La guerre ne nous avait jamais quittés, froide ou chaude, mais nous la tenions à distance en expliquant qu’elle n’existait plus puisque nous ne la vivions pas directement, ou d’une manière si discrète qu’on pouvait s’en abstraire, si diplomatique qu’elle ne paraissait pas agressive, si économique que nous refusions de voir les victimes bien réelles, ces personnes privées de leur travail.
Mais voilà la guerre revenue en grâce : la guerre économique est enfin justement nommée puisque les victimes vont être ceux qui en tiraient parti et les conflits lointains se rappellent à nous avec insistance au gré des alliances rompues, des immigrants fuyant leurs pays ou, pire encore, de nos palinodies diplomatiques exigeant qu’on voie le mal ici et qu’on ne considère là que le bien, excipant en permanence des mêmes principes pour justifier tout et son contraire.
Principes qui parfois nous reviennent dans la figure, quand Turcs et Arméniens utilisent les mêmes mots, quand les Soudanais se déchirent en invoquant les droits de l’homme, quand l’Europe critique l’empire états-unien en tentant d’imposer un empire européen.
Toutes ces guerres, aujourd’hui, façonnent le monde de demain – et plus sûrement encore les conflits de demain puisque l’ivresse de lutter pour le Bien a déchaîné les instincts bellicistes de ceux qui ne juraient que par le doux commerce et qui voient, dans l’émancipation vis-à-vis des États-Unis, la route triomphale vers un mondialisme guerrier et accéléré.