Voilà six mois que l’Ukraine est devenue le point épiphanique où les puissances, les ambitions, les calculs et les faiblesses se révèlent.
L’Union européenne est manifestement une construction américaine. La Russie s’est jetée dans un combat qu’elle ne maîtrise pas. L’Onu n’a aucun pouvoir. Il n’y a pas de consensus mondial. L’énergie est le nerf de nos sociétés. L’Otan est le bras armé des États-Unis. Le droit international, les traités, les accords, toute la substance de la diplomatie, ne sont que faisceaux d’hypothèses avec lesquelles on compose d’improbables pièces, en attendant que le vainqueur fixe la doctrine et n’écrive la partition. Et surtout, l’Occident existe-t-il ? N’est-il pas lui aussi une construction fictive, un mirage politique, une image rémanente alors que les BRICS et l’Afrique sont en train de tourner la page du colonialisme européen ?
En attendant que les voiles en train de glisser donnent à voir le nouvel édifice, la poussière des discours médiatiques obscurcit notre vision. Ce nouvel ordre en train de se recomposer est-il, paradoxalement, le fruit des sanctions supposées préserver l’ancien ? Car les sanctions, depuis Napoléon au moins, n’ont jamais produit, sur le moyen terme, les heureux effets que leurs promoteurs vantaient. Et alors que le mot pénurie, qu’on croyait obsolète, s’installe dans nos vies, les Russes, que l’Europe ne fait plus rêver, s’apprêtent à revivre, patiemment, de longues années grises. Ils ont supporté le communisme et le régime tsariste. Est-on bien assuré qu’ils seront les premiers à se lasser de ne plus pouvoir acheter du Gucci ?