Tribunes
Bethsabée
Bethsabée était très belle, son mari Urie le Hittite était à la guerre, et elle prenait son bain en plein air dans son jardin…
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L’Allemagne est à ce point opposée aux intérêts français que les dirigeants français sont forcés de reconnaître, aujourd’hui, le caractère fictionnel du prétendu couple franco-allemand. Quant à l’Allemagne, elle s’ébroue et affirme sa domination européenne.
Olaf Scholz expliquant comment fonctionne la diplomatie allemande, avec un très sophistiqué système de vannes et d’interrupteurs.
Le 12 janvier 2021, Les Échos nous expliquaient que « Paris hausse le ton face à Volkswagen » : les actionnaires allemands voulaient arrêter la production de moteurs de secours des sous-marins nucléaires français et même délaisser la propulsion des navires militaires. « Et ce, alors que l’industriel est engagé sur la livraison des moteurs de secours des sous-marins Barracuda, un programme de six sous-marins à livrer d’ici à 2030, et qu’il devait aussi monter à bord du programme des sous-marins nucléaire lanceurs d’engins (SNLE) de troisième génération. » Le 13 octobre 2022, Bertille Bayart reprenait les propos d’un patron français : « “Tout ce qui remonte des entreprises allemandes vers la chancellerie, au travers notamment du patron d’Allianz Oliver Bäte qui pilote la réponse à la crise énergétique, converge autour d’un message : pas de cadeau pour les Français”, confie un bon connaisseur des milieux d’affaires. Une source française lâche : “Ils veulent nous écraser.” » En 2021, l’admirable Merkel expliquait que « l’Allemagne devrait agir pour elle-même » en matière de vaccin : fi de l’Europe, et surtout fi du commissaire français, Thierry Breton. C’était une semaine après la décision de Berlin de commander des F-35, ce qui évidemment enterrait un peu plus le SCAF, projet d’avion de combat européen, qui doit remplacer le Rafale français. Projet pour lequel les Allemands exigeaient d’avoir accès aux technologies de Dassault : allez, file-nous tes secrets .
Aveuglement français
Macron, évidemment, se montrait optimiste. Le 11 février 2021, il déclarait après un conseil de défense franco-allemand co-présidé avec Merkel : « D’ici à quelques semaines très proches, nous aurons levé les derniers points qui demeuraient et j’ai ensuite bon espoir que, d’ici au printemps, on puisse arriver aux validations administratives et politiques qui sont attendues pour tenir le calendrier et nos ambitions » (BFM). Que nenni. En guise de char et d’avion du futur, l’Allemagne a choisi de laisser la France s’enliser dans ses rêves amoureux : comme le dit la sénatrice Hélène Conway-Mouret, « Nous avons peut-être trop misé sur le couple franco-allemand. Or, les Allemands ont des objectifs différents des nôtres. » Olaf Scholz est d’ailleurs prêt à dépenser 100 milliards d’euros dans la défense en travaillant avec ses satellites polonais, tchèques et slovaques ; la France, que l’Allemagne a bien tenté de militairement satelliser à plusieurs reprises, est jugée inutile : elle est pleine de Français qui croient que la France ne doit pas tout sacrifier à l’Allemagne, malgré un Macron complaisant jusqu’à l’aveuglement qui a par exemple accepté, en septembre 2021, de transférer en Allemagne la fabrication du moteur réallumable de l’étage supérieur du lanceur Ariane 6. Bien sûr, Bruno Le Maire avait balayé les critiques du RN d’une main énervée. Quelques mois plus tard, on apprenait que l’industriel allemand OHB faisait « le siège de la Commission européenne pour la convaincre de lancer les prochains satellites Galileo (le GPS européen)… sur des lanceurs Falcon 9 de SpaceX » (Challenges). Et même si un accord spatial européen a été trouvé en juin 2021, l’Allemagne a développé son propre écosystème industriel spatial jusqu’à faire craindre qu’elle ne dispose bientôt de son propre lanceur.
Mainmise allemande
Très ironiquement, cette Allemagne qui veut continuer à dominer l’Europe au détriment de la France et d’autres pays, qu’elle craint et méprise tout à la fois, profite des rêves européens de Macron avec ses “initiatives”, ses conseils élargis et ses conférences à quarante : c’est la RFA qui est au centre de cette Europe élargie. L’admirable Le Maire, avec sa lucidité et son courage habituels, a pris acte du fait que l’Allemagne s’essuyait les pieds sur nous : « Cela doit nous amener à une redéfinition stratégique des relations entre la France et l’Allemagne. Et à créer une alliance nouvelle, peut-être encore plus forte. » Peut-être encore plus forte : peut-on être à ce point dans le déni ? Et Macron d’expliquer gravement qu’il n’est pas bon que l’Allemagne « s’isole » (sic) au moment même où elle rassemble autour d’elle tous ceux que la France exaspère (la Pologne ne nous aime pas, c’est le moins qu’on puisse dire), une France véritablement isolée, elle, et de plus en plus, et singulièrement depuis le discours de la Sorbonne de Macron, en 2017, où il expliquait aux Européens comment se comporter comme s’il parlait à des « Gaulois réfractaires » (Paris s’était permis de geindre que Berlin n’y avait pas prêté grande attention, comme une maîtresse qui lasse réclame de l’attention en exhibant ses toilettes). Une France d’autant plus isolée qu’elle a, pour une fois, raison dans la ligne arrêtée vis-à-vis de la Russie : Macron ne veut pas d’un conflit européen permanent, qui ne servirait que les intérêts américains et, en cascade, leurs féaux les plus loyaux, autrement dit l’Europe de l’Est, à laquelle l’Allemagne appartient désormais : elle ressuscite la Ligue hanséatique avec ses projets de défense.
Le “couple franco-allemand” se révèle au grand jour ce qu’il est depuis le début : une inquiétude française vis-à-vis d’un voisin beaucoup plus puissant, qu’on prétend cajoler tout en espérant le contraindre par l’Union européenne (jeu diplomatique où Macron a totalement échoué, avec entre autres le grotesque épisode Loiseau), un levier pervers côté allemand, qui se sait en situation d’imposer ce qu’il veut et se plaît à forcer les Français à danser au bout de la corde qu’ils ont eux-mêmes nouée à leurs cous.
Dans ces conditions, et quoi que Le Maire pense de la nécessité d’un « reset sur un certain nombre de points », Berlin n’a plus aucune raison de nous ménager. L’Allemagne est riche quand nous sommes pauvres, l’Allemagne est centrale et septentrionale quand nous sommes occidentaux et méridionaux, l’Allemagne est une puissance industrielle quand nous ne sommes plus qu’un pays en voie de sous-développement, et toutes nos forces lui sont autant de craintes : notre nucléaire l’énerve puisqu’il garantissait notre indépendance (que Paris ne veut pas affirmer par un stupide entêtement unioniste), notre armée lui fait peur puisque, même affaiblie à l’extrême, elle restait la seule armée opérationnelle en Europe.
L’Allemagne de Scholz veut ranger définitivement l’Union européenne à sa botte (fournie par les États-Unis) en y embarquant tous ceux qui accepteront que leurs intérêts nationaux soient décidés à Berlin et serviront ses intérêts allemands. Les autres ? L’Allemagne les ruinera. Elle les ruinera en refusant jusqu’au bout une énergie à bas prix, puisqu’il suffirait d’abandonner le système absurde qui régit pour le moment, en UE, les tarifs. Elle les ruinera en exigeant que les dettes soient remboursées. Elle les ruinera en ne passant aucune commande à leurs industries. Elle les ruinera en subventionnant son économie, parce qu’elle en a les moyens et que les autres, la France en tête, ne les ont déjà plus. Deutschland, Deutschland über alles, über alles in der Welt : l’Allemagne, l’Allemagne au-dessus de tout, l’Allemagne au-dessus de tout au monde. Et pour un fort beau résultat :
Femmes allemandes, fidélité allemande,
Vin allemand et chant allemand
doivent continuer dans le monde
de résonner avec leur ancienne beauté,
de nous porter à agir avec noblesse,
tout au long de notre vie.
Femmes allemandes, fidélité allemande,
Vin allemand et chant allemand. (bis)
Ce bis est important.