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Vous dites déni de démocratie ?

L’illégitimité des prétentions du Nouveau Front populaire à diriger le gouvernement.

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Vous dites déni de démocratie ?

« Déni de démocratie », voilà le grand mot ayant cours en politique, en ce moment. Ce sont les militants et les élus de la gauche qui l’utilisent le plus, et le lancent à la figure d’Emmanuel Macron et de son entourage. En ne nommant pas Lucie Castets à Matignon, le président de la République a commis un déni de démocratie puisque celle-ci est la candidate de toute la gauche, du Nouveau Front populaire (NFP) aux fonctions de Premier Ministre, et que la gauche unie dispose de la majorité des sièges de députés à la nouvelle Assemblée nationale, issue des élections législatives des 30 juin et 7 juillet derniers. Disant cela, la gauche oublie une chose, voire plusieurs. Tout d’abord, sa majorité est toute relative : 178 sièges de députés, alors qu’il lui en faudrait 289 pour disposer de la majorité absolue. Elle en est loin, à moins dire. D’autre part, ce Nouveau Front populaire se présente comme une coalition hétéroclite, c’est l’évidence même. Tout le monde sait très bien qu’il n’y a rien de commun antre le programme politique de La France Insoumise (LFI) et celui du parti socialiste. Le premier cultive un populisme révolutionnaire aux relents d’hébertisme ou de babouvisme, et formule un projet politique aux antipodes de celui de celui du pouvoir macronien, qu’il a combattu sans merci durant sept ans. Quant au second, on sait bien que s’il revenait au pouvoir, il mettrait en œuvre une politique qui consisterait en la reprise de celle de Macron, à quelques nuances, subtilités et faux-semblants près. N’oublions pas qu’Emmanuel Macron et bon nombre de caciques de son parti (LREM, puis Renaissance) viennent du parti socialiste, et que l’actuel locataire de l’Élysée fut ministre de l’Économie du gouvernement Valls, sous la présidence de François Hollande, lequel déployait, en gros, la même politique sociale-libérale (et plus libérale que sociale) que celle que nous connaissons depuis 2017. Une synthèse politique LFI/PS est impossible, et c’est pure hypocrisie que d’affirmer ou de laisser croire le contraire. Le PS, qui avait d’ores et déjà quitté la NUPES et n’a rejoint le NFP qu’au nom de la prétendue nécessité du « Front républicain » contre le tout aussi prétendu « danger » du Rassemblement national (RN) (et parce qu’il jugeait prématuré, au printemps 2024, d’amorcer un rapprochement avec les macroniens) ne souscrit pas, en réalité (et malgré les engagements solennels) au programme totalement irréaliste du NPF. 50% de ses adhérents souhaitent une prise de distance avec ce dernier et une alliance (certes conditionnelle) avec Renaissance, ses satellites (Horizon, MODEM, UDI) et La Convention de Bernard Cazeneuve (de centre gauche et hostile à la NUPES, puis au NFP). Les Écologistes sont divisés entre les radicaux (éco-féministes et autres) menés par Sandrine Rousseau, les modérés de Yannick Jadot et Karima Delli, et un entre-deux majoritaire, dirigé par Marine Tondelier, qui s’oppose souvent à LFI sur des questions de stratégie. Ces questions opposent également LFI au parti communiste. Enfin, LFI connaît de sérieuses dissensions internes. De quelle légitimité peut donc se prévaloir un NFP dépourvu de majorité absolue à l’Assemblée nationale, et constitué de partis incapables de s’entendre et, en ce qui concerne LFI et le PS, opposés quant à leurs programmes politiques ? Si Emmanuel Macron n’avait pas provoqué des élections anticipées, la NUPES aurait achevé de se décomposer, et, entre les printemps 2024 et 2027, le PS se serait rapproché à pas comptés de la mouvance macronienne, jusqu’à conclure une alliance électorale avec elle lors de la prochaine présidentielle et des législatives suivantes. Et, vraisemblablement, LFI, Les Écologistes et le parti communiste seraient partis à la bataille séparément et se seraient contentés d’accords de désistement au second tour. Coalition artificielle (et imposée par les circonstances) de formations mutuellement opposées, le NFP ne peut se prévaloir d’aucune légitimité, ne disposant d’ailleurs pas de majorité parlementaire absolue, répétons-le. Il le peut d’autant moins qu’il ne doit pas sa victoire aux seuls suffrages de la gauche. Au nom du « Front républicain », noble entreprise constituée pour parer dans l’urgence au risque de l’arrivée au pouvoir du RN (lequel aurait aboli la démocratie, on s’en doute), les partis de gauche ont tu leurs désaccords mutuels pour s’unir et ont conclu des alliances électorales avec la droite « républicaine », se traduisant, au second tour des dernières législatives, par des désistements et des reports de voix systématiques de la gauche en faveur des candidats Les Républicains (LR) et de ces derniers et de leurs électeurs en faveur de candidats de gauche. Ainsi, nombre candidats de gauche ont dû leur victoire à des voix de droite, et, réciproquement, maints candidats de droite ont été élus grâce à l’appoint de voix de gauche. Des candidats LFI ont été élus ou réélus grâce au renfort de voix d’électeurs de droite qui considèrent pourtant Mélenchon comme une calamité publique et une catastrophe pour la France s’il venait à la gouverner. Des candidats macroniens et LR, partisans convaincus d’une réforme drastique du régime des retraites, ont dû leur siège à des électeurs qui avaient combattu bec et ongles cette dernière et l’avaient dénoncée comme la pire des régressions sociales.

Une succession de dénis de démocratie suscités par la gauche

Le résultat de ces législatives tient en ceci qu’en dehors du RN, aucun des partis ou des groupes n’a de légitimité démocratique, lors même que ses membres ont été élus au suffrage universel direct. Et ce pour la bonne raison que le jeu démocratique a été complètement faussé durant ces élections.

Ce jeu repose sur des bases claires. Il oppose des partis qui vont seul(s) à la bataille, ou des coalitions de partis situés du même côté de l’éventail politique, qui ne sont pas séparés par des divergences de vues insurmontables, et ont conclu, assez longtemps avant l’échéance électorale, non seulement des accords de désistement, mais un programme minimal (voire maximal) commun de gouvernement. Tel n’a pas été le cas cet été, où le prétendu « Front républicain » a associé des partis mutuellement ennemis et qui se savaient incapables de s’entendre sur quelque sujet que ce fût, avant comme après le scrutin. On a contraint des électeurs de droite à voter pour des candidats de gauche qu’ils exécraient, et des électeurs de gauche pour des candidats de droite qu’ils considéraient comme les serviteurs dévoués des riches et les démolisseurs du système de protection sociale et des services publics. M. Hollande, le plus mauvais des présidents du présent régime, a tenté de justifier cette pratique. Il a nié l’existence d’une contrainte quelconque en osant affirmer, avec un tranquille cynisme, que les électeurs non désireux de reporter leurs suffrages sur un candidat (du « front républicain ») qui ne leur convenaient pas, pouvaient toujours soit voter en faveur du représentant local du RN, soit s’abstenir. Affirmant cela, il oubliait délibérément (et malhonnêtement) que le « front républicain » n’offrait ainsi, pour le second tour des législatives, pas d’alternative acceptable pour les électeurs hostiles tant au RN qu’à la droite « républicaine » (s’ils se situaient à gauche, et se voyaient amenés à choisir entre un représentant de cette dernière et un lepéniste) ou à la gauche (lorsque le candidat de celle-ci affrontait seul, au second tour, un lepéniste, alors qu’ils votaient traditionnellement en faveur de la macronie ou des LR).

Le scrutin des dernières législatives a donc été faussé par les partis politiques dits « républicains », qui ont bel et bien contraint moralement leurs électeurs à voter, au second tour, pour des candidats dont ils réprouvaient pourtant totalement l’allégeance, les convictions et le programme, et avec lesquels ils savaient bien ne pas pouvoir s’entendre. Et cela, c’est réellement un déni de démocratie, par corruption du jeu démocratique normal, suivant lequel les électeurs votent pour le candidat de leur préférence ou le moins éloigné de celle-ci, et non pour un candidat totalement opposé à leurs idées et à leurs vœux. Déni de démocratie également la pratique consistant à priver le parti disposant du plus grand nombre de suffrages populaires et du plus grand nombre de sièges de députés des postes de présidence et de sous-présidence de commissions de l’Assemblée nationale qui lui reviennent légitimement. Déni de démocratie enfin les ententes des groupes parlementaires européens jetant systématiquement aux oubliettes les propositions émanant du RN français et autres partis nationalistes dits d’ « extrême droite ».

Déni de démocratie que ces sordides manigances de « cordon sanitaire », de « front républicain » et autres intrigues de coulisses tournées contre les élus RN à la légitimité incontestable et à égalité de droit avec les autres partis. La situation de crise politique que nous connaissons aujourd’hui (un président de la République victime de ses manœuvres, un Premier Ministre sans majorité parlementaire, un RN marginalisé quoique disposant du plus grand nombre de sièges de députés, un NFP promis à l’éclatement) résulte de la succession de ces dénis de démocratie que la gauche, qui les suscite et les pratique constamment, juge normaux pour conjurer le « danger » représenté par le RN. Un danger en fait inexistant.

Faux résistants et vrais oppresseurs

Mais la gauche aime jouer la Résistance contre les résurgences de Vichy. Un gouvernement non issu de ses rangs (macronien ou de droite) ne peut pas prendre, ou même seulement envisager, une mesure ayant quelques chances d’efficacité contre l’immigration ou la délinquance dans les banlieues sans se voir aussitôt accusé par la gauche, toutes les « assoces » et les médias de « courir après les voix du Rassemblement national », et de contribuer à la « lepénisation des esprits ». Et, s’il tente de poser des conditions à l’aide sociale aux immigrés, il se voit accusé de remettre à l’honneur la politique prétendument raciste du gouvernement de Vichy. C’est au nom de ce prétexte qu’au début de cette année 2024, 32 présidents socialistes de conseils départementaux ont annoncé, en toute illégalité et au mépris de leur devoir d’élus « républicains », leur intention de ne pas appliquer les volets de la loi Immigration du 26 janvier (d’ailleurs invalidée sur ces points par le Conseil Constitutionnel) relatifs à ces sujets… sans d’ailleurs se voir menacés le moins du monde de représailles judiciaires par le pouvoir. Ce faisant, ils « se la jouaient », pour employer une expression populaire. Plus exactement, ces caricatures de rebelles (en fait encensés par les médias et une opinion publique conditionnée et lobotomisée), ces faux résistants, ces Jean Moulin au petit pied, imitaient ces policiers et ces fonctionnaires préfectoraux qui, sous l’Occupation, prévenaient secrètement les Juifs des rafles qui allaient les frapper. Et si une personnalité politique émet la moindre critique sur le mariage homosexuel, les droits des LGBT, la constitutionnalisation du droit à l’avortement ou la PMA, elle voit sa carrière brisée net, ou, à tout le moins, très sérieusement compromise.

Une situation politique de crise suscitée par la gauche

La situation de crise politique que nous connaissons aujourd’hui (un président de la République victime de ses manœuvres, un Premier Ministre sans majorité parlementaire, un RN marginalisé quoique disposant du plus grand nombre de sièges de députés, un NFP promis à l’éclatement) résulte de la succession de ces dénis de démocratie que la gauche, qui les suscite et les pratique constamment, juge normaux pour conjurer le « danger » représenté par le RN. Un danger en fait inexistant. Mais, redisons-le, les gens de gauche adorent jouer aux héros en lutte contre les prétendues résurgences du fascisme et du pétainisme. Et elle justifie le « front républicain » en rappelant que sous l’Occupation, la Résistance unissait des gens mutuellement opposés quant à leurs idées. Elle oublie, en toute connaissance de cause, de rappeler que le Conseil national de la Résistance avait produit, dans son programme du 15 mars 1944, un projet politique commun, ce que n’ont pas fait ni ne pouvaient faire les partis membres du « Front républicain » de juin-juillet 2024.

Pour la gauche, la démocratie, c’est ce qui la sert

La gauche fustige seulement les dénis de démocratie dont elle est victime… après en avoir suscité d’autres, qu’elle juge légitimes dans l’intérêt même de la démocratie. La démocratie, c’est ce qui va dans le sens de ses idées. Ce qui va dans le sens contraire doit être combattu sans merci. Les condamnations judiciaires, les interdictions de réunions publiques, la censure, les interdictions professionnelles, s’abattent sur ceux qui osent braver totalitarisme politique, éthique et culturel ambiant. Peut-être la gauche s’inspire-t-elle de Wilhelm Frick, le ministre de l’Intérieur d’Hitler qui déclarait devant une assemblée de juristes, en 1933: « Pour les nationaux-socialistes, le droit est ce qui sert le peuple allemand, l’injustice, ce qui le dessert ».

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