’Al Quaeda à la tête du pays n’y changerait rien sans le desserrement de l’étau international qui a accompagné la déréliction du pays.

Ce qui était hier encore une conspiration d’extrême droite est devenu l’évidence absolue depuis la chute de Bachar Al Assad : les sanctions tuent. Les sanctions détruisent. Les sanctions terrorisent. Qu’on se souvienne que ceux qui portaient ce message l’année dernière étaient conspués, assimilés aux pires exactions. L’humanisme partiel et partial aura encore donné une savante leçon aux observateurs : celui qui vit dans un régime honni peut bien crever de faim, son malheur est tolérable ; celui qui vit dans un régime favorisé ne peut manquer de tout sans mériter la sollicitude internationale. Horreur de la pitié partisane.

Avoirs de la banque centrale syrienne, investissements dans le pétrole et les industries, virements bancaires, tout ce qui constituait un interdit absolu pour l’Occident redevient possible en Syrie. Sauf coup d’État ou impéritie absolue, le gouvernement d’Ahmed al-Charaa pourra donc bientôt se prévaloir de résultats économiques inespérés et d’une croissance record. Nul doute que cela alimentera la chronique de ses qualités épatantes, largement servie par quelques journalistes passés de la haine aveugle à l’admiration sourde en ce qui concerne le pouvoir syrien.

L’humanitarisme à géométrie variable des capitales occidentales

Finalement, tout cela importe peu pour ceux qui exercent la charité sur place tant le peuple syrien ne pouvait plus soutenir son fardeau. L’heure est désormais à la reconstruction, aux chantiers des écoles, des hôpitaux, des immeubles calcinés qui forment, à travers tout le pays, une forme de muraille entre les gens et le bonheur, entre la vie vécue et la vie survécue. Dans les bureaux de SOS chrétiens d’Orient en Syrie, le labeur continue, jamais interrompu par les soubresauts récents. Les mêmes plaintes, les mêmes étincelles d’espérance, des angoisses qui ont certainement varié, mais dont les baumes ne s’inventeront pas autrement qu’au cœur de la société syrienne, de ses mosaïques confessionnelles et de son âpre chemin de réconciliation.

Les Syriens sont bien loin de la fête diplomatique du 7 mai dernier à l’Élysée, où l’ancien condamné à mort pour ses combats islamistes en Irak, Ahmed al-Charaa, a rencontré le président français, déclenchant naturellement les plus vives polémiques. Encore sous sanction de l’ONU pour terrorisme, dans une fiche qui détaille les odieuses exactions de son groupe, le chef de l’autorité syrienne de fait a dû bénéficier d’une exemption du comité des sanctions de New York. Reste à espérer que sa métamorphose en dirigeant respectable soit mieux fondée que l’humanitarisme à géométrie variable des capitales occidentales. Sans quoi les routes de l’exode se rempliront à nouveau en Syrie, en Turquie et au Liban, toutes prêtes à diriger leurs passagers vers notre mauvaise conscience.

Facebook Twitter Email Imprimer

Abonnez-vous Abonnement Faire un don

Articles liés

Monde

Le protectionnisme n’est pas responsable de l’inflation

Le protectionnisme n’est pas responsable de l’inflation

Par Yves-Marie Adeline

Dans les médias américains, on entend ou on lit des propos inquiets sur les conséquences qu’entraînerait le protectionnisme trumpien. Pour une fois, la droite libérale et la gauche, qui tout ensemble sont anti-trumpistes, se mettent d’accord pour dire que les droits de douane, en réduisant l’offre de biens importés, feront grimper les prix, donc produiront une inflation mortelle pour les Américains. Que peut-on en penser ? Oublions les débats idéologiques pour ne nous en tenir qu’à la science économique, pour autant que l’économie soit une science.