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Europe et démocratie

L’Europe se présente comme le temple de la démocratie. Dans le discours dominant, ce qu’on appelle ‘valeurs européennes’ et ‘valeurs démocratiques’ sont pratiquement synonymes. On a l’air de considérer cela comme allant de soi. En fait ce n’est ni cohérent ni prometteur.

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Europe et démocratie

Tout d’abord, il va de soi, dans ce cadre de pensée, que la démocratie est un concept clair et largement univoque, un bloc à prendre tel quel. Or en réalité c’est un phénomène ambigu et hétérogène ; en outre il ne peut subsister sans un élément qui ne découle pas de ses principes : le fait national. 

La réalité démocratique et sa complexité

Il y a en effet déjà trois composantes au moins dans la démocratie telle qu’on la comprend aujourd’hui, et ces trois composantes sont loin d’être homogènes ou cohérentes. 

C’est d’abord l’idée de gouvernement du peuple, qu’on comprend dans la pratique comme la simple intervention du peuple dans l’élection de décideurs qui ensuite sont libres dans leurs choix – d’où tout le débat sur les référendums (qui sont, avec leurs importantes limites, la seule forme de pouvoir réellement exercé par le peuple), ou le spectacle constant d’élus prenant des décisions manifestement contraires aux désirs de leurs électeurs. 

On a ensuite une idéologie, qu’on peut appeler idéologie démocratique, une certaine conception de l’émancipation fondamentalement relativiste, où chacun est supposé pouvoir se construire, soi-même et ses valeurs, sans référence objective ni devoir, sinon le respect de ce principe lui-même. Mais c’est une idéologie qui évolue beaucoup dans le temps, et souvent se contredit (ainsi entre féminisme et LGBT). 

Enfin c’est l’idée d’état de droit, qui implique le respect de mécanismes juridiques formels mais qui varient selon précisément l’état du droit effectif. 

Chacun de ces trois éléments se pense sans difficulté en dehors des deux autres, et chacun a pu exister historiquement séparé des deux autres. Et chacun peut altérer ou même s’opposer à l’un des autres : la démocratie comme gouvernement du peuple peut vouloir s’affranchir de l’État de droit, ou opter pour des valeurs autres que ce que demande l’idéologie démocratique. L’idéologie, elle, conditionne du dehors et de plus en plus la vie politique et le choix des citoyens ; elle donne à l’État de droit une signification étroite, centrée sur une certaine conception historiquement située des droits de l’homme. L’État de droit, enfin, selon la situation où en est le droit, peut bloquer la volonté populaire comme gêner l’idéologie dans ses méandres. En bref, la réunion des trois n’est pas nécessaire, ne l’a pas été historiquement et ne va pas de soi. Et elles peuvent aller dans des directions opposées. 

Par ailleurs, aucune de ces composantes ne nous dit ce qu’est et ce qui fonde la communauté politique à laquelle elles s’appliquent. Concrètement, ce qu’on observe est que la démocratie moderne n’existe pas sans la nation – la réciproque étant fausse ; la nation devant en outre être comprise pour cela comme constituée d’un peuple bien défini avec ses caractéristiques culturelles, faute de quoi la démocratie ne marche pas – d’où l’éclatement des blocs hétérogènes lorsque le pouvoir autoritaire disparaît, ainsi en Yougoslavie ou en URSS. 

L’Europe et le dilemme démocratique 

Ce bref rappel suffit pour mettre en évidence le paradoxe de la construction européenne actuelle. Tout d’abord, évidemment, elle n’est pas fondée sur un principe national ou équivalent, même de loin. Elle prend même soin de ne pas l’être, par exemple en n’essayant pas de donner l’illusion par la mise en scène d’un patrimoine historique ou culturel européen commun, comme le montrent ses billets de banque, totalement impersonnels. Ce patrimoine existe pourtant. À soi seul, cela rend l’idée d’une démocratie européenne non plausible. 

Comme on sait, en outre, son fonctionnement le confirme : comme il n’y a pas de peuple européen, ni donc de vie politique européenne au niveau des populations, les élections, quand elles existent à ce niveau (parlement), restent la juxtaposition d’élections en fait nationales : on vote pour des partis nationaux. Le parlement n’est donc pas, dans la réalité, responsable devant ses électeurs comme un parlement national. Le pouvoir réel (commission et conseil) lui-même n’est soit pas élu, soit est fait pour cette tâche, mais sur une base nationale. Il n’y a en outre aucune forme de démocratie directe, et lorsqu’on la met en œuvre au niveau national, on la bafoue aussitôt (référendum de 2005, etc.).

Mais comme en même temps l’Europe ne se reconnaît pas pour ce qu’elle est, c’est-à-dire pour une association d’États, le seul moyen pour s’affirmer comme réalité politique ‘démocratique’ est de jouer sur les autres termes : l’État de droit et l’idéologie, celle-ci tendant à dominer l’autre. D’où le rôle démesuré et croissant des cours de justice européennes (celle de l’UE et celle des Droits de l’homme), sélectionnées d’une façon qui échappe totalement à l’examen collectif, même médiatique, et entièrement déconnectées de toute vie communautaire nationale et de tout débat politique. D’où, aussi, sans qu’elle soit fondée sur un débat démocratique véritable, l’idée de suprématie totale du droit européen sur le droit national (qui est pourtant juridiquement à la base des traités puisque ce sont des actes interétatiques). D’où encore le terrorisme intellectuel, et la chasse aux déviants, polonais et hongrois actuellement. D’où enfin, lorsqu’un consensus apparaît comme avec la guerre en Ukraine, la mise en avant de l’idéologie par rapport aux considérations géopolitiques. Plus que sur la motivation forte et justifiée qu’est l’agression sauvage d’un État souverain proche de nous, on insiste sur l’idée qu’il faut se battre pour la démocratie, sur la même ligne que les néoconservateurs américains. Mais il est fou et dangereux de se donner comme objectif de fonder les relations internationales sur une croisade idéologique – avec les bévues que cela implique, voir l’Irak, et au risque de l’embrasement. Cette guerre renforce donc de fait la nature hors-sol du système européen. 

En définitive, en s’appuyant massivement sur l’idéologie, qu’on met en œuvre par un verrouillage juridique extrêmement serré, on prétend servir des ‘valeurs démocratiques’ au moment même où on marginalise la démocratie dans son sens étymologique. D’où des tensions, qui devraient logiquement s’accroître au fur et à mesure que l’on on développe la construction européenne ainsi conçue. À cela s’ajoutent d’autres sources de tensions, comme le rôle de verrouillage des traités en matière économique (idéologie de la concurrence, approche procédurale etc.). Ou le fait que la dimension défense et politique militaire est totalement préemptée par l’Otan, elle-même sous direction américaine et donc externe. 

L’effet final n’est donc en rien la mise en place d’une Europe puissance, comme le rêvent les politiques français, mais celle d’un mécanisme de pouvoir totalement sui generis et qui ne met en avant l’idée de démocratie que pour la réduire à sa dimension la plus contestable, une idéologie, en outre relativiste.

Certes une autre Europe est possible et désirable, comprise comme l’association et la solidarité des États et nations qui la composent, sans faire l’impasse sur notre patrimoine commun : ni idéologique, ni relativiste, mais fondée sur les coopérations nécessaires. Mais paradoxalement on tend à s‘en écarter chaque jour. 

Que peut alors devenir l’animal étrange qui se développe à Bruxelles ? Il peut évidemment en rester un temps dans l’état de blocage relatif qu’il a connu dans les derniers temps. Mais on peut imaginer une autre hypothèse : que l’accroissement des tensions, notamment avec la Russie, conduise à une accélération fédérale. Elle ressemblera alors de plus en plus non pas à la démocratie dont elle se réclame, mais à ce qu’on pourrait appeler une forme d’empire : un pouvoir hors sol, fortement idéologique. Certains disent que cela rappelle l’URSS : assez peu en fait car, d’une part, et fort heureusement, elle n’est pas (ou pas encore) vraiment totalitaire, et d’autre part elle n’a pas de composante militaire – ni même policière. Ce ne peut donc être qu’une construction fragile, et non durable à terme, sauf à devenir un jour un empire véritable. Mais qui risque dans l’intervalle de bloquer toute alternative.

 

Illustration : Petite Mère Ursula assume avec courage et modestie son rôle usurpé de patronne non élue de l’Union européenne.

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