Editoriaux
Cierges et ministres
Il y a une semaine à peine, une grave question agitait le monde politique : qui allaient être les ministres délégués aux Personnes en situation de handicap et aux Anciens combattants ?
Article consultable sur https://politiquemagazine.fr
Étape cruciale de sa tournée africaine, la visite du président Emmanuel Macron en République démocratique du Congo (RDC) s’est transformée en fiasco.
Bien qu’il affirme vouloir jeter les bases d’une nouvelle stratégie avec l’Afrique, le président français a raté une nouvelle fois l’occasion de redorer l’image de la France sur le continent. Le jugeant trop paternaliste et peu fiable dans la gestion du conflit qui oppose la RDC au Rwanda, dans l’Est de l’ancien Zaïre, Kinshasa a recadré sèchement l’occupant du palais de l’Élysée devant les caméras du monde entier. Lors de son arrivée à la tête de la République française en 2017, Emmanuel Macron avait promis de mettre fin aux réseaux de la Françafrique, néologisme post-colonial qui alimente encore tous les fantasmes et théories du complot. Son discours prononcé la même année à Ouagadougou, capitale du Burkina Faso, avait suscité de nombreux espoirs parmi les Africains. Un quinquennat plus tard, Emmanuel Macron a fini par agacer tout un continent. Le tutoiement permanent utilisé par le dirigeant français, vis-à-vis de ses alter ego africains, est désormais considéré comme infantilisant et condescendant par les Africains qui ont tourné leurs regards vers la Russie. Un pays devenu en très peu de temps le symbole de la lutte contre l’ancienne puissance, la France, qui accumule échecs sur échecs en Afrique. Contraint de se désengager militairement du Sahel, après une série de putschs en Afrique de l’Ouest, menés par une génération d’officiers qui ne cache pas sa volonté de se débarrasser de Paris au profit de Moscou, Emmanuel Macron se croit encore capable de restaurer l’influence française en Afrique.
Entre le 1er et le 4 mars 2023, il s’est rendu respectivement au Gabon, au Congo-Brazzaville et en Angola, trois puissances pétrolières, afin de rassurer ses partenaires africains sur les intentions de la France et expliquer quelle était désormais sa nouvelle stratégie. Dernière étape du voyage, le Congo-Kinshasa a accueilli le président français avec beaucoup de méfiance. Deux jours avant de débarquer dans la capitale de l’ancien Zaïre, le 3 mars, des associations avaient déjà annoncé la couleur. Devant l’ambassade de France, elles n’avaient pas hésité à brûler le drapeau tricolore et à hurler des slogans hostiles à Emmanuel Macron, soupçonné d’entretenir une trop grande proximité avec le président Paul Kagamé. Le dirigeant du Rwanda est accusé par Kinshasa de soutenir la rébellion du M23 dont la particularité est d’être à dominante tutsie. Elle opère principalement dans le Kivu depuis une décennie. Des accusations appuyées par un rapport du Conseil de Sécurité des Nations Unies, publié en 2012, qui avait révélé des liens étroits entre le gouvernement rwandais et le M23, qui a été une première fois dissous puis qui s’est reformé récemment. Ce que réfute vigoureusement le Rwanda.
Bien que le président Emmanuel Macron n’ait pas hésité à dénoncer le soutien de Kigali au M23, il « se retrouve dans une position délicate, voire inconfortable ». « D’un côté, il se doit de condamner ce qui se passe avec le M23 et le soutien de Kigali et d’un autre côté, il ne veut pas condamner un partenaire qui aide la France » a expliqué Trésor Kibangula à Reuters. « On sait que la diplomatie française a fait un premier pas en nommant ce qui se passe dans l’Est du Congo, en dénonçant le soutien de Kigali, et les gens attendent de voir le président français aller plus loin » poursuit cet analyste politique à l’Institut Ebuteli. Le message ne semble pourtant pas avoir été entendu par l’occupant de l’Élysée. Lors d’un échange avec le président congolais Felix Tshisekedi, face à un parterre d’invités et de journalistes, Emmanuel Macron a joué les moralisateurs : « Depuis 1994, vous n’avez jamais été capables de restaurer la souveraineté ni militaire, ni sécuritaire, ni administrative de votre pays. C’est une réalité. Il ne faut pas chercher des coupables à l’extérieur » s’est permis d’assener Emmanuel Macron au président congolais, paraphrasant même les propos de son ancien ministre des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, qui avait qualifié l’élection de Felix Tshisekedi de « compromis à l’Africaine ».
Le fils de l’opposant le plus acharné au régime du président Mobutu Sese Seko (qui a dirigé le Zaïre de 1965 à 1997) n’a pas digéré cette attaque peu diplomatique teintée d’accents léopoldiens. « Quand il y a des irrégularités aux élections américaines, on ne parle pas de compromis à l’américaine. En France, lors des années Chirac, lorsqu’il y a eu des électeurs décédés qu’on a fait voter, on ne parlait pas de compromis à la française. Je crois qu’il doit y avoir du respect dans la considération que l’on doit avoir les uns envers les autres » a répliqué Felix Tshisekedi en pointant Emmanuel Macron du doigt, devant les caméras du monde entier. « Regardez-nous autrement en nous respectant, en nous considérant comme de vrais partenaires et non pas toujours avec un regard paternaliste, avec l’idée de toujours savoir ce qu’il faut pour nous » a averti Felix Tshisekedi. L’altercation entre les deux dirigeants n’a pas tardé à tourner sur les réseaux sociaux dont sont friands les Africains. Pour certains d’entre eux, le ton constamment supérieur d’Emmanuel Macron vis-à-vis des dirigeants africains démontre qu’il n’a pas quitté les habits de cette Françafrique alors qu’il ne cesse d’affirmer qu’il a mis fin à toutes les pratiques nébuleuses au sein de son gouvernement. La rencontre entre Emmanuel Macron et le prix Nobel de la paix Denis Mukwege, possible candidat à la prochaine élection présidentielle du Congo-Kinshasa, révélée après le départ du président français, risque d’ailleurs de ne pas arranger les relations entre les deux pays et de donner du grain à moudre aux chantres du panafricanisme qui accusent la France d’ingérence dans les affaires intérieures des pays africains.
En France, cette visite n’a pas fait l’unanimité dans la classe politique. Elle a été vertement critiquée par l’opposition de Gauche. De nombreux élus ont fait remarquer qu’Emmanuel Macron avait profité de ce moment pour fuir ses responsabilités alors que la France sombrait dans le chaos politique. Le député des Insoumis François Ruffin a relayé une vidéo du président français tout sourire, une bière à la main, coincé entre deux Africains, dont le chanteur congolais Fally Ipupa, dans un bar de la capitale congolaise. Le député écologiste Aurélien Taché a dénoncé cette visite, évoquant une « tournée […] mélange de Tintin au Congo et d’OSS 117 en Afrique », faisant remarquer que les leçons de démocratie sont bonnes chez les uns, mais pas forcément chez les autres (une référence au régime de Denis Sassou Nguesso, président du Congo-Brazzaville). Pour l’opinion française, ce voyage reste également un échec. Si « six Français sur dix estiment que la présence française en Afrique est importante », note Le Figaro, ils sont « aussi nombreux à se montrer pessimistes pour l’avenir et à mettre en doute la capacité d’Emmanuel Macron à instaurer une nouvelle relation équilibrée, réciproque et responsable » conclut le quotidien. D’autant plus que, selon Catherine Colonna, ministre des Affaires étrangères, les partenariats « gagnant-gagnant » que Macron espèrent nouer permettront « la préservation des forêts, la lutte contre le changement climatique, la lutte contre les pandémies, la défense du multilatéralisme. » On sent le stratège…
Illustration : Emmanuel Macron, très à l’aise avec les dirigeants africains qu’il sait traiter avec cette bonhommie souriante qui fait tout son charme.