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Une souveraineté française est-elle encore pertinente ?

La question de ce qui reste et de ce que peut devenir la souveraineté française est plus que jamais pertinente.

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Une souveraineté française est-elle encore pertinente ?

En termes de bilan, ce qui est d’emblée évident est un recul massif, ne serait-ce qu’en comparaison avec les années 1960-1970.

  • Finance : nous n’avons plus de monnaie propre, mais une dette énorme, qui nous met dans la dépendance des marchés.
  • Militairement : nous n’avons plus qu’une armée d’échantillons, de qualité mais sans pertinence à l’époque des guerres de masse à la russo-ukrainienne.
  • Diplomatie : la nôtre est réduite à l’os et comme l’a écrit un grand ambassadeur, « déboussolée ». Elle est acquise aux atlantistes, donc dépourvue de boussole propre.
  • Industrie : la nôtre est fondue. Le CAC est sous contrôle étranger sauf dans le luxe.
  • Énergie : c’est la lamentable histoire du nucléaire français, atout majeur il y a 40 ans, renié puis rapiécé depuis.
  • Europe : l’élargissement nous a dilués et ce qui l’emporte, ce sont des projets tous plus fédéralistes les uns que les autres.
  • Culture populaire : c’est la déferlante culturelle états-unienne, notamment sur les réseaux sociaux.
  • Langue : le repli est considérable, internationalement, et en France même où le sabir mélangé est le dialecte à la mode.
  • Droit : nous sommes désormais dominés par des normes juridiques extraterritoriales, définies par des juridictions apatrides à la nomination opaque et aléatoire (CEDH, etc.)
  • Contrôle des frontières : ce n’est plus qu’un souvenir.
  • Etc.

Trois problèmes ou dilemmes

Cet effarant recul doit être analysé. On peut le voir comme la résultante de trois problématiques.

  • Le culte de l’Europe d’abord. On y a fait un énorme transfert, au sens psychanalytique, mais sans base de légitimité démocratique à ce niveau et avec des partenaires qui ont d’autres priorités : on a cru que ce que nous attendions d’une souveraineté pouvait être reconstitué à ce niveau, avec bien plus de puissance. Or l’Europe de Bruxelles est bâtie sur de tout autres bases et n’est donc pas en état de satisfaire les rêves français. Dans aucun des domaines évoqués ci-dessus elle n’apporte de réponse véritable – en mettant à part la question spécifique et complexe de la monnaie. Rappelons que la France est le seul grand pays de l’actuelle UE qui, à la fois, était encore récemment une vraie puissance et n’a pas été cassée en 1945. Sans oublier non plus que notre mode de fonctionnement est très différent de celui des autres.
  • La question de la taille. On doit prendre en compte le relèvement du niveau de taille requis pour peser dans tous les domaines. Notamment au niveau technologique (armée comprise). Ce qui implique un arbitrage judicieux entre les domaines où il est impératif de faire seul (nucléaire militaire) et ceux où la coopération est nécessaire (mais cas par cas, et si on est vraiment sur la même ligne avec nos partenaires). L’Europe peut être un tel cadre de coopération, privilégié mais non exclusif, si c’est en dehors du mythe irrationnel de « l’union toujours plus étroite ».
  • La base de culture politique et les valeurs collectives ont considérablement évolué, en France comme ailleurs. La souveraineté n’a pas toujours le vent en poupe, comparée au niveau de vie ou, dans un autre genre, à l’écologie. On ne paraît plus comprendre cette vérité élémentaire qui est, quand on la pose, évidente, que sans un minimum de souveraineté on ne peut plus rien faire, dans quelque domaine que ce soit. Il faut donc restaurer cette prise de conscience.

Il faut un arbitrage judicieux entre les domaines où il est impératif de faire seul et ceux où la coopération est nécessaire.

De fortes spécificités subsistantes

Il nous reste pourtant de fortes spécificités et points d’appui.

  • Un empire maritime exceptionnel.
  • Une armée qui reste la plus crédible du continent.
  • Les outils d’une diplomatie possible, siège au conseil de sécurité de l’ONU compris.
  • Quelques grandes entreprises et banques. Des entrepreneurs, notamment dans les nouvelles technologies.
  • De beaux morceaux dans l’agriculture.
  • Une base de population souvent compétente et dévouée.
  • Un parc nucléaire abîmé mais encore fonctionnel.
  • Une langue dont la place au niveau mondial est désormais sous-estimée en France même.

Problématique

On voit bien que deux facteurs sont centraux.

L’un est à nouveau le dilemme européen. Si on s’inscrit dans le mythe d’une union toujours plus étroite, il faut purement et simplement oublier l’idée de souveraineté, la française évidemment, mais aussi l’illusion de la souveraineté européenne. Sauf à devenir un empire, l’Europe, c’est la post-souveraineté. Et donc la glissade sur la pente savonneuse.

L’autre est la culture collective. Rien ne sera possible tant que régnera le culte de modèles idéologiques, consensuels ou non, mais déconnectés d’une véritable problématique politique et notamment d’une possibilité d’action collective, car celle-ci suppose la souveraineté.

On objectera la taille, non sans réels motifs. Nous ne sommes ni petits, ni très grands, certes. Mais en soi cela n’exclut pas une politique autonome. Aucun pays n’est parfaitement autonome, ni technologiquement, ni industriellement, ni évidemment pour ses matières premières, ni en communication. La question est pour chaque pays, là où il est et comme il est, de définir les domaines où il a de vrais atouts, et ceux où il doit composer ; quelles sont ses priorités ; et avec qui il peut travailler, cas par cas. Nous sommes ici sous contrainte, comme tous les autres.

En sens inverse, la tentation populiste, évidemment compréhensible politiquement, tend à déplacer l’attention du public vers des domaines où la capacité d’action est désormais faible ou nulle (nouvelles dépenses), et la vulnérabilité réelle. D’une certaine façon d’ailleurs, nous venons de 30 ans de populisme, 18 en tout cas.

En résumé, après la dénonciation des entraves, à commencer par la supposée prééminence du droit européen, la question de la souveraineté se pose en termes de reconstruction : reconstruction matérielle, et reconstruction intellectuelle et morale. Le chemin est long. Il comporte, étapes essentielles, la réorientation de l’Europe comme lieu de coopération et non projet fédéral ; et la restauration de l’esprit public. Vaste mais incontournable programme.

 

Illustration : En avant, calme et droit, sans tenir compte des peuples.

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